Immixion du président WADE dans l’attribution des marchés : Un coup de massue pour l’Apix
samedi 15 septembre 2007
Les faits ont donné raison à tous ceux qui doutaient de la transparence dans l’attribution de la deuxième licence globale de télécommunications. Nombre de Sénégalais étaient convaincus que le sésame accordé à l’opérateur Sudatel moyennant 100 milliards n’avait pas révélé tous ses secrets. Voilà que, de la bouche la plus autorisée, on apprend que Karim Wade, le fils du président de la République et Thierno Ousmane Sy, son conseiller technique chargé des Tic, ont joué un rôle capital dans l’obtention de ce pactole. Ces deux personnes se sont, ainsi, immiscées dans un travail qui relevait de la seule prérogative de l’Agence de régulation des télécommunications et des postes dont ils ne sont pas membres et qui était censée être la seule à agir d’amont en aval dans la procédure d’attribution de la licence.
Mais ce qui est plus grave, c’est quand Thierno Ousmane Sy, pour rendre certainement les civilités après s’être fait tresser des lauriers, renseigne que, n’eût été la ténacité du président Wade dans le marchandage de la licence, le montant obtenu du nouvel opérateur n’aurait pas été celui que l’on connaît. Rapportant, en conseil des ministres, le rôle joué par Me Wade, le conseiller chargé des Tic indique que lorsque lui et Karim ont présenté au président de la République le premier opérateur chinois qui s ‘est manifesté, celui-ci l’a repoussé sous prétexte que l’offre financière n’était pas celle qui était attendue. Par la suite, explique toujours M. Sy, d’autres opérateurs, en l’occurrence Bintel et Belga Com se manifesteront, mais ne seront pas plus chanceux que leur devancier. Le même sort a été réservé à Celtel qui, malgré les 170 millions de dollars qu’il proposait, s’est entendu dire que l’offre ne répondait pas aux exigences de Wade. Finalement, le jackpot viendra de Sudatel qui s’est montré plus généreux mais se proposait également de payer d’un coup.
Que faut-il retenir de tout cela ? Que Me Wade viole éperdument les règles élémentaires de la bonne gouvernance. Oubliant volontairement son passé d’économiste, le président de la République, pose ainsi des actes qui risquent de faire fuir les investisseurs. Ces derniers, on le sait, avant de venir dans un pays s’entourent de trois garanties.
Ils s’assurent, d’abord, qu’il y a un bon code des investissements ; que, ensuite, le coût de l’énergie est supportable et qu’il y a surtout la sécurité juridique et judiciaire. Sur le dernier aspect, ils seront motivés par la transparence dans les transactions et la neutralité de l’Etat dont le rôle se limite à fixer les règles du jeu. Or, dans le cas d’espèce, le président de la République a été, à la fois acteur et arbitre. Me Wade, par ses actes et ses révélations, prouve qu’il n’y a pas de sécurité juridique et judicaire parce que tout se décide à la Présidence grâce à un piratage de l’Etat. Donc, quand on dit ‘appel d’offres’ ou ‘consultation restreinte’, c’est pour amuser la galerie. La conséquence de tout cela est que le travail de l’Apix est aujourd’hui annihilé. Avec la fuite prochaine des investisseurs sérieux, la structure que dirige Aminata Niane verra tous ses efforts tomber à l’eau.
Pour le cas de l’Artp, il est clair que c’est de la récupération politique qu’on a voulu faire et cela, pour plusieurs raisons. Même si l’Artp dépend de la Présidence, le code des télécommunications lui confère une grande autonomie surtout en matière d’attribution de licence. Selon une source digne de foi, Wade, Karim et Ousmane Sy ne sont intervenus que dans la phase pré-marketing mais à partir du lancement de la consultation restreinte, c’est l’Artp qui a été maîtresse d’œuvre. D’ailleurs, la commission technique qui a ouvert les plis en présence des soumissionnaires etait présidée par le directeur général de ladite structure.
Ce qui s’est passé avant-hier en conseil des ministres relève plus des luttes de positionnement en interne de la présidence. Karim et Thierno Sy ont voulu capitaliser sur le travail de l’Artp (la licence est passée de cinquante millions pour la Sentel à 100 milliards pour Sudatel). Sur le chiffre d’ailleurs, les Sénégalais attendent d’être édifiés. Là où l’Artp a, officiellement, avancé la contrepartie de 100 milliards, Wade parle de 80 milliards. Soit une différence de 20 milliards !
Du côté de l’Artp, l’on envisage de publier un rapport dès la semaine prochaine pour montrer qu’à partir de la consultation tout s’est déroulé dans la transparence et loin du regard de la présidence.
Aguibou Kane
(Source : Wal Fadjri, 15 septembre 2007)