Litige Tigo/Etat du Sénégal : Millicom International saisit le Centre International de Règlements des Différends lies aux Investissements (CIRDI)
vendredi 18 novembre 2011
Le litige opposant la société de téléphonie mobile Tigo à l’état Sénégalais pourrait connaitre un nouveau rebondissement, du fait que la maison-mère, à savoir le groupe suédois Millicom International Cellular (MIC), réclame un arbitrage international. Le Centre International de Règlement des Différends lies aux Investissements, saisi, devra se charger de trancher ce contentieux juridique qui date du 31 Octobre dernier.
L’état sénégalais risque de perdre gros, sur cette affaire, si jamais la décision du CIRDI allait en faveur de la société de téléphonie. En effet, selon nos confrères de JeuneAfrique.com, au Palais présidentiel, qui gère l’affaire en direct, la marge de manœuvre apparaît étroite. Suspendre vraiment le réseau, c’est s’exposer à la colère de 400 employés (et 40 000 emplois indirects) et de près de deux millions d’abonnés. En outre, « le recours au CIRDI montre que Millicom a épuisé toutes les solutions amiables », explique Hamid Gharavi, avocat spécialiste de l’arbitrage international, basé à Paris qui précise que c’est aussi leur dernière cartouche pour obliger l’État à relancer les négociations.
Dans cette affaire, ajoute nos confrères, c’est Dakar qui a tiré la première salve, le 31 octobre dernier, en menaçant de suspendre la licence GSM du numéro deux de la téléphonie mobile dans le pays, avec 1,8 million d’abonnés (3 millions pour Orange). Engagées dans des négociations serrées, les deux parties ne parvenaient pas à un accord. En 2000, déjà, Abdoulaye Wade, nouvellement élu à la présidence, avait annulé le contrat de Sentel, négocié, en 1998, contre une redevance annuelle, au motif de défaillances et de non-respect de certaines clauses. Mi-2002, une entrevue entre le président Wade et les dirigeants de MIC débloquait la situation. Tigo pouvait poursuivre « provisoirement » ses activités, les termes de l’exploitation de son réseau devant être révisés, lors de l’octroi futur d’une nouvelle licence GSM. Ce qui arriva en septembre 2007, quand le soudanais Sudatel remporta une licence globale (fixe, mobile et Internet), pour 200 millions de dollars. Annoncé pour mars 2008, puis pour octobre, le démarrage d’Expresso (la marque de Sudatel) ne cesse d’être différé. Mais, les tensions entre Sentel et l’État ont repris de plus belle.
Devine Kofiloto, consultant senior au cabinet Teleplan, en Norvège, interrogé par nos confrères, note que le groupe devra démontrer au CIRDI que payer 200 millions de dollars n’a aucune justification économique. Est-il prêt à perdre le marché sénégalais, le plus fort contributeur à sa croissance en Afrique ? « Si Tigo quitte le pays, l’arbitrage du CIRDI peut aussi servir à réclamer une compensation financière au Sénégal », complète Devine Kofiloto. L’hypothèse que Tigo paie a, aussi, été avancé mais, à la condition d’obtenir une licence globale comme Sudatel.
Le Sénégal, dont le déficit budgétaire atteignait 293 millions de dollars mi-2008, selon le FMI, cédera-t-il au chantage ? Seule certitude, le CIRDI ne se prononcera pas avant dix-huit à vingt-quatre mois.
Mamadou Diouf
(Source : Rewmi, 18 novembre 2011)