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Accueil > Ressources > Points de vue > 2025 > La souveraineté nationale à l’épreuve de l’intelligence artificielle (…)

La souveraineté nationale à l’épreuve de l’intelligence artificielle globalisée : entre résistance et réinvention

dimanche 14 septembre 2025

Point de vue

À l’ère de l’intelligence artificielle (IA) et des métavers, la souveraineté nationale, traditionnellement ancrée dans le contrôle d’un territoire et de ses ressources, se trouve confrontée à une double mutation : d’un côté, la pression d’une technologie globalisée ; de l’autre, l’effacement progressif des frontières entre le réel et le virtuel. Ces défis, à la fois politiques, économiques et éthiques, redéfinissent ce que signifie « résister » pour les États, en particulier dans un Sud global en quête d’autonomie stratégique.

LA SOUVERAINETÉ DES DONNÉES : NOUVEAU CHAMP DE BATAILLE GÉOPOLITIQUE

L’IA, moteur de la quatrième révolution industrielle, repose sur un carburant intangible mais vital : les données. Ces dernières, qu’elles soient personnelles, industrielles ou militaires, sont devenues un enjeu de pouvoir. Face aux géants technologiques (Google, Meta, Alibaba) et aux rivalités entre puissances, les États renforcent leur arsenal juridique pour protéger ce « pétrole du XXIᵉ siècle ». La Chine, par exemple, verrouille l’exportation de ses données via le Cybersecurity Law, tandis que l’Union européenne impose le RGPD, un rempart contre l’exploitation prédatrice des données par des acteurs étrangers.
En Afrique, cette dynamique prend une dimension particulière. Alors que le continent devient un terrain de conquête pour les multinationales du numérique, des initiatives émergent pour contrer une nouvelle forme de colonialisme « dataïque ». Le Data Policy Framework de l’Union africaine (2022) vise à harmoniser les réglementations tout en promouvant une gestion panafricaine des données, essentielle pour éviter que les algorithmes globaux reproduisent des biais néocoloniaux. Le Rwanda, pionnier, a lancé, en 2023, un centre d’IA visant à former des experts locaux et à développer des applications adaptées aux priorités nationales, comme l’agriculture ou la santé.

LE SÉNÉGAL ET LE « NEW DEAL TECHNOLOGIQUE » : UN LABORATOIRE DE SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE

Dans ce paysage, le Sénégal vient de marquer un tournant avec son « New Deal Technologique », annoncé en 2023. Ce programme ambitieux vise à faire du pays un hub numérique ouest-africain, combinant infrastructure, formation et innovation locale. Concrètement, il inclut :

•⁠ ⁠la construction de centres de données nationaux à Diamniadio pour héberger les données sensibles et réduire la dépendance vis-à-vis des serveurs étrangers ;
•⁠ ⁠la création d’un Institut sénégalais de l’IA (ISIA), en partenariat avec des universités locales et des acteurs comme l’UNESCO, pour former 10 000 spécialistes d’ici 2030.
•⁠ ⁠Un fonds d’investissement dédié aux start-up africaines, avec un accent sur les solutions d’IA adaptées aux défis locaux (gestion de l’eau, agroécologie, santé préventive).

Ce « New Deal » sénégalais s’inscrit dans une logique de souveraineté pragmatique. En investissant à la fois dans l’infrastructure physique (data centers) et le capital humain, le pays cherche à éviter deux écueils : la dépendance technologique envers l’étranger et l’importation de modèles d’IA inadaptés. Par exemple, le projet e-Santé Sénégal utilise des algorithmes conçus localement pour optimiser la distribution de médicaments dans les zones rurales en intégrant des paramètres culturels (comme les pratiques traditionnelles de soins).

Toutefois, ce programme soulève des questions. D’une part, son financement dépend en partie de partenariats avec des entreprises étrangères (comme Huawei), ce qui pourrait limiter son autonomie à long terme. D’autre part, la réussite supposera de résorber la fracture numérique : seuls 45 % des Sénégalais ont en effet accès à internet, et les femmes rurales restent largement exclues des formations technologiques.

RÉSISTER DANS UN MONDE HYBRIDE : IDENTITÉS, ÉTHIQUE ET NOUVEAUX TERRITOIRES

L’effritement des frontières physiques sous l’effet du virtuel complexifie la notion même de résistance. Les cyberattaques, les métavers et les algorithmes transnationaux redessinent les sphères d’influence. Un État peut désormais être vulnérable à une attaque lancée depuis un serveur étranger ou voir sa jeunesse façonnée par les normes culturelles d’un métavers contrôlé par une entreprise californienne, par exemple.

Dans ce contexte, résister ne se limite plus à défendre des frontières tangibles. Il s’agit de protéger une identité collective. Au Nigéria, des collectifs comme « Save Our Languages » militent pour l’intégration du yoruba et de l’igbo dans les assistants vocaux, refusant que le numérique accélère l’hégémonie de l’anglais. De même, la plateforme sud-africaine « AfroVerse », alternative africaine aux métavers occidentaux, incarne une résistance culturelle : un espace virtuel où le patrimoine oral, les symboles traditionnels et les langues locales structurent les interactions.

L’ÉTHIQUE EN PRATIQUE : LE CAS DES ALGORITHMES « UBUNTU »

L’enjeu éthique est tout aussi crucial. Alors que certains pays adoptent des systèmes de surveillance de masse inspirés par l’IA chinoise, d’autres, comme le Ghana, expérimentent des chartes éthiques pour encadrer l’usage des algorithmes dans la justice ou le recrutement. Cette résistance éthique est un combat contre une uniformisation sourde aux contextes locaux. Elle questionne : jusqu’où une société peut-elle accepter que l’IA redéfinisse ses valeurs, comme l’Ubuntu en Afrique australe, sans les trahir ?

Au Sénégal, le « New Deal Technologique » intègre paradoxalement cette dimension. Le projet SunuIA (« Notre IA » en wolof) promeut des systèmes d’IA transparents, dont les décisions sont explicables aux utilisateurs, même analphabètes. Une approche qui contraste avec les boîtes noires algorithmiques des GAFAM et qui pourrait inspirer d’autres pays du Sud.

CONCLUSION : « VERS UNE SOUVERAINETÉ RÉINVENTÉE – LE SÉNÉGAL COMME ÉTUDE DE CAS »

La résistance des nations face à l’IA globalisée n’est ni un réflexe passéiste ni un rejet de la modernité. Elle est une réinvention de la souveraineté à l’aune des défis du numérique. Le « New Deal » sénégalais illustre cette dynamique : en misant sur l’infrastructure locale, la formation endogène et l’innovation contextuelle, le pays tente d’éviter le piège d’une IA néolibérale, extractiviste et déconnectée des réalités africaines.

Cependant, ce modèle devra surmonter des obstacles structurels. La tentation du court terme (privilégier des partenariats lucratifs avec des multinationales au détriment de l’autonomie) ou les lacunes en matière de connectivité rurale pourraient freiner son impact. Pour réussir, le Sénégal devra ancrer sa stratégie dans des alliances panafricaines, comme l’African AI Consortium, et des cadres éthiques transposables à l’échelle du continent.

En définitive, l’IA et la virtualisation du monde ne sonnent pas le glas de la souveraineté nationale. Elles en appellent plutôt à une souveraineté agile, capable de protéger des identités sans se replier et d’investir l’espace numérique sans y perdre son âme. Le Sénégal, avec son « New Deal », incarne cette quête d’équilibre. Il constitue un laboratoire à suivre pour tous ceux qui croient en une globalisation multipolaire, où la technologie sert les peuples au lieu de les asservir.

Par Chérif Salif SY, chercheur en économie politique africaine

(Source : Le Soleil, 14 septembre 2025)

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