Sous le poids des critiques de l’Union européenne, le régime algérien tente de moderniser les paiements, mais accumule les retards et les contradictions.
L’Algérie déploie une nouvelle feuille de route pour limiter l’usage des espèces dans les transactions commerciales, un chantier devenu récurrent mais dont les effets tardent à se faire sentir. Présentée comme une stratégie ambitieuse en cinq axes, cette initiative illustre surtout l’incapacité chronique des autorités à faire émerger un véritable écosystème de paiement numérique, malgré des annonces répétées et des infrastructures encore peu utilisées.
Le plan, piloté par le ministère des Finances, se veut global : révision du cadre réglementaire, modernisation des infrastructures, numérisation des flux, campagnes de sensibilisation et mise en œuvre de 49 mesures concrètes. Mais derrière ce schéma théorique, les résultats restent modestes. Le pays compte plus de 20 millions de cartes bancaires, dont près de 80 % sont issues du réseau postal (Dahabia), mais leur usage demeure marginal dans les commerces, en raison d’un réseau de terminaux (77 576 TPE pour tout le pays) notoirement insuffisant et concentré dans les zones urbaines.
Le Mobile Switch, censé garantir l’interopérabilité des systèmes bancaires, et les paiements sans contact via QR codes, peinent à convaincre commerçants et consommateurs, en grande partie à cause du manque de confiance dans le système bancaire, de la persistance de l’informel et de l’instabilité juridique.
Le gouvernement tente d’imposer l’obligation d’équiper certaines structures commerciales (notamment les supérettes et supermarchés), en contrepartie de réductions fiscales. Mais cette approche coercitive, sans réelle incitation à la bancarisation ni accompagnement technologique soutenu, apparaît déconnectée des réalités socio-économiques locales.
Autre point d’achoppement : la faible culture numérique et financière du grand public. Le gouvernement mise sur des campagnes de sensibilisation via les médias et réseaux sociaux, mais sans réformes profondes de l’inclusion bancaire, ni accès facilité aux outils digitaux, ces efforts risquent de rester symboliques.
Enfin, les statistiques officielles elles-mêmes illustrent les limites du dispositif : à fin 2024, 5,5 millions de transactions seulement ont été opérées via TPE pour un montant équivalent à moins de 300 millions d’euros, alors que plus de 197 millions de retraits ont été effectués via distributeurs, confirmant la prédominance du cash.
Sous couvert de modernisation, Alger poursuit ainsi une politique fragmentée et souvent verticale, qui peine à répondre aux défis d’un pays encore massivement ancré dans l’économie informelle et méfiant à l’égard des institutions bancaires. Les annonces se multiplient, mais les résultats, eux, restent désespérément en retrait.
(Source : APAnews, 9 août 2025)