Il a fallu un certain temps aux pouvoirs publics pour comprendre, mais la crise économique et financière aidant, les services du ministère de l’Economie et des Finances ont fini par se réveiller. Au grand dam des entreprises comme la Sonatel, qui, pour son propre intérêt, a fini par s’ériger en concurrente de ses clients. Il ne s’agit pas ici de déplorer le sort réservé à plus de 18 000 tenanciers de télécentres qui ont fourmillé un moment dans ce pays. Dans le fond, ils ne sont d’abord que des victimes de l’évolution technologique. Seulement, il n’est pas normal qu’après s’être sucré pendant dix ans, ou même plus, pour certains d’entre eux, avec leurs cautions, on les fasse encore courir aujourd’hui, pour leur remettre des sommes qui ont produit des intérêts à n’en pas finir.
Car, cet argent, placé depuis tant d’années, même à 1%, a dû produire plus que ce que la Sonatel récoltait en facturant mensuellement certains télécentres, surtout avec le marasme dans lequel ils sont actuellement plongés. Les différents calculs donnent plus de 15 milliars de francs. Or, les montants de ces intérêts, les abonnés n’y ont, par contrat, aucun droit. Et si l’on comprend ce que racontent les personnes contactées au sein de la Caisse, ce sont des milliards de Cfa que la Sonatel a ajouté ainsi à ses bénéfices, sans avoir à fournir aucun effort ! Et cela, en mettant en place des innovations technologiques qui finissaient par appauvrir les personnes même qui lui ont fourni cet argent. Ce qui s’appelle prendre le lait et la fermière, sans doute.
S’il faut que quelqu’un profite de ce pactole qui, même au moment où ces lignes sont lues, continue de produire des intérêts sur ses intérêts, il est plus moral que ce soit l’Etat, à travers la Caisse des dépôts et de consignation qui le fasse. Au moins, une partie devrait en revenir à la communauté nationale. Il est dommage que, pendant des années, les pouvoirs publics aient laissé une entreprise privée utiliser l’argent de ses clients, pour le seul bénéfice de moins de 2 000 personnes, employés et actionnaires. Aveuglés par les dividendes versés à l’Etat-actionnaire, et par les recettes fiscales toujours plus importantes recueillies chaque année, les pouvoirs publics n’ont pas vu les méfaits du monopole.
Cela rend encore plus malsain le fait qu’après s’être énormément remplie les poches sans suer, cette société trouve le moyen de ne pas sortir de l’argent qui ne lui appartient pas, et dont elle s’est plus que servie. Ce genre d’agissement devrait attirer l’attention des autorités de ce pays sur le danger qu’il y aurait à laisser la Sonatel tomber dans l’escarcelle d’un opérateur étranger. Si avec une participation conséquente de l’Etat, des actions de ce type peuvent rester impunies, qu’en sera-t-il si elle était majoritairement contrôlée par un étranger ?
Mohamed Guèye
(Source : Le Quotidien, 26 mai 2009)