Les fâcheuses habitudes des sénégalais au téléphone
vendredi 25 février 2005
C’est connu de tout le monde, la communication par le téléphone rapproche les hommes et facilite la vie. Elle réduit à zéro la notion de distance qui était, il n’y a pas longtemps de cela,le principal facteur du manque de communication.
Nous le savons, moins on communique, moins on se comprend. Et moins on se comprend, plus on met de temps à coordonner nos actions pour atteindre notre objectif commun. Pire, moins on se comprend, plus l’on a tendance à prêter de fausses intentions aux autres, ce qui peut aboutir à la naissance de conflits entre amis, entre voisins, entre parents et même entre pays. Voilà donc que la science nous donne un cadeau qui nous permet de mieux vivre ensemble, dans la concorde, en phase avec nous-mêmes et avec notre temps : le téléphone.
Mais l’homme est-il en train d’empoisonner lui-même ce cadeau si précieux dont il ne sait pas souvent se servir ? Que de désagréments ne supporte-t-on pas dans la façon de téléphoner des uns et des autres ? Tenez ! Qui d’entre nous ne se voit pas répondre sèchement après avoir composé un numéro pour joindre un correspondant : -« Kook kan la ? » ou alors « Yow la Kan ? » (Vous êtes qui ?) Et malgré la foudre, si vous obtempérez en donnant votre identité avec la plus grande politesse, la voix criardeet amèrecontinuera de plus belle ! -« Kooy seet ? » (Vous cherchez qui ?) -Je voudrais parler à Monsieur X ou Madame Y. -Il ou elle n’est pas là.
Point final. Pas une idée de l’identité de l’interlocuteur ! Et si par chance on vous répond :« ne quittez pas », prenez votre mal en patience, sachant que vous en aurez encore pour de bonnes minutes d’attente et des unités en plus. Quelques fois, dans nos foyers, ce sont des enfantsqui servent d’apprentis standardistes. Apprenons-leur alors comment parler avec un adulte au téléphone.
Pourtant, celui qui éprouve le besoin d’appeler mérite d’être bien écouté pour, au moins, trois raisons : soit il vient vous donner une information dansl’intérêt du destinataire, soit il vient se renseigner d’une situation ou d’une information détenue par cette dernière (et qui, souvent, dans le cadre professionnel, fait partie de ses raisons d’exister), soit en fin,on peut appeler quelqu’un simplement dans le but d’avoir de ses nouvelles et de consolider les rapports.
Mais paradoxalement, il arrive fréquemment que ce soit l’appelant lui-même qui pose toutes ces questions anodines, pour ne pas dire idiotes à l’appelé, sans salamalek ou autres formules de politesse. « Allo, kook kan la ? » ou alors :« Allo, yow la kan ? » Certains poussent l’absurdité jusqu’à poser ces questions après avoir composé un numéro de cellulaire qui, a priori, est lié au nom du propriétaire. Nom de Dieu ! Ayons le réflexe de décliner notre identité le premier après la formule de salutation au lieu de l’imposer à notre interlocuteur ! Et ce n’est jamais superflu de demander ensuite si on ne dérange pas.
Mais nos fâcheuses habitudes avec le téléphone ne s’arrêtent pas là. Dans les milieux publics tels que les banques et autres, certains clients indisposent tout le monde en dominant de leurs voix extensibles à volonté toute la salle pour répondreà uncoup de fil. A l’occasion des réunions de services de directions ou d’associations, l’on est encore peu enclin à éteindre les portables avant le début de la séance. Les multiples sonorités fusent de partout, suivies de réponses laconiques que l’on s’efforce en vain de dire tout bas : « Je suis en réunion, je te rappelle plus tard » A défaut de pouvoir éteindre nos portables dans de telles circonstances, efforçons-nous de les mettre en silencieux et de sortir de la salle en cas de nécessité absolue.
On retrouve aussi ce genre de comportement peu orthodoxe dans les mosquées ou en plein enterrement, ce qui perturbe considérablement le climat spirituel et angélique des fidèles. Pendant que nousparlons de mosquées, tâchons de ne pas joindre nos correspondants aux heures de prières et particulièrement le vendredi vers 14 h (Al Diouma). Cela ferait moins d’appels perdus et atténuerait les perturbations en ces moments de recueillement et de dévotion.
Dans les services, il arrive qu’un téléphone sonne continuellement au point de gêner le travail des collègues d’à côté. Certains appelants ont du mal à réaliser que si personne ne décroche le téléphone, c’est, soit parce qu’il n’y a personne dans le bureau, ou celui qu’on essaie de joindre est suffisamment occupé. Dans les deux cas, rien ne justifie que l’on veuille insister. Après quatre sonneries sans réponse, le bon sens voudrait que l’on remette à plus tard son appel. De toutes les façons, si vous persistez malgré tout, vous risquez dans le meilleur des cas d’obtenir une réponse qui ne vous satisfait pas, puisqu’ayant déjà réussi à mettre l’interlocuteur dans tous ses états.
Par ailleurs, s’il est évident que derrière chaque appel téléphonique, il y a un coût et quelqu’unqui le supporte, certains s’en soucient peu, en usent et en abusent puisque c’est l’Etat, l’entreprise, le mari (ou l’épouse) qui paye.
Même si la tendance est à la baisse, certaines secrétaires ou standardistes n’ont pas encore pleinement conscience du faitque l’accueil téléphonique est la première vitrine de l’entreprise. Si la réponse est aimable, elle peut encourager le contact et fidéliser la clientèle. Par contre, si elle est anti-commerciale, elle peut faire perdre des clients. Parlons maintenant de ces bavards au téléphone, comme moi, qui ne savent pas s’arrêter quand ils vous appellent. Point de souci du moment,du lieu ou de l’environnement où se situe le correspondant. S’il était en train de déjeuner, il retrouvera un repas bien refroidi et un appétit difficile à récupérer. S’il était déjà au lit, le sommeil est déjà parti et l’insomniebien installée. S’il était en plein dans le travail, il aura du mal à retrouver le fil de ses idées. Et puis, que faire pour se défaire de ces longs coups de fil ? Couper brusquement ? Non ! Ce n’est pas courtois. Attendre qu’il termine son discours ? Peut-être, s’il n’y a pas d’autres issues. Trouver le temps d’une respiration pour placer une phrase du genre : « Puis-je vous rappeler ? » ou « Pouvez-vous me rappeler un peu plus tard ? »
D’autres comportementssont aussi à bannir : certains ont le goût de répondre au téléphone tout en étant au volant. Obligés alors de ralentir, ils entraînent derrière eux des embouteillages dont ils ne soupçonnent pas l’ampleur. D’autres encore se font tout simplement tuer ou endommagent leurs véhicules avec tous les dégâts collatéraux que l’on peut imaginer.
Et puis, qui peut nous dire l’effet de ces longs coups de fil sur nos tympans, sur le cerveau ou sur la santé en général ? En tout cas, les téléphones portables sont soupçonnés d’émissions d’ondes néfastes au corps humain.
Relatant la conclusion d’un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (France) sur « le rapport téléphonie mobile/santé ». Le Nouvel observateur du 2 novembre 2002 nous apprend ceci :« Concernant les effets pathologiques des portables, dans l’état actuel des connaissances scientifiques, « les signaux de la téléphonie mobile n’induisent pas le cancer et probablement pas non plus l’accélération du développement de tumeurs déjà existantes », soulignent les rapporteurs qui ne nient pas, en revanche, « les effets biologiques » sans gravité, liés à l’utilisation des portables, notamment « la modification de certaines fonctions cérébrales ». Le plus grand danger, pour eux, c’est le changement de comportements : ils soulignent que les accidents de la circulation représentent aujourd’hui le principal risque sanitaire connu de l’usage des portables. »
En attendant que les spécialistes nous disent avec précision ou nous prouvent le degré réel de nocivité ou non de ces appareils, usons-en sans en abuser.
Et que dire des appels qui n’arrivent pas à la bonne destination ? Il est fréquent de recevoir une voix inconnue qui s’excuse de s’être trompée de numéro. Jusque là, il n’y a rien de grave. Le problème, c’est quand on vous dépose par erreur un message vocal ou écrit du genre « Chéri(e), je t’attends au même endroit » C’est pourquoi, je conseille aux uns et aux autres de ne pas lire les messages du conjoint ou de la conjointe, car une erreur d’appréciation peut naître de ces circonstances. Quant à ceux qui envoient de tels messages, je leur recommande de préciser le nom du destinataire et de ne pas oublier de signer les messages par leurs noms. Cela éviterait en cas d’erreur, le risque de déstabiliser certains couples.
Apprenons à mieux téléphoner pour mieux bénéficier de cette merveille.
Cheikh Bamba DIOUM
(Source : Wal Fadjri, 24 février 2005)