L’Artp porte plainte contre X, réclame 8 milliards 200 millions à Cheikh Amar…
jeudi 31 mai 2012
Suite aux résultats des audits initiés depuis l’accession du Président Macky Sall à la tête de l’Etat, l’Artp a décidé de porter plainte contre X dans l’affaire Mtl et de servir une mise en demeure à Cheikh Amar, patron de Tse, pour exiger le remboursement de la somme de 8 milliards 200 millions FCfa suite à des marchés nébuleux.
Ce matin de déballage, le Directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp), Thierno Alassane Sall, a la voix qui porte. Et les mots emplis d’une sorte de solennité : « J’ai souhaité notre rencontre de ce jour afin de vous livrer deux informations », commence-t-il, laissant glisser entre les chaises de l’assistance un air de vrai faux suspense. Dans la salle archicomble de l’hôtel Radisson Blu de Dakar, le public retient son souffle. « Tout d’abord, je voulais vous informer que l’Artp a déposé, ce mardi 29 mai (2012), une plainte contre X pour détournement de deniers publics, complicité de détournement de deniers publics, escroquerie portant sur des deniers publics, complicité d’escroquerie portant sur des deniers publics et accessoirement concussion, sans préjudice d’autres délits que l’enquête pourrait révéler », annonce Thierno Alassane Sall. Tout en prenant un soin méticuleux de préciser qu’il n’y aura, « dans ses propos, ni jugement personnel, ni connotation partisane ».
Droit dans son costume sombre assorti d’une chemise beige et d’une cravate rouge, Thierno Alassane Sall avance que cette plainte ne devrait pas surprendre les suiveurs assidus de l’actualité.
« Récemment, l’Artp a largement communiqué à travers la presse sur les tenants de cette affaire relative au contrat d’assistance technique pour le contrôle, la supervision du trafic international et la lutte contre la fraude (entre l’Artp et Mtl de Moustapha Yacine Guèye, Ndlr). Cette affaire n’aurait jamais eu lieu, si à coups de décrets, les plus hautes autorités d’alors (le pouvoir de Me Wade, Ndlr) n’avaient modifié les règlements en vigueur, à la seule fin de permettre à des personnes connues à l’avance de signer des marchées extrêmement avantageux pour ces dernières », explique le Directeur général de l’Artp. Il en veut pour preuve le décret n°2011-1944 du 8 décembre 2011, dont « la finalité exclusive était de modifier le Code des marchés avec comme effet de mettre hors de son champ d’application l’assistance pour la supervision du trafic international entrant et de permettre à l’Artp de contracter directement avec Mtl ». M. Sall révèle que ce décret a été adopté pendant qu’était en cours une procédure régulière de passation de marché, par appel d’offres restreint, initiée par l’Artp pour s’attacher les services d’un prestataire technique dans le contrôle desdits appels. Dans le même sillage, « un cabinet bien connu de la place a reçu, en l’espace de 2 mois, près de 200 000 000 FCfa. Cette affaire est en cours de règlements dans les intérêts du pays », informe le Directeur général de l’Artp.
…et lui envoie une mise en demeure
Dans le même registre, l’Artp annonce qu’une mise en demeure a été envoyée, mardi, à M. Pape Cheikh Amadou Amar pour lui demander le remboursement de 8 milliards 200 millions FCfa représentant le prix d’acquisition de deux immeubles que, respectivement, Touba Real Estate et Amar Holding devaient vendre à l’Artp. A la base de l’acquisition du premier immeuble, un décret, celui n°2011-648 du 23 mai 2011 portant affectation de ressources financières issues de la vente de licence par l’Etat, qui met à la disposition de l’Artp les 3,5 milliards FCfa provenant de l’extension de la licence de la Sonatel à l’exploitation des services 3G. Ce montant a servi à acquérir, auprès du promoteur Touba Real Estate, « ledit immeuble qui n’existait même pas encore de manière virtuelle ». Peu avare de révélations, Thierno Alassane Sall avance : « Le terrain sur lequel devait être bâti l’immeuble fait partie du domaine mis à la disposition du promoteur par l’Etat à Ouakam Aéroport. A la date du 26 septembre 2011, l’Artp avait déjà versé le montant intégral représentant le prix d’acquisition de l’immeuble sans que la première pierre ne soit posée. » Les services d’un huissier ont été requis aux fins de constater que les travaux viennent quasiment de démarrer alors que l’immeuble devait être déjà livré à l’Artp.
Autre curiosité notoire, l’acte relatif à ce premier immeuble n’a jamais été authentifié au sens juridique du terme et la somme de 595 560 560 FCfa nécessaire n’a jamais été versée par l’Artp. De même, pendant que le premier immeuble était presqu’entièrement soldé sans qu’une pierre ne sorte de terre, l’Artp contractait avec Papa Cheikh Amadou Amar pour l’acquisition, sur le même site, d’un second immeuble, cette fois-ci, sur fonds propres. Statuant toujours sur le cas de Cheikh Amar, Thierno Alassane Sall s’est voulu clair : « Le contrat a été signé par lui. Son nom figure textuellement sur les contrats. Il ne s’agit aucunement d’une exposition. Mais, toute personne ayant été impliquée dans une transaction, un contrat qui touche aux deniers publics ne devrait pas voir son nom cité s’il n’y a pas de problème et si les choses se sont déroulées dans la manière la plus transparente. Nous userons des voies et moyens pour recouvrer les sommes versées. Maintenant, si nous parvenons à recouvrer l’intégralité des sommes, nous verrons quelle attitude adopter, car nous n’avons pas de temps à perdre dans des procédures coûteuses. Ce qui nous intéresse, c’est de rentrer en possession de ces deniers et de les restituer à l’Etat pour qu’il puisse parer à certaines urgences », conclut Thierno Alassane Sall.
Ndèye Fatou Seck
(Source : L’Observateur, 31 mai 2012)