Il fut un temps pas si lointain, où 100 % de sénégalais en possession de téléviseurs regardaient l’ORTS. (l’Office de Radiodiffusion Télévision du Sénégal) devenue la R.T.S (Radio et Télévision du Sénégal). Ce temps est révolu et bien révolu. Depuis l’avènement du numérique, la multiplication des chaînes de télévision privées et la rapidité avec laquelle les évolutions se font jour, la RTS doit dorénavant s’adapter au risque de disparaître au moment où elle fête ses 40 ans avec un nouveau Directeur Général.
La RTS à un moment clé de son histoire
Cet article a été rédigé pour éviter toute polémique, dans un esprit constructif pour guider l’adaptation des médias de service public que sont la RTS, la SN2 et Radio Sénégal à s’adapter à la nouvelle donne numérique. Cependant, le temps presse, la date butoir retenue pour l’harmonisation mondiale dans le mode numérique est fixée par l’Union Internationale des télécommunications (UIT) au 17 juin 2015, c’est-à-dire… demain.
Le modèle auquel aspire le peuple sénégalais se doit d’être au service de la démocratie participative, de la mondialisation, du pluralisme des médias et de la diversité culturelle. C’est également un enjeu politique.
L’avènement imminent de la Télévision numérique par voie terrestre (TNT) dans le paysage audiovisuel sénégalais est une conséquence de deux accords internationaux, ayant valeur de « traités » signés en juin 2006 à Genève en Suisse lors du Sommet Mondial sur la Société de l’Information, dans sa deuxième session de la Conférence Régionale des Radiocommunications (CRR06), à savoir : le GE06 (l’Accord régional relatif à l’utilisation de bandes de fréquences 174-230 Mhz et 470-862 Mhz par le service de radiodiffusion et les services de Terres Primaires autres que les services de radiodiffusion dans la Région 1et le GE89 (l’Accord régional relatif à la planification de la radiodiffusion télévisuelle en CRR-06-Rev.GE89).
Ainsi la déclaration faite le 25 Octobre 2010 par le ministre de la Communication, des Télécommunications porte parole du Gouvernement et dorénavant des NTICs, lors de sa conférence de presse, se traduit comme la volonté politique du gouvernement sénégalais de respecter le plan de passage du Sénégal à la radiodiffusion numérique. Voilà une nouvelle qu’attendaient tous les professionnels de l’audiovisuel sénégalais.
Elle suppose que, vis-à-vis de l’Union Internationale des Télécommunications (UIT), le Sénégal a scrupuleusement respecté les recommandations des 12 articles du GE06, qu’il aura terminé à temps le dossier technique des assignations et des allotissements des fréquences allouées à la TNT. Le Sénégal venant de se doter d’une nouvelle assemblée nationale et d’un nouveau Président en la personne de Mr Macky Sall, un cadre juridique devant régir la TNT au Sénégal reste à définir.
L’impact de la pluralité des médias sur la bonne gouvernance la pluralité des médias sur la bonne gouvernance, la préservation de nos démocraties très fragiles, la formation des opinions ainsi que l’importance des services publics audiovisuels sont autant de facteurs de cohésion sociale, de vivre ensemble, d’éducation, de construction d’identité collective et d’intégration. Cela n’est plus à démontrer et a été prouvé lors des dernières élections présidentielles et législatives qui viennent de s’écouler.
L’audiovisuel public sénégalais ayant une mission de service public, se caractérise par son accessibilité au plus grand nombre à toutes les ethnies qui composent le Sénégal, aux attentes de ses publics, par sa nécessaire indépendance quelque soit le pouvoir en place, (ce qui n’a jamais été le cas depuis Senghor jusqu’à Wade où le laudatisme limacier de Babacar Diagne a atteint son paroxysme et écoeuré les sénégalais de la RTS) ainsi que par sa coexistence avec un secteur privé de plus en plus expressif, de plus en plus imaginatif et de plus en plus agressif.
Le rôle de la RTS est essentiel, mais ô combien difficile. Sans pour autant être un concurrent frontal des télévisions privées, la RTS fédère un large public et rencontre une large audience national et internationale. C’est aussi un élément contribuant au développement du secteur audiovisuel dans son ensemble, à travers par exemple un soutien renforcé et exemplaire à la production audiovisuelle. La RTS joue un rôle majeur dans la diversité culturelle sénégalaise. L’adaptation de la RTS au numérique ne peut se faire que dans le respect de ces principes
Tout d’abord, le caractère universel du service public suppose que celui-ci investisse le nouvel espace numérique et soit présent sur les nouvelles plates-formes. Rester cantonné aux services traditionnels serait la voie de l’archaïsme et de la marginalisation, ce que les autres chaines de télévision privées ont déjà compris et adopté.
On pense ici, tout d’abord, bien sûr, à la télévision numérique terrestre. Celle-ci a vocation à remplacer la télévision analogique à l’orée 2015 et le service public doit être une véritable locomotive de ce passage au tout numérique.
Télévision numérique terrestre, télévision de rattrapage, vidéo à la demande, télévision mobile personnelle, et plus généralement développement sur Internet : voici quelques-uns des nombreux défis numériques que la RTS devra relever.
C’est aussi sur ces plates-formes là qu’il faut trouver les moyens de faire vivre les valeurs de la RTS. Il faut étendre la portée des missions de la RTS au service du pluralisme et de la diversité culturelle à l’ensemble des plates-formes numériques.
Il faudra également conjuguer présence sur les services numériques et accessibilité au plus grand nombre, la production selon de nouveaux formats avec le maximum d’innovation et de recherche ainsi que le maintien d’un niveau d’exigence équivalent en matière de programmation. C’est aussi une nouvelle façon de rechercher de l’audience.
Il s’agit également de la télévision de rattrapage. Ce nouveau service, ce nouvel usage de la télévision en voie de généralisation rapide, répond aux attentes des téléspectateurs en s’affranchissant de la contrainte principale de la radiodiffusion, à savoir la diffusion à heure fixe. Qui n’a pas connu la frustration d’avoir, suite à une contrainte d’emploi du temps, raté son émission préférée ou un moment exceptionnel d’information ? Désormais, celle-ci sera accessible, pendant un temps limité, à ceux qui n’ont pas pu la voir ou qui souhaiteraient la revoir. C’est là un moyen essentiel de fidélisation du public et la RTS ne pourra assurer sa pérennité sans fournir un tel service avec tous les nouveaux outils disponibles aujourd’hui.
Egalement la vidéo à la demande, nommément appelée VOD. C’est un mode de consommation sur les médias de service public à l’ère du numérique. La RTS, comme les chaînes privées doivent y avoir leur place. Combinant la diversité de l’offre télévisuelle à la disponibilité d’un catalogue de location de vidéos, elle donne aux téléspectateurs une liberté de choix et une maîtrise de sa programmation sans précédent.
Le téléspectateur devient, acteur et libre de ses choix. Pour épouser les goûts et les emplois du temps de leurs spectateurs, la RTS devra pouvoir non seulement offrir ce nouveau service, mais également proposer des catalogues riches et étoffés, conçus en ayant à l’esprit l’exigence de diversité culturelle et d’une nombreuse et diverse diaspora sénégalaise. La RTS, média de service public devra être exemplaire dans la présentation attrayante des œuvres sénégalaises dans son catalogue. Car le combat se fera au niveau du contenu.
Un autre combat et un virage à ne pas rater, il s’agit bien sûr de la télévision sur les téléphones portables, qui est le nouvel usage de la télévision par excellence dont les japonais furent les pionniers depuis de nombreuses années bien avant les européens et les américains. Par cette nouvelle technologie, l’audiovisuel sort du foyer pour suivre le spectateur dans ses déplacements.
Dans un contexte où l’utilisation du temps libre du public fait l’objet d’une concurrence sans cesse plus rude entre différents modes de loisir, la RTS doit aussi, aller chercher ce temps libre là ou il se trouve, comme par exemple dans les bouchons, dans les transports, dans les files d’attente, pour « tuer le temps » comme on dit si régulièrement à Dakar, lors des temps interstitiels qui meublent le quotidien de nos concitoyens. Gageons que le service public de l’audiovisuel saura proposer des contenus de qualité, porteurs de diversité. Il faut aussi lui en donner les moyens, et c’est le rôle de l’Etat régulateur.
Ce développement doit se faire dans le respect de l’égalité de concurrence entre la RTS et les autres sociétés privées. A ce propos, c’est normal et légitime, que le problème soit posé sur la compatibilité entre le rôle de la RTS qui a une mission de service public et caractère payant de ses programmes.
Par exemple, dans le cas de services de vidéo à la demande, il peut être tout à fait légitime de prévoir un paiement destiné notamment à couvrir la rémunération des ayants droit. On pense immédiatement, par exemple, à des services de vidéo à la demande cinématographique.
La RTS s’intègre dans une culture qui lui est propre ainsi qu’un mode de vie et de rythme différents. Or c’est cette culture propre à la RTS qui modèle en premier lieu sa politique de programmation.
L’ère du numérique, la convergence numérique ne réduiront pas cette diversité. Ce n’est ni possible ni souhaitable. Au contraire, la continuelle évolution des médias numériques et des modes de consommation des téléspectateurs amplifieront cette diversité.
Au-delà de ces enjeux, il s’agit de préserver dans l’univers numérique la place de la RTS. C’est un point capital pour éviter toute fracture numérique, maintenir la cohésion sociale de la société sénégalaise et renforcer davantage l’identité culturelle sénégalaise. La question n’est pas de savoir si cette révolution aura lieu, mais quand et comment. D’autant plus que les autorités connaissent la date butoir et qu’aucun reniement n’est possible. Il nous faut prendre le changement à bras le corps et non le subir.
L’environnement multimédia de demain représente un défi pour nous tous. En tant que radiodiffuseurs de service public, la RTS se doit de veiller à l’évolution de notre environnement pour nous y adapter et évoluer avec lui. Les médias audiovisuels doivent être prêts au changement et se préparer à s’y adapter. Ils doivent certes se laisser porter par l’avenir de la radiodiffusion telle que voulue par l’IUT, mais aussi le façonner.
La RTS figure au nombre des gardiens du temple qui veillent sur les valeurs qui caractérisent le Sénégal, ses traditions et le pluralisme démocratique qui l’a toujours caractérisé et ceci est à préserver pour les générations futures. Soyons attentifs à ne pas les décevoir.
Quelques pistes de réflexions qui ne sont en aucune manière exhaustives.
1. La RTS devra faire appel plus que jamais aux nouvelles technologies, aux nouveaux formats et aux nouveaux modes d’organisation structurelle, en innovant sans cesse et surtout ne jamais perdre de vue un seul instant le public qu’il dessert. Il est indispensable pour la RTS de garder un contact étroit avec les téléspectateurs et les auditeurs. La RTS doit se renforcer sans cesse davantage en se mettant au service de l’intérêt public, sans dépasser son mandat ni anticiper de manière excessive l’intérêt et les souhaits de son public.
2. Le produit le plus important de la RTS reste le contenu de ses programmes.
Son objectif premier, à l’ère des nouveaux médias comme auparavant, doit être la production au meilleur prix de programmes de grande qualité. La RTS doit continuer à considérer ses services de radiodiffusion généraliste comme la pierre d’angle de sa mission de service public. Les outils de diffusion offerts par les nouveaux médias doivent venir compléter l’offre de programmes et permettre de développer de nouveaux services répondant à l’évolution des modes de consommation.
3. Il est impératif que la RTS passe d’une structure de média unique à une structure multimédia. Que la RTS organisme diffuse uniquement des programmes télévisés ou radiophoniques ou les deux, elle doit pouvoir commencer à produire du contenu « évolutif ». Elle devra prendre en considération comme base de travail l’intégralité des outils médiatiques à sa disposition ainsi que toutes les plates-formes de transmission, ce qui exige une évolution des méthodes de travail, des attitudes et des structures.
4. La RTS doit créer et développer sa marque. Elle doit être considérée pour ce qu’elle fut il y a quelques années avant l’avènement du numérique, à savoir un « data-center » où règnent des valeurs à sauvegarder telles que la confiance et la qualité des programmes, dans l’environnement traditionnel comme dans celui des nouveaux médias.
5. La RTS doit veiller à préserver son accès au meilleur contenu sur le plan qualitatif, ce qui exigera une action concertée destinée à garantir l’obtention des droits sur le contenu. Il faudra dès lors que la RTS sache de quels droits elle dispose sur le contenu existant dans le contexte des nouveaux services et des services étendus et se prépare en outre à évoluer dans un environnement dans lequel certains propriétaires de contenus pourraient se laisser tenter par la perspective de court-circuiter les radiodiffuseurs. La concurrence s’intensifiera en matière de contenu de qualité supérieure, qu’il soit produit en interne ou à l’externe.
6. L’un des changements fondamentaux par lesquels doit passer la RTS et qui a été tant décriée sous le magistère de Babacar Diagne concerne les ressources humaines internes. Le nouvel univers de la technologie numérique et des systèmes d’information, de la production sur logiciel et du contenu évolutif exige des qualifications et une attitude nouvelle. Une grande partie du personnel de la RTS devra devenir polyvalent et se former aux nouveaux outils numériques. Trouver les personnes les mieux adaptées pour travailler dans ce nouvel univers tout en formant correctement le personnel actuel n’est pas chose aisée, mais c’est indispensable. La technologie s’achète, les êtres humains eux, ont besoin d’être soutenus, formés et guidés.
7. L’innovation constitue l’un des éléments fondamentaux de la mission de la RTS. Elle doit prendre ses responsabilités en jouant son rôle de pionnier des nouvelles technologies, de nouveaux services et surtout de nouveaux contenus.
Obligations de la RTS comme média de service public
La définition de média de service public repose sur un élément central, qui le distingue des fournisseurs de médias purement commerciaux, à savoir ses obligations vis-à-vis de la société. Les activités des sociétés médiatiques purement privées sont principalement destinées à servir les intérêts de leurs propriétaires ou de leurs actionnaires respectifs, tandis qu’un radiodiffuseur comme la RTS est de se mettre au service de la collectivité au sens large, en fortifiant et en nourrissant la trame sociale, politique et culturelle de la société sénégalaise. De ce fait, l’offre de contenu médiatique de la RTS comme média de service public présente les caractéristiques suivantes :
– Universalité de contenu et d’accès
– Indépendance éditoriale
– Programmation de qualité élevée
– Obligation de rendre compte annuellement de ses activités
Toujours là, toujours proches
Dans les années à venir, la RTS devra, tout en demeurant un service public, ne pas se limiter à desservir tout le public simultanément et sur le même mode. Elle devra aller chercher le public sur son terrain, c’est à dire offrir à la fois des chaînes généralistes et thématiques et des services en ligne, interactifs et autres nouveaux services, tels que la télévision mobile,.
Pour servir le public, la RTS doit se donner pour objectif d’être présent sur toutes les grandes plates-formes médiatiques.
Par conséquent, la RTS devra trouver les ressources nécessaires pour lui permettre de se transformer progressivement en « fournisseurs de médias de service public ».
Dans le cadre du rôle traditionnel de promotion de la cohésion sociale rempli par la RTS, il lui incombe d’assumer des responsabilités en matière d’accès aux technologies numériques. Elle doit prendre part à tous les grands domaines d’activité relevant des nouveaux médias et sa mission doit inclure :
– L’élaboration de programmes et de marques forts et facilement reconnaissables, servant de point de repère au public confronté à la nuée des nouveaux fournisseurs de contenu présent sur le câble et le satellite
– L’utilisation d’Internet et des ressources interactives, ainsi que du contenu destiné à la radiodiffusion mobile, en complément du contenu conçu pour la radiodiffusion traditionnelle ;
– La mise à disposition des programmes du service public sur toutes les plates-formes numériques, quelles que soient celles sur lesquelles le public souhaite en disposer ;
– L’offre de services multimédia interactifs ainsi que de services sur Internet indépendants et gratuits ;
– La promotion active des médias numériques en aidant le public à se familiariser avec les outils de la société de l’information, notamment Internet, et à les utiliser par une bonne campagne de communication des outils numériques
– La mise à disposition de contenu produit dans des langues locales et minoritaires afin d’encourager les minorités à avoir recours aux outils de la société de l’information ;
– La défense de normes techniques ouvertes allant dans le sens d’une plus grande accessibilité.
Pour pouvoir remplir cette mission, la RTS doit s’adapter à la tendance générale de la société sénégalaise, qui est en train de passer d’une société de masse à une société plus fragmentée, au sein de laquelle les sénégalais cherchent à se fournir des services et des produits plus personnalisés, répondant exactement à leurs besoins. Le souhait des sénégalais de disposer de programmes et autres services lorsqu’il le souhaite et sur les lieux qui lui conviennent, doit être satisfait.
Les sénégalais auront aussi davantage d’outils à leur disposition pour apporter leur propre contribution au contenu médiatique, auquel d’autres auront accès directement (« programmation à code source ouvert »), ou susceptible d’être intégrée dans du contenu professionnel (« contenu généré par l’utilisateur »).
Les sénégalais souhaitent de plus en plus prendre une part active à la production des services (y compris les services d’information et les services culturels) auxquels il fait appel. La RTS doit s’adapter à cette « culture de la communication individualisée » en offrant un service public plus personnalisé grâce aux nouvelles technologies.
Indépendance éditoriale
Généralement, l’une des caractéristiques principales de la radiodiffusion de service public est son indépendance vis-à-vis de l’influence de l’Etat ou de toute force politique, religieuse, économique ou autre, susceptible de nuire à sa neutralité. Toutefois, l’indépendance de la RTS à l’égard de l’Etat constitue, à certains égards, un paradoxe, puisque le Directeur Général est nommé par le Président de la République en Conseil des Ministres et Mr Racine TALLA vient d’être nommé dans ce sens.
– D’un côté les institutions et les activités de la RTS appartiennent à la société, dont les représentants (le parlement et le gouvernement) sont autorisés à définir sa mission, à fixer les règles de bonne gestion auxquelles il doit se soumettre et à décider du financement dont il dispose ;
– De l’autre, la RTS ne saurait satisfaire à l’obligation qui lui est faite de constituer une source d’information et de présentation de la réalité digne de foi si elle se fait la voix du gouvernement ou du Chef de l’Etat ou de des religieux. L’indépendance doit donc être entendue au sens éditorial et financier, pour garantir que les programmes et le contenu produit soient effectivement mis au service du grand public et non d’intérêts particuliers ou partisans.
L’indépendance éditoriale est la condition sine qua non de l’appui public dont bénéficie la RTS. Au cœur de la mission du radiodiffuseur de service public se trouve l’obligation de servir le public, à savoir la communauté des citoyens. Un radiodiffuseur perçu comme un organisme indûment influencé par le pouvoir politique ou économique et négligeant de ce fait son obligation d’impartialité perdra l’appui du public ce qui est le cas de la RTS depuis plusieurs années maintenant, avec les dérives que nous avons connus sous le Président Wade.
La radiodiffusion est une activité « politique ». Elle dispose d’un pouvoir sans égal de modelage et de formation de l’opinion publique. Les pressions qui s’exercent donc sur la RTS pour l’amener à défendre certains intérêts, politiques ou autres, peuvent être considérables.
Le degré d’influence et l’impartialité dépendent au moins autant des ressources mises en œuvre par la RTS et de sa vigueur à défendre son indépendance que de la bonne volonté de ceux qui ont le pouvoir et l’influence nécessaires pour la réduire. Quelles que soient les pressions extérieures auxquelles elle reste soumise, la RTS doit protéger son indépendance et être prête à défendre une vision de la réalité impartiale et digne de foi.
L’évolution de la situation dans plusieurs pays limitrophes du Sénégal et de la sous-région est venue nous rappeler à notre devoir de vigilance en matière d’indépendance éditoriale et financière.
Des programmes de qualité élevée
– Les radiodiffuseurs publics comme la RTS sont des « moteurs d’investissement ». Ils sont l’instrument qui garantit la continuité des investissements consentis par la nation et la collectivité dans la production d’un contenu original et de qualité élevée.
La RTS dispose de capacités de production humaine considérable. Le public découvre régulièrement une programmation nouvelle et originale, élaborée à son intention et s’insérant dans son contexte culturel en présentant des sujets, des personnages et des références appartenant à son univers familier avec très peu de moyens. La RTS doit considérer la réalisation de ces programmes comme l’une de sa principale mission.
La RTS est au service de la démocratie et des institutions politiques civiles en offrant un forum permettant la tenue de grands débats publics sur des questions d’importance nationale, tout en jouant un rôle de gardien des intérêts publics vis-à-vis des autorités sénégalaises.
Pour ce faire, elle demeure un pilier de la production audiovisuelle, développant et nourrissant le talent, et dispose davantage d’outils qu’autrefois pour atteindre ces objectifs sur un éventail plus vaste de programmes, de services et de contenu.
– Il n’existe aucune contradiction entre la recherche de la qualité et celle de la popularité auprès du public. La RTS doit poursuivre ces deux objectifs. La qualité dans tous les genres de programmes constitue l’estampille des médias de service public en particulier de la RTS.
La RTS peut, d’une certaine façon, être considérée comme la « l’arbre à palabres » ou le « grand palace » de la société moderne. C’est l’un des « lieux » où les individus se retrouvent pour s’informer et apporter leur contribution à la vie qui se déroule autour d’eux. La radio et la télévision sont nos sources privilégiées d’information et de divertissement. Ce sont les supports sur lesquels nous venons donner sens à notre passé et écouter la musique d’aujourd’hui. Les médias ont une grande influence sur les langues parlées au Sénégal, sur sa musique et son art, ainsi que sur les valeurs sociales de la société sénégalaise.
– La RTS devra également entretenir des relations équilibrées avec le secteur de la production indépendante. Disposer d’une masse critique de productions en interne peut permettre à la RTS de rester un grand centre de production et de préserver son rôle de moteur des investissements. Pour sa part, le recours dans une proportion importante aux producteurs indépendants permet de garantir l’existence d’une concurrence efficace et créative basée sur la qualité.
– L’objectif vers lequel la RTS doit tendre, pour chaque type de contenu ou de service, est d’être une référence de qualité. Depuis toujours, une large part du contenu diffusé vient stimuler le public et élargir son champ de vision et ses connaissances. Ce phénomène doit se poursuivre et englober les nouvelles technologies et les nouveaux services.
Définir le terme de « qualité » ou de « valeur » appliqué au domaine des médias se révèle peu aisé. La qualité est la recherche permanente de l’originalité et la tentative constante de refléter la société sénégalaise au plus juste par le biais des médias notre vie et le monde qui nous entoure. C’est le reflet de la créativité, du travail acharné et du dévouement du réalisateur de programmes à la RTS.
La mission de la RTS va de pair avec des obligations et des objectifs particuliers. Elle continue à nourrir la culture nationale en produisant une programmation d’intérêt national et en fortifiant la vitalité linguistique et artistique.
Les radiodiffuseurs sont conscients du fait qu’ils doivent sensibiliser les individus aux dimensions de la citoyenneté qui dépassent le cadre national (aux échelons supra et sub-national) ainsi qu’à la notion de responsabilité individuelle et collective. Les sénégalais souhaitent, à juste titre, disposer d’informations de plus en plus pointues sur la scène internationale et les différents pays étrangers, et c’est la raison pour laquelle, ils se tournent de plus en plus sur les chaines étrangères via le câble et le satellite au prix d’un abonnement payant.
L’une des obligations particulières de la RTS est de se faire le reflet de nos sociétés sous leur aspect pluriethnique et pluriculturel. Cet effort ne doit toutefois pas s’exprimer sous une forme qui accentue indûment les différences ou enferme les différents groupes sociaux et ethniques dans des ghettos en les limitant à des créneaux de programmation étanches leur étant exclusivement réservés.
L’obligation de rendre compte
L’une des caractéristiques principales de la RTS est l’obligation dans laquelle elle se trouve de rendre compte. Il faudra dans la mesure du possible, définir en termes précis la mission de la RTS tout en étant conscients du fait que ces définitions resteront imparfaites et que c’est l’obligation de rendre compte qui, d’une certaine façon, définira réellement les activités de la RTS
Dans le cadre des efforts entrepris pour comprendre comment la RTS est perçue et appréciée, elle doit s’efforcer de trouver des mécanismes lui permettant de rendre compte de ses activités. Les nouvelles technologies, telles que les voies de retour et Internet, rendent ce processus encore plus efficace et facile.
Les nouvelles autorités de la RTS ne doivent ménager aucun effort pour promouvoir des systèmes garantissant une bonne gestion de leur activités et en assurant le contrôle. Ces systèmes doivent être capables de garantir l’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique et la responsabilité effective à l’égard du public au sens large.
Les médias de service public : diversité, innovation, accessibilité
L’environnement numérique met à la disposition de la RTS de nouvelles armes pour remplir sa mission, en offrant à la société encore davantage que ce qu’elle lui offre aujourd’hui. Si la RTS ne relève pas ce défi et n’agit pas, elle coure le risque de se trouver reléguée au rang de fournisseurs de services de télévision destinés à ceux qui ne peuvent pas se permettre la télévision à péage. La RTS doit relever le défi que représente son nouvel environnement. Elle doit stimuler le débat, et être le premier à l’ouvrir. Ses structures actuelles devront certainement évoluer. Elles devront s’adapter et embrasser le changement pour pouvoir jouer le rôle plein et entier leur revenant de droit dans le nouveau paysage médiatique.
Simultanément, certains principes fondamentaux de la RTS doit continuer à servir de base à la stratégie et à la politique menées par les radiodiffuseurs publics dans l’environnement numérique. Il s’agit notamment de l’universalité, de la diversité, de l’obligation de rendre compte et de l’indépendance. La politique menée par la RTS doit viser à préserver ces objectifs.
La mission de la RTS constitue, par définition, un service offert au citoyen.
– Ce service doit donc être universellement disponible. Limiter la disponibilité de ce service à certains groupes sociaux ou géographiques ne lui permet pas de remplir son objectif fondamental.
L’évolution des techniques de transmission amènera les sénégalais à utiliser différents supports de transmission ou à les combiner entre eux. La RTS ne peut pas faire sienne l’adage « wiri wiri diari ndari » c’est à dire tout viendra de toutes les façons à elle. L’offre de contenu de la RTS doit être disponible sur tous les médias utilisés par une large part du public pour se fournir les services électroniques dont il a besoin. La RTS doit donc avoir accès aux réseaux hertzien, satellite, câble et à la bande large. Elle doit aussi prendre part à l’évolution des services sur Internet et développer des activités de radiodiffusion mobile.
Il n’est plus indispensable qu’une chaîne unique que ce soit la RTS ou SN2 offre toute la gamme du contenu susceptible d’intéresser tous les groupes d’intérêt composant la société sénégalaise, mais il est indispensable que l’intégralité de cette gamme soit disponible dans le cadre de l’offre totale de la RTS radiodiffuseur public, notamment dans le contexte du contenu mis sur Internet.
La RTS doit aussi évaluer la mesure dans laquelle il leur faut modifier sa politique de programmation et réfléchir aux moyens à utiliser pour proposer un contenu multimédia et interactif. Il lui faudra aussi prendre en considération la question de la gestion des droits sur le contenu dans ce nouvel environnement.
– La RTS doit donc jouir de sa liberté éditoriale, et être indépendant vis-à-vis du pouvoir politique et des influences commerciales.
L’évolution par laquelle la RTS doit passer. Quelles taxes ?
L’évolution des modes de transmission des médias et la modification de la chaîne de valeur de ce secteur obligent la RTS à réfléchir à la place qu’elle occupe dans le paysage médiatique sénégalais, à la façon dont la radiodiffusion publique est réglementée à l’échelon national et international et au mode de financement futur de ses activités. Mais si c’est pour voir des clips musicaux, faire la promotion des non-valeurs ou des combats de lutte toute la journée, non merci.
En dehors de la taxe perçue avec la SENELEC et la subvention de l’Etat (aides, subventions), publicités, on peut envisager différentes pistes de réflexion de financement de la télévision publique parmi lesquelles :
– Des fonds privés sous forme de mecenat, (fondation, investissements...), des facilités telles que des exonérations d’impôt pour les entreprises, des crédits d’impôt. Le but est d’assurer la prise en charge d’intérêt général de service public relevant de la RTS.
– La redevance reste la meilleure contrepartie pour financer ce service public. La subvention pouvant, parfois, créer les conditions, exploitées ou non, d’une dépendance qui peut influer sur l’impartialité.
– Une taxation sur des produits tels que le tabac, l’alcool,
– Un prélèvement fiscal sur tous les foyers avec ou sans télévision cette dernière doit déterminer la contribution publique à l’avance et pour un certain nombre d’années, afin de minimiser autant que faire se peut les risques encourus par le radiodiffuseur sur le plan de l’indépendance éditoriale tout en le dotant en parallèle de la capacité de planifier ses activités à long et moyen terme.
– Une taxation sur les containers entrants au Port de Dakar (plusieurs milliards)
– Une taxation sur les chiffres d’affaires des sociétés de télécommunications (généralement c’est 0,5 % du CA)
– Une taxe sur les véhicules importés (montant fixe...) ou les véhicules dont la puissance fiscale dépasse 12 CV
– Une taxation sur les résidences secondaires (combien au Sénégal ???)
Inspensable mais ô combien nécessaire
Lamine NDAW
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