Il y a les bonnes et les mauvaises privatisations. Dans le secteur des télécoms, la Sonatel qui a assuré 10% des recettes de l’Etat du Sénégal en 2011 reste l’exemple d’un passage réussi du public au privé. L’Etat du Sénégal engrange des fonds à travers l’impôt sur les sociétés, les différentes taxes indirectes, et les dividendes, en hausse d’année en année. En plus des 275 millions d’euros versés à l’Etat en 2011, l’entreprise participe à la paix sociale à travers la création de plus de 100 000 emplois indirects. Que l’actuel président directeur général, en poste depuis 25 ans, soit rattrapé par l’impopularité relève après tout du cycle de vie normale d’une carrière, fut-elle la plus éclatante.
Au fil des années, la Sonatel est devenu le porte-drapeau du Sénégal dans les places financières internationales. La BRVM est surnommée « Sonatel Market » par les manageurs des fonds d’investissements qui apprécient particulièrement cette valeur. Il s’agit d’une success-story qui dure, mais qui est garantie par un équilibre des pouvoirs de décision au sein du Conseil d’administration. Une possible cessions de nouvelles parts de l’Etat permettrait certes au Trésor d’engranger du cash immédiat mais, d’un autre côté, réduirait les flux futurs attendus et rendrait le partenaire français seul maître à bord. A moins d’une clause –bouclier ? France Télécom qui tient le bon filon avec sa filiale seraitelle prête de payer le prix fort pour acquérir 9% supplémentaires ? De sources syndicales, le groupe français qui avait misé 100 milliards de f CFA en 1997 a déjà engrangé 80 milliards sous forme de dividendes en l’espace de dix ans.
Autre privatisation réussie à la fin des années 90, celle de Maroc Télécom, filiale de Vivendi avec une répartition public-privé de l’actionnariat qui n’est pas sans rappeler la Sonatel. Tout comme sa consoeur et rivale sénégalaise, le groupe marocain reste leader incontesté du marché marocain, premier contributeur de l’IS et l’un des tous premiers employeurs. Là aussi, faut-il le dire, Vivendi payera-t-elle le juste prix pour augmenter ses parts ? L’Etat marocain descendrait-il en dessous de la minorité de blocage ? L’arbitrage entre le cash flow futur et les recettes immédiates penche-t-il vers une cession ou un maintien des positions ?
En dehors du secteur des services et, en particulier, des banques et des télécoms, les privatisations s’apparentent parfois au désastre. C’est le cas de la SEEG(Société d’Eau et d’Electricité au Gabon) qui n’a pas encore atteint ses objectifs. Les délestages et la pénurie d’eau à Libreville en disent long sur un contrat de gestion mal négocié et des responsabilités mal définies. Ce n’est pas tant la faute à Veolia qu’à la nature même de la délégation du service public où l’intérêt général entre en conflit direct avec l’intérêt privé porté par l’actionnaire entrant. L’échec de la SEEG est à première vue, lourd de conséquences pour l’Etat du Gabon qui doit encore accorder 5,7 milliards de f CFA à la SEEG en 2012 pour honorer sa part du contrat. Pendant ce temps, Maroc Télécom et Sonatel continuent à enrichir leurs Etats respectifs.
Adama Wade
(Source : Les Afriques, 30 juillet 2012)