Le New Deal Technologique et l’avenir numérique africain en danger
samedi 5 juillet 2025
Tout d’abord le contexte
La gestion des adresses IP d’Internet, y compris leur allocation et leur distribution, est principalement assurée par les cinq Registres Internet Régionaux (RIR). Ces organisations à but non lucratif travaillent en collaboration avec l’IANA (Internet Assigned Numbers Authority) et l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) pour gérer les ressources numériques de l’internet. Chaque RIR gère une région géographique spécifique.
AFRINIC : un acteur clé sous pression
AFRINIC, le registre régional chargé de la gestion des ressources IP pour l’Afrique , joue un rôle vital dans le développement du continent. Pourtant, malgré son importance stratégique, AFRINIC est plongé dans une crise grave qui menace sa capacité à protéger les intérêts africains (https://www.digitalintelligence.africa/publications/alain/Way-forward-Afrinic-board-election-AINA-Final.pdf) (https://medium.com/@emmanuelvitus/afrinic-hope-hijack-and-the-harsh-lessons-of-african-multistakeholderism-8e8378797101) . La répartition des adresses IP, déjà insuffisante pour répondre aux besoins croissants ( seulement 2,7% des adresses mondiales contre 18,29% de la population mondiale) , est aujourd’hui au cœur d’un combat intense.
Avec une population croissante , et de plus d’un milliard d’habitants, l’Afrique ne dispose que d’une part dérisoire des adresses IP mondiales (2,7%). Cette sous-allocation chronique freine l’innovation, limite l’accès aux services numériques et accroît la dépendance à l’égard d’acteurs extérieurs.
En même temps , cette ressource est totalement épuisée dans toutes les autres régions du monde de par le nombre d’entreprises, de services digitaux et d’objets connectés qui y sont déployés. l’adresse IP est donc une ressource rare et chère.
Cette rareté rend les ressources IP africaines extrêmement convoitées, transformant ces adresses en véritables enjeux géopolitiques.
La NRS : un contrôle contesté et dangereux
La Numbers Resource Society (NRS) s’est imposée de manière controversée dans la gouvernance d’AFRINIC. Des accusations graves de fraude électorale, de manipulation des votes et de manque de transparence ont conduit à l’annulation des élections d’AFRINIC, plongeant l’organisation dans une crise sans précédent ( https://afriqueitnews.com/tech-media/crise-gouvernance-afrinic-icann-brandit-menace-retrait-reconnaissance/ ) (https://defimedia.info/fraude-electorale-presumee-afrinic-le-ministere-des-tic-monte-au-creneau) .
Ce contrôle par la NRS menace directement :
● La légitimité et la stabilité d’AFRINIC
● Le modèle communautaire africain de gestion d’Internet
● La souveraineté numérique du continent
Si cette situation perdure, l’Afrique risque de perdre la maîtrise de ses ressources numériques stratégiques au profit d’intérêts privés et étrangers.
Des liens inquiétants avec la Chine
La NRS n’agit pas en isolation. Elle est liée à la stratégie géopolitique chinoise, notamment à travers l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie (Belt and Road Initiative). Cette politique d’influence vise à étendre la présence chinoise dans les infrastructures numériques africaines, avec des risques majeurs pour l’indépendance technologique du continent.
La prise de contrôle d’AFRINIC par la NRS s’inscrit dans cette dynamique, posant la question cruciale de la souveraineté numérique face à des ambitions étrangères souvent opaques.
Un appel urgent aux autorités sénégalaises et africaines
Le Sénégal, en tant que pays membre d’AFRINIC, et l’ensemble des États africains doivent prendre conscience de la gravité de la situation. Il est impératif de :
● Protéger la gouvernance locale et transparente d’AFRINIC
● Garantir une gestion équitable et communautaire des ressources IP
● Préserver la souveraineté numérique face aux pressions extérieures
● Investir dans le développement d’infrastructures numériques africaines
● Veiller à la sécurité et à la stabilité de l’écosystème Internet africain
Les récentes tentatives de renversement de la gouvernance à travers des irrégularités patentes lors des récentes élections du Conseil d’administration d’AFRINIC en sont la preuve. (https://afriqueitnews.com/tech-media/crise-gouvernance-afrinic-icann-brandit-menace-retrait-reconnaissance/)
La nouvelle date limite pour la tenue du processus électoral et la reconstitution du conseil d’administration est désormais fixée au 30 septembre 2025.
L’avenir numérique de l’Afrique est en jeu. Le New Deal technologique promis aux citoyens sénégalais ne pourra se réaliser que si les ressources stratégiques restent sous contrôle africain, dans un cadre de gouvernance juste, transparent et inclusif. Malheureusement nos gouvernants n’ont pas conscience des batailles stratégiques, géopolitiques et technologiques dont nos territoires digitaux font l’objet. Ils sont absents du débat dans les réunions internationales bien souvent et ne défendent donc pas la souveraineté de notre territoire digitale.
Le temps est venu pour nos gouvernants d’agir, avant que l’Afrique ne perde définitivement la maîtrise de son destin numérique.
Ahmad Bamba Mbacké
(Source : LinkedIn, 5 juillet 2025)