Les activités des télécentres occupent près de 17.000 Sénégalais. Elles ont généré en 2000 un chiffre d’affaires de 33 milliards Fcfa. Mais sur fond de
cette importante contribution à l’économie nationale, les gérants connaissent une chute des revenus à cause notamment de l’explosion incontrôlée des
télécentres. Au moment où les nouveaux services offerts intégrent, de plus en plus, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication
(Ntic) comme Internet.
"L’Association des gérants de télécentres vous informe qu’après concertation, le prix de l’unité passe de 75 Fcfa à 100 Fcfa à partir de ce lundi 24
décembre ". Cette affiche a été apposée à l’entrée de plusieurs télécentres des HLM Grand-Yoff, une zone située dans la proche banlieue dakaroise. La
mesure qu’elle institue n’est cependant restée en vigueur que pendant un peu plus d’une semaine. Elle est ensuite annulée. Peu de gérants de
télécentres l’ont suivie. "Nous avions, à la suite d’une concertation, décidé d’augmenter les tarifs de communication de 25 francs. L’unité de
communication qui était vendue à 75 Fcfa devait passer à 100 Fcfa. Mais je me rends compte que dans le quartier, beaucoup de gérants n’appliquent
pas la décision . Ils sont revenus à l’ancienne tarification de 75 francs qui est conforme aux revenus des clients. Je les ai suivis ", explique une jeune
gérante.
Le nombre d’abonnés au téléphone est important dans ces HLM Grand Grand-Yoff. A tel point qu’une demande d’abonnement de téléphone à domicile
met souvent plus de 6 mois pour être satisfaite, parfois plus. La zone est jugée « saturée » par les agents de la Sonatel. La densité de télécentres privés y
est tout aussi élevée. Aussi, la concurrence est-elle vive entre les gérants. Des gérants ont baissé la tarification jusqu’à 65 francs l’unité. En fait, dans le
contrat signé avec la Sonatel, les gérants achètent l’unité de communication à 50 francs. En outre, ils paient une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 20%.
Cela leur revient entre 60 et 65 francs cfa représentant ce qu’ils doivent verser à la Sonatel. Libres à eux d’appliquer la marge préférée.
Ainsi, en commercialisant à leur tour l’unité de communication vendue par la Sonatel, ils ont la possibilité de fixer un tarif allant jusqu’à 105 francs. C’est
le prix maximum. Ils ne peuvent pas le dépasser. A l’expérience, les tarifs pratiqués dans les télécentres, c’est à la carte. Les difficultés des gérants de
Grand-Yoff à s’entendre sur une tarification unique donnent une idée de la forte concurrence qui est de mise dans cette corporation. Celle-ci connaît,
depuis quelques temps, une chute des revenus due à l’augmentation du nombre de cabines. Et depuis quelques mois, à l’arrivée sur le marché de
nouveaux produits qui font déserter les cabines. Ainsi, à la vue d’une carte de téléphone prépayée « Nopalé », Iba, un gérant affirme, interloqué : "Voilà l’une
des raisons pour lesquelles nous avons des difficultés".
Introduits au Sénégal en 1993, les télécentres ont beaucoup contribué à élargir l’accès au téléphone. Selon les chiffres fournis par la Sonatel, les cabines
téléphoniques privées représentent 12.600 lignes, soit 6% du parc de la Sonatel. Dans les villages les plus reculés du Sénégal, les télécentres font partie
du décor classique. Même à Fongolimbi (732 km de Dakar environ, à l’Est du Sénégal ), l’un des villages sénégalais les plus célèbres par l’éloignement ,
on en trouve, sur la place du marché. Au Sénégal, on compte officiellement 7000 télécentres. Leurs gérants sont principalement répartis en deux
organisations : Le Syndicat national des télécentres privés du Sénégal (Synts) présidé par Bassirou Cissé et l’Association pour la redynamisation des
télécentres au Sénégal (ARTS) dirigée par Ansoumani Cissé. Pour ce dernier, il y a eu deux moments dans l’évolution des télécentres.
Une belle époque, celle du début, qui a vu les gérants gagner beaucoup d’argent. " Il y a ensuite eu une phase morose marquée par beaucoup de
fermetures. Les gens ne parviennent pas à s’en sortir à cause des charges. Il y a beaucoup de gérants de télécentres qui sont en prison ou dont les
biens ont été saisis. Ils ne sont pas parvenus honorer leurs factures. La Sonatel les a assignés en justice ". Évoquant ces charges, il cite : le loyer,
l’aménagement des cabines, le bureau et les chaises, frais d’électricité, le taxa plus (compteur), la paie des gardiens et des employés dont le nombre
est variable etc.
Selon le président de l’Association pour la redynamisation des télécentres (ARTS), Ansoumani Cissé, "pour ouvrir une cabine téléphonique d’une seule
ligne, il faut au minimum 900 mille francs cfa". Selon notre interlocuteur, cette somme intègre la caution de 500 mille Fcfa déposée à la Sonatel si le
gérant est dans une zone urbaine. En zone rurale, la somme est de 300 mille francs. A l’ouverture des premiers télécentres, cette caution n’était pas
exigée par la Sonatel. Cette dernière l’a instituée après que nombre de gérants, nantis d’un chiffre d’affaires « consistant », se sont éclipsés. Il semble que
beaucoup d’entre eux ont émigré en laissant des impayés à la Sonatel.