Hommage au Commissaire Divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite, Sadio Antoine KITANE, premier Directeur de la Direction de l’Automatisation des Fichiers (DAF) du Ministère de l’Intérieur (1976-1987)
vendredi 29 janvier 2021
La nouvelle est tombée dans la journée du jeudi 14 janvier 2021, sèche. Le Commissaire Divisionnaire de police de classe exceptionnelle, à la retraite, Sadio Antoine KITANE, nous a quittés. Sur la pointe des pieds, comme il a vécu, dans l’anonymat. Envers cet homme, avec qui j’ai chemine une dizaine d’années, sur les rudes sentiers de l’Etat, l’informatique en bandoulière, j’ai un devoir de témoignage.
J’ai été nommé à la tête de la DAF, un certain 13 juin 1987, suivant la formule consacrée, en remplacement du Commissaire Divisionnaire de police, Sadio Antoine Kitane. Le secret avait été bien gardé et je m’empressais de t appeler, des la nouvelle officialisée. Au bout du fil, le ton était taquin, comme tu savais l’être derrière ton masque taciturne : « Général, Bienvenu ! » Pourquoi Général ? Ce ne sera pas mon propos du jour. Mais ton invite, « Bienvenu », j’en avais la conviction, était des plus sincères, car nous étions devenus de véritables frères d’armes depuis 1977, toi a la DAF, moi à la Direction du Traitement automatique de l’information (DTAI) du Ministère des Finances. DAF, DTAI, les deux pôles de l’Informatique d’État.
La collaboration était d’abord celle de deux chefs de centres ordinateurs, les plus importants du pays, confrontés aux mêmes servitudes. Et en ces temps de « l’informatique tout papier », la gestion des stocks de fournitures pour l’impression de nos impressionnantes quantités d’états informatiques, était un véritable casse-tête. Nous avions donc, au pied levé, mutualisé nos stocks, au grand dam de nos comptables matières.
Au-delà de la production informatique, nous nous retrouvions dans des rencontres plus officielles, au rythme des réunions du comité national informatique (CNI), pilotées par le mythique Bureau Organisation et Méthodes (BOM). C’était l’époque héroïque, du premier schéma directeur informatique national, avec ses trois composantes,
I) personnes physiques ;
ii) personnes morales ;
iii) sols, superstructures, réseaux.
La DAF qui venait de voir le jour, et dont tu étais le premier Directeur, avait en charge la première composante. Celle qui, à terme, aura le plus d’impact dans la vie institutionnelle et dans la vie de tous les jours, de notre pays, à travers des études normatives et l’informatisation de grands dossiers de l’État.
Ce fut d’abord, l’élaboration du numéro d’identification national (NIN), qui permettait d’identifier toute personne, par un code unique, à partir de son état civil.
Ce fut ensuite, le découpage administratif et la codification des circonscriptions administratives, régions, départements, arrondissements, communes, quartiers, villages.
Ces avancées, permettront l’informatisation de la carte nationale d’identité. Le format de cette dernière, varie depuis, au gré de l’évolution technologique, mais son fondement qu’est le NIN, demeure.
Dans la foulée, l’informatisation de la carte nationale d’identité, permettra celle du fichier électoral.
Enfin, je pense que la réalisation qui émut le plus le Géographe de formation que tu es, fut la monographie (population, infrastructures socio-économiques) des quelques 14 000 villages et quartiers du Sénégal. Ce travail colossal réalisé en étroite collaboration avec la Direction de l’Aménagement du territoire (DAT), le fut au prix d’un investissement intellectuel et physique de tous les instants.
Ces chantiers exigeants, sous ta houlette, et avec le support décisif de l’Administration territoriale, avaient été réalisés par une équipe d’une centaine de membres des forces de police de tous grades, de commissaire a gardien de la paix en passant par officier et sous-officier. Ils en étaient sortis aguerris, et je m’en rendais compte très vite, prêts à relever tous les défis.
Voilà l’héritage que tu me laissais et qui me sera si précieux. J eu l’occasion de t exprimer ma reconnaissance, un jour de 1989, lors de ma première tournée nationale. Ce fut à Louga, ou tu officiels, comme chef du service régional de la sécurité Publique. Devant tes collaborateurs, du commissariat central.
Tu laisses ce même héritage à la nation sénégalaise mais peu, en ont conscience.
Alors que, ton ombre de pionnier, se profile, derrière chaque employé de banque qui relève le NIN sur une carte nationale d’identité pour sécuriser une opération ; derrière le citoyen qui utilise sa carte d’électeur pour voter ; derrière chaque professionnel qui exploite la table des codes du découpage administratif.
Le « Général » te salue et te dit Merci. J’exprime le vœu que, pour les éminents services rendus, le bâtiment de la DAF que tu as vu pousser et qui a été ton lieu de travail pendant 10 ans, porte sur son fronton, le nom de Sadio Antoine Kitane.
Puisse le Tout Puissant, te récompenser et veiller sur ta famille, à l’aune de ton héritage.
Cheikh Oumar Signaté
Second Directeur de la DAF (1987-1999)
Dakar le 15 janvier 2021
(Source : Le Soleil, 29 janvier 2021)