Afrique Économie vous propose aujourd’hui de revenir sur l’innovation la plus importante de cette dernière décennie en Afrique, l’argent électronique ou encore le « mobile money ». Crée au Kenya en 2007, le paiement par téléphone a bouleversé l’économie du continent africain et notamment les fondements du système capitaliste, à savoir les banques. En effet, les opérateurs téléphoniques sont devenus des institutions financières et cela ne fait que commencer.
Le propre des révolutions c’est de renverser les valeurs. La révolution du « mobile money » est en train d’abolir les barrières entre banquiers et opérateurs téléphonique. Dès lors qu’un compte « mobile money » est associé à un numéro de téléphone, les services financiers changent de main et les banques doivent s’adapter sous peine d’être dépassées.
« Si l’on regarde les banques, elles doivent se battre durement pour s’adapter explique le consultant Russel Southwood, l’un des meilleurs spécialiste du mobile money en Afrique. Prenez Ecobanque qui a du inventer une nouvelle façon de traiter avec ses clients qui veulent la même facilité qu’avec le paiement par téléphone. Prenez encore l’exemple d’Equity Bank qui a créé un opérateur téléphonique, Equitel, pour proposer à ses clients les services de transactions financières. En Afrique du Sud, Standard Bank a commencé à faire la même chose. »
Si les banques commencent à créer des compagnies de téléphone, les opérateurs de téléphonie ne sont pas en reste. Ils deviennent des institutions financières et proposent désormais des produits, comme le micro-crédit. C’est bel et bien une révolution, car dans l’histoire du capitalisme mondial, le crédit est l’apanage des banques. L’Afrique force donc le capitalisme à changer de nature. C’est ce qu’a compris le français Orange.
« Une offre de crédit, soit elle est distribuée par un opérateur de mobile money, dès lors qu’elle est fabriquée par une banque ou une IMF (Institution financière et monétaire NDLR), soit pour le cas d’Orange, (elle émane de) l’idée d’être soi-même acteur du crédit et de l’épargne en Afrique, comme nous avons décidé de l’être en Europe pointe Patrick Roussel, responsable des services financiers pour Orange Afrique. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale doivent absolument rattraper leur retard sur l’Afrique de l’Est qui s’est lancée massivement sur le pico-crédit, il y a une demi-douzaine d’années, avec le succès que l’on sait. »
Pour les opérateurs téléphoniques en Afrique, les services financiers sont l’assurance de plus grands profits.
« Les opérateurs s’y sont mis très rapidement pour se diversifier et avoir d’autres sources de revenus, avance Mohamadou Diallo, dirigeant de CIO-Mag, une revue spécialisée dans les nouvelles technologies africaines. Et l’on s’est rapidement rendu compte qu’en mettant en place des systèmes financiers, cela pouvait apporter du cash et des revenus supplémentaires pour les opérateurs. »
L’Afrique avec son extraordinaire dynamisme dans le mobile money a donc inventé un nouveau type d’entreprise qui met à la portée de tous, la possibilité d’une banque.
Olivier Rogez
(Source : RFI, 28 décembre 2018)