Les ONG à l’ère de l’information (document adopté à l’occasion de la réunion des ONG présentes au Forum pour le développement en Afrique, le 27 octobre 1999 à Addis Ababa)
mercredi 27 octobre 1999
Nous, représentants de la société civile, plus particulièrement les Organisations non gouvernementales (ONG) et les Organisations communautaires (OC), saluons et apprécions à sa juste valeur la tenue de cet important rassemblement de gouvernements, d’organisations internationales, d’acteurs du secteur privé et de la société civile.
Pour ces différentes organisations, la présente plate-forme constitue une occasion unique de définir ensemble notre engagement vers la société et l’économie de l’information. Nous sommes reconnaissants à la Commission Economique pour l’Afrique (CEA) et aux autres acteurs internationaux de la mise en place du Forum pour le Développement de l’Afrique (FDA). Nous apprécions l’engagement des personnalités de rang ministériel à ce forum. Nous attestons du rôle majeur qu’a joué et que jouera le secteur privé, et souhaitons renforcer le partenariat et l’échange d’expériences entre nos deux domaines d’intervention. Nous souhaitons poursuivre et renforcer notre action et notre coopération dans cette direction, avec l’ensemble des acteurs représentés au FDA.
Nous affirmons, en outre, que les questions touchant à l’accès aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) soulèvent les questions de l’équité, de la justice sociale et du droit à la communication.
Très souvent, d’importantes décisions de politique, touchant à la mise en place, à l’accès et à l’utilisation des TIC sont prises sans la participation de la société civile. L’accès universel à ces technologies, et la structure sociale qui permet et rend possible l’usage de l’accès, ne deviendra jamais réalité, si ceux qui ont le plus besoin d’avoir accès à ces technologies - c’est-à-dire tous ceux et celles qui sont marginalisés du fait de leur race, de leur genre, de leur handicap, de leur lieu de résidence, de leur revenu, de leur appartenance de classe, etc. - ne participent pas à ces décisions.
Les ONG et les Organisations Communautaires sont des acteurs privilégiés pour permettre aux groupes marginalisés de participer activement à toutes les activités relatives aux politiques de TIC : développer des contenus locaux, les diffuser par les canaux appropriés et efficaces, et consulter et rassembler l’opinion des groupes qu’elles desservent.
Les ONG et les Organisations Communautaires sont des vecteurs d’information et des intermédiaires privilégiés, du fait des liens étroits qui les unissent aux communautés, et de leur facilité d’accès à une large gamme d’acteurs et d’informations (souvent par le biais des TIC).
Les ONG et les Organisations Communautaires, en particulier celles qui agissent au niveau local, sont parties prenantes d’un modèle de développement qui s’attache à répondre aux besoins et aux points de vue des communautés locales, et sollicitent pour cela l’appui de toutes les organisations concernées dans la mise en place des politiques de TIC.
En conséquence, nous faisons les recommandations suivantes :
Recommandations en direction des ONG et les Organisations Communautaires
– Les ONG et les Organisations Communautaires utilisent les TIC pour fournir des services de développement, et pour mener des plaidoyers en faveur d’un plus large accès aux TIC. Il faut que toutes les ONG et les Organisations Communautaires concernées par ces questions soient plus étroitement en contact, de façon à partager idées et expériences, renforcer leur cohésion, et unir leurs voix et leurs forces. A l’heure actuelle, les ONG et les Organisations Communautaires interviennent dans un relatif isolement. Il leur faut davantage de moyens pour agir en réseau et coordonner leur action aux niveaux local, national, régional et mondial, afin de plaider pour des politiques qui tiennent compte de leurs besoins.
– Les ONG et les Organisations Communautaires doivent renforcer leur expertise et leur capacité à comprendre dans quelle mesure les nouvelles TIC et les politiques mises en oeuvre dans ce domaine les touchent directement. Il s’agit de renforcer la capacité des ONG et des Organisations Communautaires à prendre des décisions judicieuses et à apporter une contribution pertinente au processus de formulation des politiques.
– Les ONG et les Organisations Communautaires ont besoin d’être formées et de renforcer leurs capacités pour être à même de mener des activités de plaidoyer sur les politiques de TIC.
– Pour développer les connaissances sur les questions de politiques et renforcer capacités de plaidoyer, les ONG et Organisations Communautaires déjà expérimentées devraient s’employer à partager leurs connaissances et expériences avec celles qui sont moins informées. Les ONG et les Organisations Communautaires qui maîtrisent mieux les questions de politique devraient suivre ces questions aux niveaux mondial, régional, national et local, analyser l’impact de ces politiques, et diffuser cette information à leurs partenaires sous forme compréhensible.
– Les ONG et les Organisations Communautaires qui participent aux activités de plaidoyer sur les politiques de TIC en Afrique devraient utiliser les TIC (telles que les listes électroniques et les sites Web) et toutes les occasions de communication directe (telles que la prochaine rencontre de février 2000 à Bamako sur les TIC) pour renforcer leur action commune et leur coopération mutuelle.
– Pour garantir une activité de vigie sur les politiques, le partage des expériences, la coordination et la facilitation continue de la communication, les ONG et les Organisations Communautaires devraient envisager de créer un organisme officiel de coordination, appuyé sur les réseaux existants, chargé des activités de plaidoyer sur les politiques de TIC en Afrique.
– Les ONG et les Organisations Communautaires agissant pour l’instauration de politiques de TIC équitables en Afrique doivent convenir que nombre de ces politiques sont définies à un niveau international, et que les ONG et les Organisations Communautaires des autres régions ont une expérience pertinente de ces questions. C’est pourquoi les ONG et les Organisations Communautaires opérant en Afrique doivent créer des réseaux, partager leurs expériences, coopérer et mener des activités de plaidoyer, conjointement avec les ONG et les Organisations Communautaires qui plaident pour des politiques de TIC équitables dans les autres régions du monde. Les ONG et les Organisations Communautaires, ensemble et partout dans le monde, doivent se préparer à participer activement à la Rencontre du Millénaire de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), tout comme à d’autres organismes de régulation politique et aux manifestations internationales.
Recommandations à l’intention des gouvernements
– Les gouvernements devraient reconnaître le droit universel à la communication, et les importants bénéfices que la réforme politique et réglementaire des TIC peut avoir sur la capacité des laissés-pour-compte actuels à communiquer efficacement. Les gouvernements devraient s’attacher aux besoins de la société civile en matière de TIC et analyser sérieusement ces besoins avec les ONG et les Organisations Communautaires. De plus, cette consultation doit se traduire par des actions et changements politiques idoines.
– Dans la même mesure, les organismes internationaux tels que l’Union Internationale des Télécommunications (UIT) et l’OMC doivent se donner les moyens nécessaires à une contribution significative des ONG. L’UIT a déjà amorcé un processus permettant d’améliorer cette contribution ; nous appuyons et encouragerons ce processus, et la mise en oeuvre de processus similaires par d’autres organismes internationaux.
– Les gouvernements devraient adopter des politiques, des règlements et des mécanismes qui garantissent la transparence lors des processus de formulation de politiques de TIC, et activement encourager la société civile à apporter sa contribution à ce processus. Ils devraient s’employer à diffuser les informations pertinentes sur les TIC en direction de la société civile, et s’assurer que les ONG, les Organisations Communautaires et les citoyens ont la possibilité et les moyens d’appliquer ces politiques. Concrètement, les mesures gouvernementales pourraient notamment porter sur l’adoption de lois relatives à la liberté de l’information et l’organisation de débats publics accessibles et participatifs, allouant un temps suffisant au recueil des réactions à la politique envisagée, avant leur adoption. Les gouvernements devraient particulièrement s’employer à tenir compte des points de vue des ONG et des Organisations Communautaires dans les plans INIC (Infrastructures Nationales d’Information et de Communication) auxquels le Forum a accordé une si grande attention.
– Les gouvernements, y compris les organisations de réglementation, devraient s’efforcer d’harmoniser les lois et réglementations relatives aux TIC et aux médias pour renforcer la société civile. A l’heure actuelle peu de ces lois ou réglementations mettent les ONG et les Organisations Communautaires en mesure de se servir d’outils comme la radio communautaire, pour agir sur l’impact de l’information en provenance ou en direction des collectivités.
– L’accès universel est une responsabilité de l’Etat à laquelle il ne saurait se soustraire. Dans certains cas, les gouvernements s’en remettent trop à la société civile ou aux institutions privées pour assurer l’accès universel. Il est de la responsabilité des gouvernements de chercher activement à promouvoir la création d’un environnement qui encourage et développe l’accès universel.
Recommandations à l’endroit des organismes d’assistance
– Les organismes d’assistance devraient être conscients des difficultés des ONG et Organisations Communautaires, en particulier les ONG et les Organisations Communautaires endogènes, en matière d’accès aux TIC et renforcer les partenariats en leur direction pour surmonter ces difficultés.
– Les organismes internationaux devraient s’efforcer de renforcer les capacités de plaidoyer et de vigie des ONG et des Organisations Communautaires africaines. On souhaite un partenariat avec les organisations internationales en matière d’appui et de renforcement des organisations africaines dans ce domaine, mais ces partenariats devraient être établis sur pied d’égalité avec ces organisations locales, l’objectif étant en fin de compte de veiller à ce que les ONG et les organisations communautaires africaines puissent s’exprimer, d’elles-mêmes, de toutes leurs forces et avec efficacité.
– Les organismes d’aide devraient contribuer à la création et au renforcement des réseaux d’ONG agissant pour la promotion des TIC.
– Les organismes des Nations Unies et les autres organisations d’aide concernées devraient faire en sorte que l’information relative aux politiques parviennent aux ONG et aux organisations communautaires (et non seulement aux gouvernements).
– Par ailleurs, ces organismes devraient continuer à appuyer des forums, comme le Forum pour le Développement de l’Afrique, au cours desquels l’échange d’informations peut se faire entre les secteurs privé, gouvernemental et non gouvernemental. Ces organismes devraient également s’efforcer d’élaborer un programme plus déterminant à l’intention des ONG et des organisations communautaires, et de multiplier les possibilités pour celles-ci d’exprimer leurs préoccupations au cours ces rencontres.