Cybastion, American Tech Hub et montée en compétences : « Nous sommes venus pour rester au Burkina Faso »
vendredi 21 novembre 2025
Alors que le Burkina Faso accélère sa transformation numérique à l’occasion de la 20e édition de la Semaine du Numérique, Cybastion renforce sa présence dans le pays à travers plusieurs initiatives structurantes, notamment l’American Tech Hub, des programmes de renforcement des capacités en cybersécurité et des actions de formation destinées aux jeunes et aux femmes. C’est dans ce contexte que nous avons rencontré Armand Tchokokam, vice-président exécutif et directeur financier de Cybastion, pour évoquer la stratégie de long terme du groupe, les piliers qui guident ses interventions digitales et la vision qui sous-tend son engagement en faveur du développement des talents locaux.
Vous êtes au Burkina Faso depuis 2019, à un moment où beaucoup d’entreprises quittaient le pays. Quel est aujourd’hui l’objectif de Cybastion à travers votre présence à la Semaine du Numérique et l’American Tech Hub ?
Armand Tchokokam : Je suis Armand Tchokokam, vice-président exécutif et directeur financier de Cybastion, et l’un des co-fondateurs aux côtés du Dr Thierry Wandji. Notre présence à la Semaine du Numérique s’inscrit dans une démarche de long terme : nous ne sommes pas une entreprise de passage, nous sommes venus pour rester.
L’American Tech Hub que nous animons à Ouagadougou est une vitrine de ce que nous faisons concrètement : montrer des solutions américaines de pointe, mais pensées pour les réalités africaines, et ouvrir un espace d’échanges avec les jeunes, les décideurs publics et les entreprises locales.
Vous parlez souvent de quatre piliers dans la stratégie de Cybastion. Comment se déclinent-ils concrètement au Burkina Faso ?
Armand Tchokokam : Nos activités reposent en effet sur quatre grandes verticales, qui correspondent aux priorités du pays en matière de transformation digitale.
La première, ce sont les infrastructures, en particulier les data centers. Le Burkina Faso va inaugurer dans les prochaines semaines un data center redondant conçu avec l’ANSSI et l’ANPTIC. Cybastion a contribué à ce projet, qui est au cœur de la souveraineté numérique : c’est là que les données sont créées, traitées et stockées.
La deuxième verticale, c’est la digitalisation des services publics : e-gouvernement, e-visas, plateformes de paiement, tout ce qui permet à un citoyen de faire ses démarches sans parcourir des centaines de kilomètres, tout en améliorant la collecte des recettes publiques.
La troisième, c’est la formation, avec Africa DigiEmpower et la Cybastion Academy, pour que les infrastructures soient gérées par des cadres burkinabè, certifiés sur les meilleures technologies.
Enfin, nous ajoutons la cyber-assurance, parce qu’avec la montée des risques cyber, il ne suffit plus de déployer des systèmes : il faut aussi accompagner les organisations dans la gestion et la couverture de ces risques.
Justement, quel est l’apport spécifique d’Africa DigiEmpower pour la jeunesse burkinabè ?
Armand Tchokokam : Africa DigiEmpower est au cœur de notre action au Burkina. C’est une initiative portée par THEYA by Cybastion, en partenariat avec la Cisco Networking Academy et le gouvernement, pour former gratuitement des milliers de jeunes et de femmes aux compétences numériques : IA, cybersécurité, infrastructures IT, culture digitale, entrepreneuriat. Nous avons mis en place un département entièrement dédié à la formation et à la certification. Notre philosophie est simple : former avec passion. Les formateurs suivent les apprenants, vérifient qu’ils ont réellement compris, et les accompagnent dans la durée. Nous avons nous-mêmes grandi en Afrique, puis travaillé avec les meilleures équipes aux États-Unis ; transmettre cette expérience à la nouvelle génération est, pour nous, un devoir autant qu’un privilège.
Vous insistez sur votre double ancrage : entreprise américaine, mais avec une équipe largement d’origine africaine. En quoi cela change-t-il la relation avec les partenaires locaux ?
Armand Tchokokam : Quand on entend “société technologique américaine”, on s’attend souvent à un certain profil. Quand nos partenaires burkinabè nous rencontrent, ils voient tout de suite que nous partageons les mêmes références, la même culture, les mêmes contraintes quotidiennes. Cela change profondément la relation : nous ne venons pas avec une posture de donneur de leçons, mais dans un esprit de partenariat, d’égal à égal. Résultat : les équipes locales adhèrent plus facilement aux solutions que nous proposons, et lorsqu’il y a des difficultés – il y en a toujours – on les affronte ensemble.
Cette proximité culturelle est un vrai avantage par rapport à des acteurs qui restent très éloignés du terrain. Elle explique aussi pourquoi nous sommes encore là, six ans après notre arrivée, alors que d’autres se sont retirés.
Vous êtes directeur financier, mais vous parlez beaucoup de technologie. Pourquoi cette implication si forte dans les aspects techniques ?
Armand Tchokokam : On ne peut pas faire de finance “depuis un bureau” quand on travaille dans la transformation digitale.
Je demande à mes équipes – et je m’applique la même règle – d’aller sur le terrain, de visiter les sites, de parler avec les bénéficiaires, de comprendre les difficultés. C’est seulement en voyant la réalité qu’on peut structurer des modèles économiques viables, dimensionner les investissements et bâtir des partenariats durables.
Pour moi, la plus grande récompense, ce n’est pas seulement de voir un projet financer un data center ou une nouvelle plateforme. C’est de voir un jeune avec cette lumière dans les yeux, qui découvre un nouveau métier, pose des questions pertinentes et se rend compte que sa vie peut changer grâce au numérique. À ce moment-là, je me dis que nous sommes à notre place, ici.
Cybaston
(Source : Agence Ecofin, 21 novembre 2025)
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