Les télécoms pour financer le développement social : le pari du gouvernement malien
vendredi 7 février 2025
L’adoption des services télécoms connaît une forte croissance au Mali. Les autorités entendent capitaliser sur cette dynamique pour accroître les recettes publiques.
Le gouvernement malien a décidé de créer un Fonds de soutien aux projets d’infrastructures de base et de développement social exclusivement financé par la consommation des services commerciaux des communications téléphoniques et les opérations de retrait dans le cadre des transferts d’argent via le mobile money. Les projets de texte relatifs à cette initiative ont été adoptés en Conseil des ministres le mercredi 5 février.
Selon le communiqué du Conseil des ministres, les prélèvements « serviront à soutenir financièrement les initiatives publiques visant à améliorer les conditions de vie des populations en facilitant l’accès aux infrastructures essentielles dans divers secteurs, notamment le secteur énergétique ». Cela devrait contribuer à relever des défis comme le déficit d’infrastructures de base, la persistance des inégalités sociales et les insuffisances du système productif national.
Cette décision a été révélée au même moment que celle de porter la taxe sur la fourniture de services télécoms et par les opérateurs à 7 %, contre 5 % précédemment. Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre de la volonté du gouvernement malien de miser sur le secteur des télécommunications en pleine croissance pour augmenter les recettes de l’Etat et accélérer le développement socioéconomique.
D’après les statistiques officielles, le nombre d’abonnés à la téléphonie est passé de 22,1 millions en 2018 à 25,6 millions en 2023. Sur la même période, les abonnements Internet ont plus que doublé, passant de 5,9 millions à 13,4 millions. En 2023, le trafic voix sur les réseaux des opérateurs a atteint 17,6 milliards de minutes, tandis que le trafic SMS s’est élevé à 1,6 milliard. La consommation de données s’est quant à elle établie à 486 millions de gigabytes. Par ailleurs, le revenu moyen par abonné s’élevait à 1518 francs CFA (2,4 $) pour la téléphonie mobile et à 7513 FCFA pour l’Internet. En ce qui concerne le mobile money, le pays comptait environ 17 millions d’abonnés qui ont déposé 6528 milliards FCFA sur leurs comptes et retiré 5541 milliards FCFA.
Il convient toutefois de rappeler que les projets de loi adoptés par le Conseil des ministres pour la création du Fonds de soutien aux projets d’infrastructures de base et de développement social seront soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale avant d’être éventuellement promulgués et mis en œuvre. De plus, le gouvernement n’a pas encore précisé les modalités des prélèvements ni le pourcentage des prélèvements.
Par ailleurs, cette mesure, si elle est appliquée, pourrait ralentir l’adoption et l’utilisation des services, à en croire l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie (GSMA). Pour le mobile money, par exemple, l’organisation souligne que « les consommateurs réduisent rapidement leur utilisation des services en faveur d’autres méthodes de paiement telles que l’argent liquide, ce qui a pour effet d’annuler les progrès réalisés en matière d’inclusion financière et de réduire les recettes fiscales ». Elle cite le cas de la Tanzanie, où le volume des transactions mensuelles a chuté de 38 % après l’introduction d’une taxe sur les transactions électroniques en juillet 2021, passant de 30 millions à 18 millions.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 7 février 2025)