Société de services du secteur des NTIC, PCCI (Premium Contact International Center de Dakar) a été créée en 2002 par des promoteurs français et sénégalais. Le capital de PCCI, détenu à 100% par les fondateurs, se répartit ainsi : PCCI France 650000 €, PCCI Sénégal 1 525 000 €, PCCI UK 150 000 €.
Premier employeur privé du Sénégal, le groupe est chouchouté par l’Etat sénégalais qui voit en cette entreprise un acteur privilégié pour la réduction du chômage des jeunes. D’ailleurs, les jeunes téléacteurs sont diplômés pour la plupart BAC+2 Marketing ou Commerce mais beaucoup ont un niveau maîtrise...Ils doivent par ailleurs avoir une diction parfaite, « sans accent sénégalais » comme le disait en 2003 un ancien directeur des ressources humaines du groupe. Aujourd’hui, de grands groupes français (France Télécom, SFR, Neuf Telecom, Canal Horizon, Orange Côte d’Ivoire) ont confié ou confie régulièrement la gestion de leur relation client à PCCI. Les clients français ne se rendent pas compte qu’en appelant le service relation clientèle de leur opérateur, c’est un (e) jeune sénégalais (e) qui répond au bout du fil car PCCI utilise une technologie très récente, la « voix sur I.P » permettant de faire transiter via le Net les conversations téléphoniques. La voix est compressée en données numériques qui transitent par paquets sur Internet et décompressée à l’arrivée. Grâce au câble sous-marin Atlantis 2 qui irrigue les côtes du Sénégal, l’acheminement des données ne dure pas plus de 80 millisecondes, ce qui permet d’avoir une qualité d’écoute excellente, exactement comme en France. Mais le véritable avantage de PCCI sur ses concurrents français, c’est bien la main d’œuvre qui représente parfois jusqu’à 70% des charges d’un centre d’appel. Ainsi, le coût réel d’un téléacteur sénégalais est de quatre fois moindre que celui d’un téléacteur français. Avec un salaire d’environ 280 € (180000 F CFA), le téléacteur sénégalais semble pourtant privilégié dans ce pays où le taux de chômage des jeunes diplômés atteint les 16% voire plus. Mais derrière la façade, PCCI qui bénéficie pourtant de contrats subventionnés jusqu’à 60% par l’Etat sénégalaisà travers la Convention Etat Employeurs, privilégie dans son mode de fonctionnement l’exploitation de ses employés. En effet, le rythme imposé aux téléacteurs est tout simplement scandaleux (6 h de production au téléphone avec seulement 15 mn de pause), favoritisme, suppression des primes de productivité et d’assiduité à la moindre occasion, retard du versement des salaires (parfois jusqu’à 15 jours de retard), non versement (d’après certains employés) à la caisse de retraite et de sécurité sociale des 5, 6 % ponctionnés pourtant sur le salaire des employés, reconduction de CDD sans limites ( on arrête le contrat au bout d’un moment et on reprend l’employé plus tard).
Avec une base de candidature de plus de 8000 CV, PCCI a pourtant de beaux jours devant lui car les jeunes sénégalais tout juste sortis de formation sont souvent prêts à tout pour trouver un emploi et ne se posent pas beaucoup de questions sur les conditions de travail. Les employés recrutés en 2005 (dont certains ont des CDI) aimeraient bien partir ailleurs mais pas pour avoir des conditions pires. Alors, souvent coincés au PCCI, ils se résignent en attendant des jours meilleurs. C’est donc aux entreprises françaises qui confient leurs prestations à PCCI d’imposer à cette entreprise l’éthique qu’elles appliquent en France. Sinon, elles contribueront à la délocalisation des contraintes de gestion de la relation client vers d’autres cieux (Sénégal, Maroc, Tunisie...) où, sous prétexte de contribuer à la création d’emplois, les entreprises de Call Center exploitent une population vulnérable et docile à cause du manque d’emplois.
Moulzo
(source : Seneweb, 12 mai 2011)
C’est lors du dernier Forum Social Mondial de Dakar où le GTA ( Groupe de Travail Afriques du NPA) était bien représenté que l’auteur de cet article a rencontré des employé (e) s de cette entreprise tout à fait par hasard. Lors de la discussion, ils lui ont parlé des conditions de travail dans cette entreprise, de leurs inquiétudes aussi. Ils attendaient d’ailleurs leur salaire depuis deux semaines et n’avaient aucun moyen de faire valoir leurs droits sans risquer d’être sur la liste rouge. A notre retour en France et après quelques échanges téléphoniques avec l’une des employé (e) s, l’auteur a pu en savoir plus et rédiger cet article pour tous ceux et celles qui subissent la délocalisation des contraintes des sociétés occidentales vers les pays en développement.