Le levier de l’économie numérique pour porter le secteur agricole à 30% du PIB d’ici 2017
jeudi 3 octobre 2013
Le Sénégal est le deuxième pays africain après l’Egypte, et le premier pays en Afrique subsaharienne à avoir publié un rapport national sur la compétitivité de son économie.
Préparé et publié dans un contexte politique peu favorable, à l’approche de l’élection présidentielle de mars 2012, ce rapport a mis en évidence la tendance à la baisse du taux de croissance annuelle du Produit Intérieur Brut (PIB) du Sénégal dans la période de 2000 à 2011. Il a aussi révélé le potentiel d’exportation de services, avec un environnement favorable aux exportations en termes de coût et de délais.
Cette faiblesse de la croissance du PIB du Sénégal durant cette période, a été expliquée en partie par le niveau insuffisant de productivité qui est resté quasiment inchangé les dix dernières années. L’une des particularités de l’économie sénégalaise est que la main d’œuvre évoluant dans l’agriculture qui représente 53% de la population active ne génère que 16% du PIB en moyenne alors que celle employée dans l’industrie et les services, représentant moins de la moitié de la population active, a généré 84% du PIB.
A la suite de ce rapport, le forum national sur la compétitivité, organisé en novembre 2012, s’est particulièrement intéressé aux secteurs de l’agriculture, du tourisme et des PME et des ressources humaines. Cette rencontre de haut niveau a permis de mettre l’accent sur les faiblesses du secteur agricole et les mesures particulièrement importantes destinées à améliorer la qualité de l’éducation de base et la formation professionnelle et développer des plateformes de services et de distribution d’intrants. En outre, il a été retenu l’organisation des filières et l’amélioration de la productivité de la main d’œuvre en amont et en aval des chaines de valeurs agricoles.
D’autres recommandations plus ciblées ont été formulées concernant le développement des infrastructures de production, l’amélioration du transport et la disponibilité des réseaux de téléphonie et de l’ADSL dans les zones rurales, l’accès au crédit agricole pour les petits producteurs, ainsi que l’amélioration de la gouvernance foncière pour un meilleur accès à la terre.
Autre constat, le faible niveau de productivité globale du travail au Sénégal, est principalement attribuable à la productivité du travail du secteur de l’agriculture dont les acteurs sont principalement dans l’informel (98%). Ils constituent de petits exploitants qui dépendent de la pluviométrie et utilisent des techniques peu améliorées.
L’agriculture sénégalaise a en moyenne une productivité relative 5 fois moins élevée que celle des industries et 6 fois moins élevée que celle des services.
Si la compétitivité se définit comme la capacité d’une nation à améliorer le niveau de vie des différents segments de sa population par l’accroissement de la richesse nationale, un des défis à relever par l’économie sénégalaise révélé par ce rapport, consiste à maintenir la dynamique des services et à améliorer la productivité du secteur agricole.
Cette situation reste valable pour beaucoup d’autres pays en développement. En effet, environ 70 % de la population mondiale visée par les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) vit dans les zones rurales et dépend principalement de l’agriculture pour sa subsistance. Pour espérer atteindre les objectifs visés, il est donc essentiel d’améliorer les pratiques agricoles et de renforcer le développement rural.
Récemment, le nouveau Ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural a déclaré « nous avons l’obligation de construire une agriculture prospère et durable ». C’est effectivement dans ces conditions seulement que ce secteur vital pourra améliorer les facteurs de base de compétitivité et jouer son rôle moteur dans l’économie nationale.
Dés lors, un des leviers pour assoir les conditions d’une compétitivité et d’une croissance durable est constitué par l’usage des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Le concept d’économie numérique, né de l’impact de l’influence de ces TIC sur les autres secteurs économiques favorise, en effet, l’intégration des technologies mobiles et internet dans les différents niveaux de la chaine de valeur agricole.
Dans sa définition générale, l’économie numérique comprend le secteur des télécommunications, de l’audiovisuel, du logiciel, de l’Internet et les secteurs qui les utilisent en tant que cœur ou support de leur activité.
Ce secteur a bien évolué durant ces quinze dernières années, avec l’explosion de la téléphonie mobile dont le taux de croissance a largement dépassé toutes les prévisions. Ce développement rapide des services mobiles a été favorisé par la facilité d’utilisation des services et d’accès aux réseaux, contrairement aux contraintes d’installation des lignes fixes et des charges récurrentes engendrées. Tout citoyen a la possibilité d’accéder aux services de communication avec des régimes de mobiles prépayés et des coûts d’acquisition relativement faible. Ainsi, le taux de pénétration des services mobiles par rapport à la population à atteint 93,60% en juin 2013, avec une progression de 18,2 % entre juin 2012 et 2013.
Au delà de leur contribution directe à l’économique, les services de Télécommunication représente une part significative dans la croissance économique, particulièrement grâce aux externalités positives. Les réseaux mobiles constituent une plateforme idéale pour les services innovants et ont des effets importants sur la création de nouveaux marchés et services, ce qui engendre de fait une véritable ouverture à l’économie et à la création de nombreux emplois.
Le marché de l’internet connait lui aussi une évolution important du fait du développement de l’internet mobile. Le parc a considérablement augmenté pour atteindre 1.220.738 abonnés en juin 2013 ;
Les technologies les plus utilisées dans le monde rural restent la radio et de plus en plus les téléphones mobiles et l’internet. La radio permet aux agriculteurs d’accéder à des informations et son association avec les TIC a donné naissance à des produits innovants aujourd’hui disponibles dans les Centres Multimédias communautaires (CMC) au Sénégal.
Cependant, les efforts pour améliorer le niveau d’éducation des agriculteurs et pour dispenser la formation sur les nouvelles techniques qui leur font défaut exigent toutefois des outils plus puissants. La sophistication des services offerts par les TIC donnent encore plus de possibilités pour transformer les différentes phases du cycle de vie agricole.
Les niveaux où ces technologies numériques ont le plus d’impact sont : l’accès à l’information sur les marchés, les transactions financières, la traçabilité, le renforcement des capacités et la gestion des bourses de produits et des entrepôts.
L’accès à l’information du marché pour augmenter les revenus des producteurs
Les informations sur le marché permettent de renforcer les liens aussi bien entre producteurs, qu’entre producteurs et acheteurs. L’usage des TIC change radicalement ces relations de « pouvoir » entre les acteurs de la chaîne de valeur agricole, en renforçant la voix et le rôle des petits producteurs par la bonne information. Celle-ci améliore également la prise de décision sur la gestion de la récolte, en permettant la prise en compte de la qualité des sols et des conditions climatiques.
Une étude a été réalisée par le Cabinet international Dalberg sur l’impact de l’internet en Afrique au niveau du Kenya, Sénégal et Nigéria, et les résultats présentés en Avril 2013 ont mis en évidence ce fort impact des TIC dans la gestion de l’information. L’étude confirme le principe selon lequel la transparence des cours au niveau des marchés locaux et internationaux permet aux exploitants agricoles de trouver le meilleur prix pour leur production.
Les applications destinées au secteur de l’agriculture sont aujourd’hui disponibles, et la plupart d’entres elles s’appuient sur les services mobiles.
En Ouganda, par exemple, la société Agrinet fournit des données relatives au marché et propose des services de courtage et de financements agricoles en temps réel. Elle utilise des SMS liés à des panneaux d’affichage, stratégiquement situés dans les marchés, afin de recueillir et diffuser des données sur les prix, l’offre et la demande. Les informations recueillies et diffusées par le biais des agents sont alors utilisées pour effectuer des transactions.
Depuis sa création en 2001, la société de service Manobi Sénégal s’est orientée vers l’agriculture avec un catalogue de services intégrés. La plateforme m-Agri qu’elle propose s’appuie sur les services mobiles, et offre la possibilité d’un accès instantané aux prix du marché, la mise en relation entre acheteurs et vendeurs, le suivi des transactions, etc. Les petits producteurs sont informés par SMS par des acteurs locaux.
Pour permettre aux organisations paysannes ghanéennes de gérer leurs propres informations et leurs contenus et d’envoyer des alertes ou des conseils sur le terrain, la plate-forme technologique Esoko propose un ensemble d’outils très efficaces.
L’application m-farm proposée aux producteurs kenyans utilise les SMS pour leur permettre d’accéder aux informations concernant les prix de vente des produits dans différentes villes. Ils peuvent ainsi trouver des clients plus facilement et acheter directement les matières premières à leurs fournisseurs. Les éleveurs utilisent l’application mobile i-Cow pour surveiller la gestation de leurs vaches, recevoir des alertes au moment des vaccinations et savoir quand ajouter des vitamines à leur alimentation.
Les plates formes mobiles pour faciliter les transactions financières
Le symbole de la révolution technologique dans l’univers des transferts d’argent et du paiement par mobile est m-pesa qui a été créé en 2007 et commercialisé par l’opérateur de téléphonie kenyan Safaricom. Sans obligation de disposer d’un compte bancaire, m-pesa permet de déposer de l’argent dans un porte-monnaie électronique, d’en envoyer à un contact ou d’en retirer dans certains distributeurs du pays. Aujourd’hui le service compte plus de 17 millions d’utilisateurs au Kenya, soit un Kenyan sur trois. Il a été exporté en Tanzanie, en Afghanistan, en Afrique du Sud et en Inde.
Globalement constitué d’acteurs informels, le monde rural éprouve des difficultés à s’accommoder des procédures des compagnies d’assurance.Kilimo Salam est un micro programme d’assurance conçu spécialement pour les producteurs de maïs et de blé au Kenya pour assurer les intrants contre les intempéries. Les frais d’assurance sont payés par le producteur avec le système m-pesa, et à la fin de la saison, les données météorologiques enregistrées automatiquement permettent de calculer le versement des primes éventuellement dues au producteur. Les réclamations sont limitées et la compagnie n’a pas besoin d’envoyer un agent chez le producteur.
En Zambie, la société MRI Agro utilise le système de bon prépayé électronique qui permet aux agriculteurs de prépayer leurs intrants. Grâce à ce système, MRI Agro a augmenté les précommandes des semences de maïs hybride et d’autres intrants en vendant des cartes prépayées aux agriculteurs qui bénéficient de 10 % de réduction pour l’utilisation de ce système. En retour, l’agriculteur reçoit un SMS qui lui notifie la date et le lieu où les intrants seront livrés.
La société Cellular Systems International (CSI), créateur de la plate forme centralisée de services interactifs Wari Gateway, s’est illustrée lors de la campagne arachidière 2012 au Sénégal, en offrant la possibilité aux producteurs de percevoir leurs revenus dans n’importe quel point Wari parmi les 2000 installés sur le territoire. Connue aujourd’hui un peu partout en Afrique avec ses 40 millions de transactions mensuelles, ce système a permis d’éliminer les fameux « bons impayés » qui ont miné l’économie rurale pendant des années.
Améliorer la traçabilité des intrants et renforcer les compétences humaines requises pour l’économie rurale
L’impact des TIC dans l’amélioration de la compétitivité des chaînes alimentaires est très prometteur. Les problématiques liées à la traçabilité, au contrôle des opérations, à la transparence et au suivi des besoins des consommateurs, peuvent aujourd’hui être adressées avec plus d’efficacité.
L’authenticité des intrants est une des préoccupations de l’organisation Croplife basée en Ouganda et représentant l’industrie des sciences végétales. Elle a mis en place un service qui permet d’authentifier les intrants agricoles. Grâce à des étiquettes à gratter et l’envoi de SMS, les producteurs peuvent confirmer que l’intrant est authentique au moment de l’achat. Le système est connecté au Ministère de l’Agriculture, qui lutte contre les produits de contrefaçon.
En Inde, le Ministère de l’Agriculture de l’Etat de Kerala a réalisé en collaboration avec l’institut indien des TIC et du management, un système de management des informations sur les caractéristiques nutritifs des sols. Les informations et les recommandations sont données en temps réel aux producteurs sous forme de carte de santé des sols, puis sous forme de SMS et de message vocal. Un site web avec un Système d’information Géographique (SIG) permet aux scientifiques de faire une analyse approfondie en ce qui concerne la fertilité des sols.
La croissance et la pénétration des TIC mobiles dans les zones rurales, ainsi que les innovations dans les médias électroniques pour soutenir l’éducation et la formation, représentent de nouvelles opportunités pour accroitre le développement du capital humain et social.
En Ouganda, la fondation Grameen a mis en place un système dans lequel 800 travailleurs du savoir communautaire (Community Knowledge Workers) utilisent des téléphones mobiles pour fournir aux agriculteurs pauvres des informations en temps réel sur des sujets agricoles, notamment les prix du marché, et sont aidés par un centre d’appels dans lequel travaillent des experts agricoles hautement qualifiés, qui parlent les principales langues de l’Ouganda. Les CKWs documentent également les pratiques agricoles traditionnelles et les partagent via une plateforme en ligne qui facilite l’accès à l’information, et qui est accessible aux petits producteurs partout dans le monde.
Les vidéos instructives sont également utilisées pour le renforcement des capacités des producteurs. L’organisation indienne Digital Green, s’est fixé pour objectif d’augmenter la productivité agricole en formant des petits agriculteurs et des producteurs isolés par le biais de courtes vidéos instructives. Le système combine technologie et organisation sociale pour maximiser le potentiel de renforcement des capacités des membres de la communauté agricole.
Les résultats de leurs expériences ont montré que par rapport aux systèmes traditionnels de vulgarisation agricole, ces procédés sont dix fois moins cher et sept fois plus efficaces lorsqu’il s’agit d’inciter les producteurs à adopter de nouvelles pratiques.
Développer les marchés agricoles par les bourses de produits et les entrepôts
Les bourses des produits agricoles permettent d’assurer la transparence dans les prix, et apporte plus de gains d’efficacité entre acheteurs et vendeurs. Elles limitent le déplacement des récoltes, ce qui réduit, ainsi, les risques de détérioration, et minimise les coûts de transport et de la transaction. Les informations de la bourse sont partagées à travers des plate formes mobiles et internet qui collectent, traitent et diffusent les données.
L’Ethiopie a lancé en 2008 une bourse des produits de base « Ethiopian Commodity Exchange (ECX) » qui fournit aux agriculteurs l’accès aux informations sur les prix en temps réel, de meilleurs profits et productivité. Ce système réduit aussi la segmentation du marché et augmente la qualité des exportations. Selon l’Organisation internationale du café (OIC), les exportations de café éthiopiennes ont progressé de 50 % trois ans après la mise en place de la bourse.
La Côte d’Ivoire veut à son tour se doter d’une Bourse agricole calquée sur le modèle éthiopien, pour les produits vivriers afin de faire face aux spéculations diverses et sécuriser la production nationale. Cette bourse va aussi s’appuyer sur une plate-forme mobile interactive pour faciliter et sécuriser les transactions
Le Sénégal : incubateur de solutions TIC et champion des projets pilotes
Les initiatives les plus connues en Afrique sont toutes nées après le sommet de Genève 2003 et Tunis 2005 sur la société de l’information. Durant cette période, notre pays a été à l’avant-garde des initiatives innovantes dans le domaine des TIC, avec des projets tels que « le suivi du bétail transhumant » initié et exécuté par l’EISMV, en collaboration avec le Centre de suivi écologique (CSE), la Direction de l’Elevage du Sénégal et le Laboratoire d’élevage du Burkina-Faso.
Il avait pour objectifs, entre autres, de permettre d’accéder à des informations utiles à la pratique pastorale et à la gestion durable des ressources pastorales en développant notamment un système individuel d’accès aux informations pastorales traduites en français et en Pular.
Beaucoup d’espoirs avaient été placés dans le démarrage du projet pilote d’immatriculation physique et informatisé du parc piroguier, de collecte des données de captures et la création d’une base de données de pêche. Time To Market (T2M), la plate forme mobile de Manobi destinée à l’information sur les marchés, et qui a remporté en 2003, le Premier Prix dans les catégories e-contenu et créativité lors du World Summit Award, n’a jamais réellement été vulgarisée alors qu’il a connu un succès dans d’autres pays.
En 2002, le Groupe Chaka, un des pionniers au Sénégal des systèmes de transfert électronique d’argent, avait aussi lancé son produit Money Express qui permettait de faire différents types de transferts d’argent. Il a fallu attendre quelques années plus tard pour que ce produit réalisé par une société privée nationale soit autorisé au Sénégal après avoir été adopté par d’autres pays de la sous-région. Aujourd’hui cette solution est agréée dans plus de 50 pays dans le monde dont 26 en Afrique avec plus de 160 000 points de vente.
Money Express a lancé en fin d’année 2011 sa carte bancaire rechargeable par transfert d’argent qui permet de faire des retraits d’espèces et des paiements au niveau de tous les terminaux de paiement et GAB membre du GIM UEMOA. Les opérations bancaires sont aussi réalisées à travers une plate forme mobile.
Cellular Systems International (CSI) a aussi appuyé la mise en place de la Coopérative des Produits africains normalisés et accessibles pour le développement local et environnemental (Panale) en partenariat avec Oxfam Grande Bretagne du Sénégal. Créée en 2010, cette coopérative gère un réseau de distribution alternatif destiné exclusivement aux organisations de femmes sénégalaises évoluant dans le domaine de la transformation des produits agroalimentaires (céréales locales, fruits et légumes, produits halieutiques, produit laitiers et autres produits artisanaux locaux). Ces boutiques Panale ont un système informatisé de gestion qui permet, entre autres fonctionnalités, de répartir les revenus de manière automatique entre tous les intervenants de la chaine (producteurs, transformateurs, contrôleurs,..), après chaque vente enregistrée dans les caisses. Les acteurs impliqués connaissent l’état de leurs comptes en temps réel, à travers le système électronique.
La plupart de ces projets n’ont pas été capitalisés et déployés à grande échelle, ce qui fait que les références les plus connues aujourd’hui nous viennent de l’Afrique anglophone.
Parmi la nouvelle génération d’initiative, m-louma, une plateforme web et mobile développée au niveau de l’incubateur des entreprises TIC de Dakar (CTIC), permet aux agriculteurs et aux industries agro-alimentaires de prendre la meilleure décision de vente ou d’achat de produits agricoles grâce à la diffusion en temps réel des informations sur le marché. En phase d’expérimentation au niveau du programme Cluster de Pout de la stratégie de croissance Accélérée (SCA), spécialisé dans la mangue, les promoteurs sont en attente d’un accompagnement pour la mise en exploitation complète avec un modèle d’affaires approprié.
Il est vrai que beaucoup de réalisations technologiques dont les fonctionnalités sont considérées comme très utiles pour le monde agricole, souffrent encore du manque de retour sur investissement et globalement de modèle économique pérenne. La question qu’on se pose souvent, c’est qui paye le service, en particulier quand il s’agit d’informations non commerciales et pourtant utiles aux usagers.
Assurer la durabilité de ces initiatives et permettre le passage à grande échelle sont des défis réels. Les recherches réalisées indiquent que moins de 10% de ces projets ont pu fonctionner durablement car Il faut un modèle commercial performant, ou les coûts des services sont couverts par les recettes par paiement de l’utilisateur, publicité, ou subvention publique.
Les services publics devront en effet, participer à la réalisation de systèmes d’information agricole mobiles, aux cotés des acteurs privés. Cela passera par un partenariat entre les Ministères de l’Agriculture et de l’Economie numérique comme c’est le cas aujourd’hui avec d’autres départements ministériels.
Enfin, la question du financement requis pour réaliser les projets pourra être envisagée avec le concours du Fonds de Développement du Service Universel des Télécommunications (FDSUT).
Mettre la priorité sur l’agriculture dans la nouvelle stratégie de développement du service universel au Sénégal
L’un des problèmes que cherche à résoudre le service universel des télécommunications est l’accès rural aux réseaux et services. En 2004, l’option retenue dans le cadre de la Stratégie de Service Universel pour le Sénégal élaborée avec l’appui du Cabinet de McKinsey, était de promouvoir des licences de développement par zone. La région de Matam a constitué le projet pilote de cette approche avec une licence attribuée en 2009, au Consortium du Service Universel (CSU) dont le démarrage effectif des opérations est prévu sous peu.
Cette approche par les licences de développement limitées dans des zones était complétée par la mise en place du Fonds de Développement du Service Universel des Télécommunications (FDSUT), qui est un instrument de financement des initiatives d’accès publics et privés pour combler le déficit d’accès aux TIC. En appui au développement économique et social des zones rurales et des zones démunies par le désenclavement numérique, ce fonds est alimenté en partie par les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public, les contributions directes de l’Etat et d’autres sources. Les modalités de financement des projets dans le cadre de ce fonds sont définies par décret.
Presque 10 ans après, la définition d’une nouvelle stratégie de développement du service universel est devenue une nécessité, avec l’évolution des réseaux de télécommunications et des besoins des usagers des zones ciblées. L’occasion peut être saisie pour consacrer les ressources nécessaires au soutien des initiatives numériques destinées au monde rurale.
Se concentrer résolument sur les 35% de la population active
La nécessité de fédérer les efforts se fait sentir au niveau des acteurs du monde agricole. La Coopérative Fédérative des Acteurs de l’Horticulture du Sénégal et les autres acteurs tels que les organisations professionnelles de la tomate industrielle au Sénégal et des producteurs de la filière oignon locale sont déjà présentes sur le terrain et organisent leurs membres.
Au niveau des fournisseurs de services, la compétition est déjà ouverte avec les cartes virtuelles Kalpé, Africard, Ferloo, Wari, Money express, Orange Money qui constituent la panoplie de porte-monnaie électroniques présents sur le marché.
Qu’on mette au défi tous ces supers champions des infrastructures et des services TIC afin de catalyser les énergies pour l’émergence de nouveaux outils numériques au profit du développement économique et social.
Osons créer une coalition nationale des acteurs du numérique autour de l’agriculture et tous ensemble relevons le défi : opérateurs de télécommunications, sociétés de services, universités, structures d’appui étatiques, banques, organisations professionnelles paysannes, partenaires techniques et financiers.
De toute manière, d’ici peu de temps, les producteurs sénégalais achèterons leurs intrants et vendront leurs récoltes à partir de leurs téléphones mobiles et feront leurs transactions avec leur porte monnaie électronique. Ils seront en contact permanent avec le marché, contracterons leur assurance et connaitront l’état de leurs sols par des systèmes numériques d’une grande simplicité.
La question est de savoir avec quelles plateformes cela se fera ? Espérons tout simplement qu’elle soit Made in Sénégal.
Porter la contribution du secteur agricole de 16% à 30% du PIB est un objectif ambitieux mais réalisable. Les acteurs évoluant dans le secteur de l’économie numérique pourraient offrir au secteur agricole ces plateformes de services et contribuer ainsi à la création d’emplois et au renforcement de la compétitivité de l’économie nationale.
Ainsi, de nouvelles communautés naîtront avec l’usage utile des réseaux sociaux autour de l’agriculture.
Malick Ndiaye, expert TIC
ING, E.MBA, BADGE, MASTER II
Ndiayemalick65@gmail.com
(Source : Blog de Malick Ndiaye, 2 octobre 2013)