Huit web-entrepreneurs qui portent le drapeau de l’Afrique sur la toile
samedi 30 novembre 2013
Ils se sont imposés par leurs idées, leurs réalisations et les services qu’ils proposent sur Internet. Ils ont choisi de ne pas être consommateurs de services ou de contenus web, mais d’en être producteurs et/ou concepteurs. Au passage, leurs services ont prospéré auprès des populations et ils se sont fait une renommée qui se consolide progressivement au fil des jours. Pour eux, Internet n’est plus qu’un terrain de jeu, de divertissement et d’échanges. Mais un instrument qui, tout en facilitant la vie de ses utilisateurs avec les services novateurs offerts, permet de gagner sa vie et de s’illustrer positivement. Ils ne sont pas Mark Zuckerberg ou Bill Gates, mais sont déjà des modèles en Afrique.
Oluwaseun Osewa (Nigeria), Nairaland
Au Nigeria, Nairaland est considéré comme le site web le plus visité du pays. Le forum en ligne le plus grand d’Afrique. Alexa le classe d’ailleurs parmi les sites web les plus visités en Afrique. C’est un forum de discussion en ligne sur divers sujets sociaux, ludiques ou professionnels. Il est né en 2005 et se focalise davantage sur les questions qui intéressent au premier chef les Nigérians de toutes catégories. « Comparé aux forums nigérians qui ont précédé Nairaland, nous sommes différents par l’apport d’un point de vue local, d’une meilleure organisation, de sujets plus sérieux et aussi par la convivialité », affirme Oluwaseun Osewa à CP-Africa. Le fondateur de Nairaland tire l’essentiel de ses revenus des publicités en ligne.
Rapelang Rabana (Afrique du Sud), Yeigo Communications
En 2005, quand elle termine sa formation en informatique à l’Université de Cape Town, en Afrique du Sud, Rapelang Rabana a peur d’une chose : trouver du travail. « D’un côté, j’avais peur de qui je deviendrais. Je crois que la façon dont nous passons notre temps et ce que nous faisons tout le temps a une énorme influence sur ce que nous devenons. Et dans un environnement d’entreprise, le degré auquel j’aurais pu contrôler cela semblait très limité. Il y avait un sentiment de perte de contrôle de mon propre destin », raconte-t-elle à Ventures Africa. C’est ainsi qu’elle fonde avec des amis un logiciel qui permet d’effectuer des appels via Internet, car ils étaient convaincus que le web pouvait baisser les coûts des communications, et ainsi éviter aux étudiants d’envoyer les « plz-call-me ». La solution séduit les populations, et même Telfree, une firme suisse des télécommunications mobiles qui acquiert une participation de 51% dans Yeigo en 2008. Au fil du temps, la société Yeigo s’adapte à l’évolution de la technologie et offre de nouveaux produits, comme Office Connection en 2011, une solution de téléphonie hébergée dans le cloud et accessible sur une interface en ligne simple. La jeune PDG est âgée de 28 ans.
Herman Heunis (Namibie), Mxit
Il pourrait être le Mark Zuckerberg africain, Herman Heunis. Son réseau social prend de l’ampleur et enregistre 60 000 abonnés chaque jour. Mxit compte près de 50 millions d’abonnés, dont quarante-cinq millions en Afrique du Sud. Ce réseau social qui permet aux utilisateurs d’échanger instantanément via leur téléphone portable enregistre en moyenne 750 millions de messages par jour. En Afrique du Sud, où il a été conçu, il est plus utilisé que Facebook, notent certains experts. En 2009, lorsque le président Obama utilise ce réseau social pour échanger avec les jeunes Africains lors de son premier voyage en Afrique, la notoriété de Mxit grimpe à nouveau. Programmeur informatique depuis 1980, le Namibien Herman Heunis, 55 ans, affirme que l’impulsion a été le désir de démarrer sa propre entreprise et le désir de créer quelque chose de nouveau, et aussi « d’être responsable de mon propre destin. Et tout cela s’est réellement passé plus rapidement que prévu. Je pense que beaucoup d’entrepreneurs sont des créatures créatrices et sont entraînés par le besoin de créer quelque chose de différent. » Mxit, créé en 2003, a été cédé en 2011 au fonds d’investissement sud-africain World Of Avatar pour plus de 50 millions de dollars.
Justin Stanford (Afrique du Sud), Groupe 4Di
Sur Internet, les menaces des virus sont légions. Et toute personne souhaitant avoir une connexion sécurisée utilise un antivirus. Justin Stanford, après avoir lancé une société de sécurité sur Internet qui a fait faillite, a cerné ce besoin et a négocié et acquis les droits exclusifs de distribution d’ESET, un logiciel antivirus slovaque accompagné d’une gamme ESET de produits de sécurité Internet qu’il distribue aujourd’hui dans 20 pays de l’Afrique subsaharienne. Aujourd’hui, Stanford ESET Afrique australe enregistrerait plus de 10 millions de dollars en chiffre d’affaires annuel, tout en contrôlant 5% du marché des antivirus en Afrique australe. Impliqué dans le social, Justin Stanford a aussi cofondé Cape Silicon Initiative, une ONG de réseautage informatique qui aide les personnes ayant des idées en matière de TIC et les entrepreneurs en démarrage à contourner les barrières dans l’industrie informatique.
Vinny Lingham (Afrique du Sud), Yola Inc
Basée à San Francisco, aux Etats-Unis, Yola Inc veut imprimer sa marque dans le web 2.0. La société du jeune Sud-Africain fournit depuis 2007 des services de conception, de publication et d’hébergement de sites web gratuits à plus de trois millions d’utilisateurs à travers le monde. Sa société aurait déjà attiré plus de 30 millions de dollars de financement de capital-risque auprès d’investisseurs institutionnels tels que Columbus Venture Capital, une filiale du groupe Richemont du milliardaire sud-africain Johann Rupert. Cette société multiplie les accords avec les géants du secteur des technologies. Selon le site endevor.org, Yola a signé un accord avec HP pour préinstaller Yola dans tous les ordinateurs de cette marque. Il a aussi signé un accord avec AOL et a été sélectionné par Google comme hébergeur web par défaut pour son initiative « Get your Businness on line ». Yola n’est pas la première initiative de Lingham (33 ans), car il avait fondé avec succès un vaste moteur de recherche de sociétés marketing ayant des bureaux à Londres, au Cap et à Los Angeles.
Churchill Mambe (Cameroun), Njorku
Obtenir 1000 CV « uploadés » par jour. C’est l’ambition que se donne le jeune Camerounais Churchill Mambe à travers son moteur de recherche d’emplois baptisé Njorku (« éléphant » en langue Dikome Balue). Son portail spécialisé a commencé à répertorier les offres d’emplois dans trois pays africains. Aujourd’hui, les jeunes de sept pays (Afrique du Sud, Egypte, Uganda, Kenya, Ghana, Cameroun et Nigeria) ont la possibilité de rechercher des emplois correspondant à leur profil. Dès qu’une offre d’emploi est « uploadée », le site envoie une alerte SMS aux candidats qui se sont enregistrés et ont « uploadé » leur CV. De même, les entreprises y ont un espace dédié pour examiner et télécharger les CV des jeunes qu’ils estiment intéressants. Tout jeune peut y déposer son CV gratuitement. Le jeune Churchill et son équipe ne s’arrêtent pas là. Ils envisagent d’y inclure Njorku for Students, un espace dédié aux élèves et étudiants qui recherchent des emplois, des stages, des bourses de formation.
Le site a déjà franchi la barre des 15 000 visiteurs par jour et plus de 50 000 annonces d’emplois. Et les fondateurs de Njorku (Churchill Mambe Nanje, Bertrand Kima, Segue Gontran et Ebot Blaise) continuent à explorer les nouveaux leviers de croissance tout en gérant leur société Afrovision Group et Kimberts Solutions. La vision du PDG d’Afrovision Group : servir entre 60 et 100 millions d’Africains et d’entreprises à travers le monde dans les dix prochaines années.
Jason Njoku (Nigeria), iRokoTV
Au Nigeria, c’est le Youtube des films de Nolywood. Et même ailleurs. Irokotv.com est le plus important distributeur de films nigérians au monde. Il permet de visionner bon nombre de films du Nigeria et du Ghana. Mais pour avoir accès à tous ses services et surtout accéder en ligne aux nouveaux films nigérians et ghanéens, il faut débourser un abonnement mensuel de 5 dollars. « Avant, la distribution des films nigérians se faisait par DVD. Nous avons donc imaginé un autre moyen pour les producteurs de se faire de l’argent : la distribution en ligne. Nollywood (« N » pour Nigeria) est l’appellation générique pour désigner le cinéma nigérian, qui représente la troisième plus grosse production cinématographique au monde, en quantité, derrière Bollywood (Inde) et Hollywood (USA). On ne peut pas acheter tous les films produits par Nollywood, mais on peut essayer de chercher les meilleurs, et voir si nos clients vont les apprécier », explique-t-il à Africa Top Talents.
Avec une production moyenne de 50 films par semaine, le jeune entrepreneur estime avoir aidé les producteurs de son pays. « Sans aucun doute, Iroko Partners a enfin rendu l’industrie du film nigérian accessible à la diaspora africaine. Mieux que cela, depuis que nous sommes arrivés, et avons commencé à payer pour distribuer les films en ligne, les producteurs sont plus que jamais capables de monétiser leurs contenus, et de recevoir un salaire pour leur travail, plutôt que de voir leurs revenus dilués dans un système de distribution chaotique et souvent illégal », relève-t-il. L’entreprise, qui emploie 81 personnes à Lagos, Londres et New York, compte plus de 500 000 abonnés. Elle a pu lever près de 12 millions de dollars auprès d’investisseurs privés.
Njeri Rionge (Kenya), Wananchi Online
Convaincue qu’Internet représentait une chance pour son pays, Njeri Rionge s’est attelée à investir dans ce domaine pour apporter la connexion aux populations. Ceci après avoir été coiffeuse et vendeuse de vêtements à Londres. « J’ai touché à beaucoup de choses avant de toucher à ce qui s’est transformé en or », avoue-t-elle. L’or étant Internet, où elle s’investit aujourd’hui à travers plusieurs structures. La plus représentative étant Wananchi Online, qu’elle a cofondé avec quelques partenaires. Wananchi Online est aujourd’hui l’un des principaux fournisseurs de services Internet et de téléphonie en ligne en Afrique de l’Est. L’entreprise, qui a démarré en 1999 avec 500 000 dollars, vaut aujourd’hui 173 millions de dollars. A l’époque de son lancement, peu de personnes avaient accès au web. Depuis, la donne a changé. En 2011, l’entreprise a cédé 50% de ses parts au groupe américain Emerging Capital Partners (ECP) pour 26 millions de dollars. Réputée pour la création de plusieurs entreprises web et technologiques, Njeri Rionge dirige aussi le cabinet de conseil Ignite, spécialisé en gestion et en nouvelles technologies.
Beaugas-Orain Djoyum pour le magazine Réseau Télécom n° 65
(Source : Agence Ecofin, 30 novembre 2013)