En Afrique du Sud, au Kenya et dans d’autres pays, les téléphones cellulaires peuvent permettent d’offrir des services bancaires à des populations qui n’ont pas accès au réseau bancaire ordinaire.
Ann Wanjiku se dirige vers un kiosque vert et blanc décoré d’une enseigne « M-Pesa agent ». Une fois à l’intérieur, elle montre à l’agent sa carte d’identité et son téléphone cellulaire qui affiche un numéro d’identification personnel fourni par un client. Utilisant ce numéro, une minute suffit à l’agent de M-Pesa pour vérifier qu’un client a viré le paiement de 1000 sculptures de style traditionnel sur le compte de téléphonie mobile de Mme Wanjiku. Mme Wanjiku peut alors retirer ce montant en liquide.
Comme 90 % de la population du Kenya, Mme Wanjiku n’a pas de compte en banque ordinaire. En Afrique, selon une enquête de la Banque mondiale, seulement 20 % des ménages en ont.
Mais la prolifération des services de téléphonie mobile à travers le continent permet d’offrir des services bancaires à des gens comme Mme Wanjiku. Dans les quelques pays où elles sont implantées, des compagnies analogues à M-Pesa peuvent utiliser n’importe quel téléphone ou n’importe quelle carte téléphonique pour fournir des services à prix abordables à leurs clients dans toutes les zones couvertes par un signal de téléphonie mobile.
L’expansion des innovations de ce genre dans le domaine des technologies de l’information et de la communication (TIC) modernes a été une question centrale au sommet « Connecter l’Afrique » tenu à Kigali (Rwanda) au mois d’octobre où plus de 1000 représentants du secteur privé, de gouvernements et de bailleurs de fonds ont débattu de la façon dont ces technologies peuvent résoudre les problèmes de développement de l’Afrique.
L’argent sous le matelas
La plupart des banques africaines ont des agences uniquement en milieu urbain. Brian Richardson, Directeur général de Wizzit South Africa, une compagnie de services bancaires par téléphone cellulaire, note que traditionnellement, étendre l’offre de services aux zones rurales passait par l’ouverture de nouvelles succursales. « Tant que vous raisonnez de cette façon, offrir des services bancaires à un marché de masse est incroyablement coûteux. »
En conséquence, les services bancaires les plus courants ne sont souvent tout simplement pas disponibles. L’Ethiopie a une agence bancaire pour 100 000 personnes alors que l’Espagne en a 96. De plus, du fait de soldes minimum relativement élevés, de tels services sont trop coûteux pour la majorité des Africains.
Même en Afrique du Sud, pays qui possède un réseau bancaire plus développé, on estime que la population garde environ 12 milliards de rands (1,8 milliard de dollars des Etats-Unis) « sous les matelas » souligne M. Richardson.
Lancée en 2004, Wizzit a recruté 50 000 clients sud-africains. La compagnie espère en conquérir 16 millions d’autres dans un pays où 60 % de la population n’a pas de compte en banque. Les détenteurs de comptes Wizzit peuvent utiliser n’importe quel téléphone cellulaire. Les clients peuvent déposer de l’argent sur leur compte de téléphonie mobile dans n’importe quelle poste ou n’importe quelle agence des banques Amalgamated Banks of South Africa ou South African Bank of Athens. Les salaires peuvent être payés par voie électronique par virement sur un compte Wizzit. Les détenteurs de compte reçoivent également une carte de débit acceptée par les distributeurs automatiques et les commerçants. Les utilisateurs payent l’équivalent de 0,15 à 0,78 dollar des Etats-Unis par transaction. Selon Mohsen Khalil, directeur du Département TIC mondiales de la Banque mondiale, Wizzit a une approche des plus novatrices car la compagnie s’adresse spécifiquement aux populations défavorisées. Si ce modèle fait ses preuves en Afrique du Sud, ajoute-t-il, la Banque mondiale aidera l’entreprise à élargir son champ d’action dans le pays et au-d là.
En appuyant sur quelques touches
Des équivalents de Wizzit sont apparus ailleurs en Afrique. Comme Mme Wanjiku, environ un million de Kényans utilisent M-Pesa, une opération conjointe de la compagnie de téléphonie mobile Vodafone/Safaricom, de la Commercial Bank of Africa et de Faulu Kenya, une organisation de microfinance. Les clients de M-Pesa déposent leur argent auprès d’un agent agréé ou d’un vendeur de téléphones cellulaires. L’agent crédite alors le compte téléphonique. Les utilisateurs ont la possibilité de virer entre 100 et 35 000 shillings kényans (de 1,5 à 530 dollars) par message textuel au bénéficiaire de leur choix même s’il est sur un autre réseau de téléphonie mobile. Des services similaires sont maintenant disponibles en République démocratique du Congo et en Zambie.
En Afrique du Sud, cette banque travaille aussi en partenariat avec la compagnie de téléphonie mobile Mobile Telephone Networks (MTN) qui offre des services aux Sud-Africains ayant déjà un compte en banque mais désirant recevoir et envoyer de l’argent en utilisant leur cellulaire.
A elles deux, les compagnies MTN et Wizzit permettent à 500 000 Sud-Africains dépourvus de compte en banque d’envoyer de l’argent à des membres de leur famille ou d’en recevoir, de régler l’achat de produits et de services, de vérifier le solde de leurs comptes et de régler leurs factures d’électricité, d’eau et de gaz. Jusqu’à l’arrivée de ces deux services, les Sud-Africains versaient fréquemment à des coursiers l’équivalent de 30 à 50 dollars pour livrer de l’argent liquide à leur famille. Aujourd’hui, grâce aux réseaux bancaires de téléphonie mobile, ces transactions ne leur coûtent plus que 0,50 dollar.
C’est dans les zones rurales que l’impact est le plus grand, explique Beyers Coetzee, un responsable du secteur communautés rurales de Wizzit. « Quatre-vingts pour cent des fermiers n’ont pas de compte en banque. » De plus, ajoute-t-il, un compte Wizzit, à la différence d’un compte bancaire traditionnel, n’est pas clos si le client ne l’utilise pas régulièrement, ce qui est « très utile pour les travailleurs saisonniers » en particulier.
Rob Conway, directeur de l’association Global System for Mobile Communications, un groupe international de prestataires de services de téléphonie mobile, explique que ces innovations ont « changé la vie de millions d’Africains, eu un effet de catalyseur sur le développement économique et renforcé les liens sociaux ».
Lauri Kivinen, Directeur des affaires générales pour le réseau Nokia Siemens, pense aussi que ce développement est important : « Cela représente un changement substantiel et sans précédent pour les gens ordinaires », a-t-il déclaré à Afrique Renouveau. Grâce aux services bancaires par téléphonie mobile, les gens peuvent notamment « élargir leurs relations sociales et leurs relations d’affaires et accroître leur productivité en appuyant simple-ment sur quelques touches d’un téléphone cellulaire ».
Mary Kimani
(Source : Africa Renewal, 25 février 2008)