Lancée en juin 2024 avec la promesse de faciliter les démarches administratives des citoyens, la plateforme Sama Pièce de La Poste sénégalaise devait révolutionner l’accès aux documents officiels. Le principe était simple : commander en ligne son extrait de naissance, son certificat de résidence ou tout autre document administratif, et les recevoir directement chez soi, sans se déplacer. Une innovation attendue, saluée pour sa praticité, mais qui a révélé ses failles de manière brutale ce week-end.
C’est sur le réseau social X qu’un internaute a tiré la sonnette d’alarme après avoir découvert une anomalie gravissime. Au lieu d’être redirigé vers une confirmation sécurisée de sa commande, il s’est retrouvé face à une base de données ouverte, contenant les informations personnelles d’un grand nombre d’usagers. Noms, adresses, numéros de téléphone, numéros de carte d’identité, extraits d’acte de naissance, passeports, tout y était, en libre accès, prêt à être téléchargé en quelques clics. L’affaire a depuis enflammé les réseaux sociaux et soulevé une vague d’indignation.
Réaction d’urgence et silence institutionnel
En réponse à la révélation de cette brèche, La Poste a rapidement rendu le site inaccessible, invoquant une opération de maintenance. Aucune communication officielle n’a été publiée au moment de la rédaction de cet article, laissant les usagers dans une incertitude totale quant à la sécurité de leurs données personnelles et aux mesures envisagées pour limiter les dégâts. Ce mutisme renforce les inquiétudes autour de la gestion des infrastructures numériques par des institutions publiques souvent peu préparées aux exigences rigoureuses de la cybersécurité.
Ce scandale met en lumière les risques liés à la digitalisation accélérée des services publics sans garanties solides sur la protection des données. Il rappelle aussi que, si l’innovation est devenue incontournable, elle exige des compétences techniques pointues et un encadrement juridique strict, notamment en matière de confidentialité et de traçabilité des accès.
Vers une refonte obligatoire des systèmes numériques publics ?
Au-delà de l’émotion immédiate, cette affaire soulève des questions fondamentales : qui est responsable d’un tel dysfonctionnement ? Quelles leçons seront tirées pour éviter qu’un tel incident ne se reproduise ? Et surtout, comment restaurer la confiance des citoyens dans des services numériques censés leur simplifier la vie ?
La Poste, comme d’autres institutions, se retrouve désormais face à une urgence non seulement technique, mais aussi politique et sociale. La protection des données personnelles n’est pas une option ni un luxe, c’est un impératif. Cet épisode pourrait bien marquer un tournant dans la manière dont les services publics sénégalais abordent le numérique : non plus comme une simple modernisation, mais comme un engagement sérieux vis-à-vis des droits fondamentaux des citoyens.
(Source : La Nouvelle Tribune, 23 juin 2025)