Bitcoin comme actif de réserve nationale du Sénégal : coup de génie ou erreur coûteuse ?
mardi 13 mai 2025
Dans un contexte de forte dépendance au franc CFA et de recherche de souveraineté économique, le choix d’intégrer le Bitcoin dans les réserves nationales du Sénégal pourrait apparaître comme un acte audacieux et visionnaire. Le Bitcoin, en tant qu’actif numérique décentralisé, pourrait offrir une alternative à la centralisation monétaire actuelle, en réduisant la vulnérabilité du pays face aux décisions extérieures, notamment celles de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ou du Trésor français. En période d’inflation importée ou de tensions géopolitiques, le Bitcoin peut aussi jouer un rôle de réserve de valeur, à l’instar de l’or, et permettre une diversification stratégique des réserves nationales.
Cependant, cette approche comporte des risques majeurs pour un pays en développement comme le Sénégal. Le Bitcoin reste extrêmement volatil, avec des variations de prix imprévisibles qui pourraient fragiliser les équilibres macroéconomiques si une part significative des réserves y était adossée. De plus, la régulation internationale des cryptomonnaies est encore en construction, ce qui expose le pays à des incertitudes juridiques et à des tensions diplomatiques. Enfin, les capacités technologiques et institutionnelles du Sénégal ne sont peut-être pas encore suffisantes pour garantir une gestion sécurisée et efficace d’actifs aussi complexes.
En somme, l’intégration du Bitcoin dans les réserves nationales du Sénégal pourrait être un coup de génie à long terme si elle s’inscrit dans une stratégie maîtrisée d’innovation monétaire, accompagnée d’une montée en compétence des institutions financières et d’un cadre réglementaire robuste. Mais si elle est menée de manière précipitée, sans préparation ni filet de sécurité, elle risque de devenir une erreur coûteuse, mettant en péril la stabilité économique du pays et la confiance des citoyens dans les politiques publiques. Le choix dépendra donc moins de l’actif lui-même que de la gouvernance qui l’accompagne.
Dr Seydou Bocoum
(Source : Groupe WhatsApp du RASA, 13 mai 2025)