Dépressions, évanouissements, licenciements abusifs. C’est le lot quotidien des « forçats », comprenez les conseillers commerciaux qui pullulent dans les call centers, autrement dénommés « centres d’appels », délocalisés au Sénégal depuis 2004.
Le PCCI n’y échappe pas et, si elles ont créé un engouement certain notamment au début de leurs implantations, ici, sur le plan économique comme social, ces entreprises sont pires que les chaînes automobiles du début du XXe siècle et sont le symbole même de l’esclavage moderne. Sans compter que la concurrence étant devenue rude, beaucoup de ces entreprises de services ferment boutique, une à une.
PCCI, CALL CENTER, QUALITY CENTER, du nom des quelques principaux centres d’appels qui ont pignon sur rue à Dakar, sont tous logés à la même enseigne d’univers impitoyable. Le centre d’appel ouvre en effet les portes d’un univers impitoyable, insoupçonné derrière les voix suaves qui nous dérangent toujours au mauvais moment pour nous vendre le dernier modèle de fenêtres isolantes, ou encore un abonnement à internet...
Côté face, c’est le bonheur. Côté pile, c’est beaucoup moins romantique. Les employés des centres d’appels sont soumis à des cadences infernales et à une compétition acharnée. Une course au rendement qui laisse sur le carreau les plus démunis et les moins dociles. Et gare à celui ou celle qui ose rouspéter ou bougonner, c’est le licenciement sec et arbitraire car, à l’intérieur de ces tours de verre, se déroulent souvent des drames sans nom dont on n’entend pas beaucoup parler, et pour cause.
Ainsi à Quality center, par exemple, un centre d’appel niché en haut d’un immeuble cossu situé en plein centre-ville, il ne faut surtout pas « oublier » de dire bonjour à la patronne quand bien même elle vous ignore royalement. Vous risquez une mise à pied, si on ne vous fout pas dehors séance tenante. Et si par malheur il vous arrivait d’avoir un besoin pressant pendant que vous êtes en production, vous n’avez pas intérêt à bouger de votre box. Les exemples de brimade ne manquent pas.
Les coupes sur salaires sont monnaie courante dans ces entreprises qui font énormément de profits en sacrifiant au passage de pauvres jeunes filles, femmes et garçons, obligés parfois de commettre même des larçins pour ne pas se retrouver, à la fin du mois, avec 15 000 FCfa pour seul pécule. Chaque retard est sanctionné par une entorse sur le salaire qui doit être gagné « en versant même du sang » car, même malade, l’employé n’a pas le droit de s’absenter ni même d’accuser une seconde de retard. Comment dans une atmosphère d’angoisse permanente pareille peut-on faire son travail sereinement ? Et tout cela se passe ici, au vu et au su des inspecteurs du travail qui, très souvent, pour ne pas dire toujours, ferment les yeux.
Nous y reviendrons.
Sombel Faye
(Source : Sud Quotidien, 25 mars 2008)