Alors qu’on attend toujours l’arrivée sur le marché sénégalais d’un
troisième opérateur, les autorités sénégalaises viennent de retirer la
seconde licence de téléphonie mobile cédée en novembre 1998 à la SENTEL,
une société créée par le Millicom Cellular International.
Le gouvernement sénégalais accuse le groupe de ne pas avoir respecté ses engagements
"Le contrat entre l’État sénégalais et la SENTEL est un peu trop léonin.
Nous dénonçons ce contrat et la licence sera prochainement vendue aux
enchères, au plus offrant. Le cas de Alizé est à l’étude".
Ces propos de M. Mamadou Diop Decroix, ministre de la Communication,
marquent l’annonce officielle du retrait de la licence de SENTEL.
La décision prise en conseil des ministres, le 12 octobre, est motivée
par un chapelet de critiques à l’endroit de SENTEL allant de retards de
paiement de redevances, à la mauvaise qualité du réseau, en passant par
le retard dans la couverture du territoire et la non tenue de la
promesse concernant le versement de 2 pour cent des investissements
annuels pour le développement des télécommunications au Sénégal.
Les redevances sont au nombre de trois. La société est tenue de verser à
État 50 millions de francs Cfa par an pour la cession de la licence, 10
millions de francs par an pour la mise à disposition de canaux
(1dollar=700FCFA). Elle doit également attribuer 2 pour cent des
investissements par an au développement du secteur.
La SENTEL a rejeté ces accusations. Non seulement, elle ne reconnaît
aucun retard de paiement, mais elle estime être en avance sur le plan de
couverture du territoire prévu dans le cahier des charges et assure que
2,7 PC de son investissement ont été consacrés à la formation et à la
recherche en 1999.
La SENTEL indique, par ailleurs, avoir installé un réseau « in-door » de
bonne qualité.
"Les autorités ne peuvent porter des jugements sur notre réseau, alors
que, jusqu’à ce jour, nous n’avons fait l’objet d’aucune vérification
officielle de la part de la Direction des études et de la réglementation
des Postes et Télécommunications" se défend la Direction générale de la
SENTEL.
Au-delà de cette polémique, il faut faire remarquer que les autorités
sénégalaises n’apprécient pas du tout que la licence ait été cédée à la
SENTEL à 50 millions de francs, alors que tout récemment, la Mauritanie
a vendu sa première licence à près de 20 milliards de francs et que le
Royaume du Maroc a tiré 780 milliards de la vente de sa seconde licence.
Le cas de Alizé, le premier réseau de cellulaire, appartenant à la
Société nationale de télécommunications (SONATEL), désormais privatisée,
est actuellement à l’étude.
Il y a peut-être de quoi s’inquiéter, quand on sait que la première
licence a été accordée à la SONATEL au franc symbolique.
Cependant, ce n’est point l’avis de certains responsables de la société.
Alizé, rappellent-ils, est une filiale à 100 PC de la SONATEL et cette
filialisation est intervenue bien après la privatisation de 1997, qui a
vu France Télécom prendre un bloc stratégique de 33,33 PC des actions
pour 70 milliards de francs.
Cette somme incluait, selon eux, le service mobile.
D’un autre côté, il n’est pas exclu que la SENTEL, qui est "autorisée à
participer à la vente aux enchères « reprenne » sa licence. Elle va
peut-être attraper cette perche tendue par le gouvernement.
Dans un communiqué, la société fait remarquer que "la pratique des
ventes aux enchères est récente (courant 1999) et a débuté par le Maroc,
suivi du Kenya et de la Mauritanie pour lesquelles notre groupe Millicom
a participé régulièrement, et que toute la manœuvre ne servira donc qu’à
revoir à la hausse la valeur de la deuxième licence".
Au siège social de la société, tout reste normal. Les abonnements
continuent comme à l’accoutumée.
Les 45.000 abonnés, inquiets dans un premier temps, ont sans doute été
rassurés par les garanties des autorités sur la continuité du service
pendant la période transitoire et surtout, par le fait que leur appareil
fonctionne normalement, la réadaptation de la messagerie promise de
longue date par la société étant maintenant effective.
Mais, "nous restons vigilants car, malgré tout, nous ne savons pas
encore comment se passera la succession si la Sentel se retire
définitivement. Qu’en sera-t-il des abonnés, des services déjà offerts
et des prix pratiqués actuellement", s’interroge M. Alassane Pablo Fall,
secrétaire général de l’Association des usagers du téléphone, de l’eau
et de l’électricité du Sénégal (ADETEELS).
De manière implicite, certains consommateurs espèrent qu’à l’occasion de
la renégociation du contrat, le coût de la communication sur le deuxième
réseau sera plus abordable.
Dans ses critiques, le gouvernement n’avait pas omis les prix. Pour
l’illustrer, le ministre de la Communication s’est livré à quelques
comparaisons.
"Le tarif plein de communication locale GSM au Maroc coûte 110 F HT
contre 200 F HT au Sénégal. Sur l’international, c’est respectivement
150 F/MN contre 300 à 400 F, a fait remarquer M. Mamadou Diop Decroix.
On s’attend donc à quelques ré-adaptations dans ce secteur très
dynamique au Sénégal.
Outre Alizé et SENTEL, un troisième opérateur est attendu dans le
courant de l’année prochaine.
Le processus de sélection, engagé avant le changement à la tête du pays,
a été interrompu par le nouveau pouvoir, qui "attend de clarifier les
conditions d’attribution des deux premières licences".
Depuis l’irruption de SENTEL, en avril 1999, les offres se sont
nettement améliorées. Alizé a un réseau national, alors que SENTEL
prévoit cette couverture nationale pour l’année prochaine.
Actuellement les deux réseaux, Alizé et SENTEL, proposent une dizaine de
services notamment l’identification de l’appelant, l’indication d’appel
en instance, le double appel, la liste rouge, le « roaming » ou l’option
monde (possibilité d’appeler et d’être joint à l’extérieur du Sénégal),
la messagerie vocale.
Pour le moment, la messagerie écrite est une réalité sur le premier
réseau et une promesse chez SENTEL. (à suivre)
Dakar - Les campagnes de promotion de deux sociétés concurrentes se
multiplient avec à l’appui des encarts publicitaires à pleine page, au
grand plaisir des journaux dakarois. Les usagers ont pu bénéficier
surtout d’une baisse des prix d’accès au réseau.
Avec SENTEL, les abonnements sont passés de 25.000 F au lancement à
12.000 F en décembre 1999, puis 10.000 F depuis avril dernier. Mais la
SENTEL propose uniquement le système de pré- paiement (abonnement Hello)
avec des cartes d’appel de 5.000 F à 100.000 F. L’abonnement ordinaire
nécessite en effet une lourde installation (de facturation et de suivi
de la clientèle) dont seule Alizé dispose pour le moment.
L’abonné du cellulaire étant par définition mobile, la filiale de la
Sonatel s’entoure de certaines garanties pour ce genre d’abonnement
(dénommé Téranga). Les candidats sont tenus de fournir deux factures
d’électricité, d’eau ou de téléphone portant le même nom et la même
adresse, preuve de leur domiciliation. Il est aussi demandé une caution
de 44.000 F.
En cas d’impayés jugés excessifs, non seulement l’abonnement cellulaire
est coupé, mais aussi le téléphone fixe. En plus de cela, Alizé dispose
de systèmes de pré-paiement, Diamono et Diamono Jeunes, dont l’accès
coûte 25.000 F ou 15.000 F.
L’avantage est actuellement au premier réseau, qui fournit la messagerie
écrite contrairement à la SENTEL. Mais, "ce service sera disponible très
prochainement sur notre réseau", assure la direction du marketing de SENTEL.
La téléphonie mobile est actuellement très répandue au Sénégal,
essentiellement à Dakar, la capitale. Elle n’est plus comme il y a deux
ou trois un accessoire de luxe et de frime.
Toutes les occasions inspirent aux deux entreprises des campagnes de
promotion devenues quasi-permanentes : rentrée scolaire, fêtes de fin
d’année, vacances, Saint Valentin, fête des mères et autres fêtes
religieuses (de la Pâques au ramadan en passant par la Pentecôte et la
Tabaski).
Alizé est passé rapidement de 22.110 abonnés en décembre 1998 à plus de
100.000 actuellement.
En 18 mois, la SENTEL a, de son côté, dépassé les 45.000 abonnés. A tel
point que les deux réseaux comptent plus de 150.000 abonnés contre
environ 200.000 lignes fixes au Sénégal, en attendant l’arrivée du
troisième opérateur mobile.
C’est que le cellulaire est très pratique et plus accessible. "Je n’ai
pas de téléphone chez moi, mais avec moins de 20.000 F j’ai pu
m’abonner. Si bien que désormais, je suis joignable partout et je ne
pense même pas à avoir une ligne fixe", confie Amadou Gningue commerçant
à Sandaga.
Le système de pré-paiement a beaucoup facilité cet accès dès le départ.
L’abonnement initial est valable pour 8 mois sans obligation d’achat de
cartes d’appel, mais avec la possibilité d’en recevoir.
Beaucoup de personnes aux revenus modestes peuvent ensuite faire
l’effort d’acheter une carte d’appel de 5.000 F (la valeur minimale) de
temps à autre. Sans compter que l’abonnement est une formalité simple
qu’on peut confier à une tierce personne ou aller effectuer soi-même en
une dizaine de minutes sur présentation d’une pièce d’identité.
Contrairement au téléphone fixe, dont l’installation est facturée à près
de 50.000 F.
Bouger en toute liberté, dit le slogan. C’est ce que fait un grand
nombre d’abonnés dont les cellulaires ne sont en fait que des
« répondeurs portables ». Ils n’ont pas rejoint le réseau GSM pour appeler
les autres, surtout que la minute de communication est trois fois plus
chère.
"Non, ah non, moi, pour appeler je vais dans les cabines téléphoniques.
Le portable, c’est pour ceux qui ont besoin de me joindre", explique
Alphonse Coly.
"Je suis agent commercial et je passe toute la journée à aller de gauche
à droite. Au moins, celui qui appelle est sûr de me trouver. D’ailleurs,
moi-même, je préfère généralement prendre les numéros de portables de
mes correspondants. C’est plus sûr. J’achète une carte à peu près tous
les trois mois".
Certaines sociétés de la place ont souscrit des abonnements collectifs
pour leur personnel.
C’est le cas du Gorée Institute, qui en a fait bénéficier 16 de ses 33
employés, avec en prime un forfait de communication de 75.000 F par mois.
"IL s’agit de gens qui gèrent des projets ou de chauffeurs que nous
avons besoin de joindre en toute circonstance. Pour d’autres, nous avons
comblé, en même temps, l’absence de ligne fixe chez eux pour qu’il ne
soit pas isolé, sans contact possible avec l’Institut", déclare
Ousseynou Guèye, directeur adjoint chargé des projets.
Il est important de noter que cette mobilité a nettement dopé les
prestations des radios privées de Dakar.
Ainsi, des reporters équipés de téléphone cellulaire ont les moyens "de
faire du direct en toute circonstance".
Cet aspect a pris un relief particulier à l’occasion de l’élection
présidentielle de février et mars 2000, en permettant à ces médias de
faire en temps réel une couverture quasi permanente du scrutin.
Le téléphone cellulaire est donc un outil de travail indispensable que
certains groupes de presse ont veillé très tôt à mettre à la disposition
de leur rédaction.
(Source : Panafrican News Agency 27 ocotbre 2000)
Dakar, Sénégal