Evolution des réseaux de données : Le Réseau IP par Mouhamet Diop (article publié dans Le Soleil du 31 juillet 1999)
samedi 31 juillet 1999
1. Dimension du Réseau IP : Historique et Enjeux
Avec la mise en œuvre en 1988 du réseau de commutation de données par paquet (Senpac, Réseau X25 ), la Sonatel a su répondre à la
quasi-totalité des besoins des clients, les applicatifs étant essentiellement transactionnels. Cependant, face à l’émergence et au
développement des nouvelles technologies et face aux mutations des environnements applicatifs et réseaux des clients, marqués par le
passage du transactionnel au multimédia, en passant par le modèle client/serveur, la Sonatel a entrepris de faire évoluer son offre réseau et de
l’adapter.
Le choix de cette mutation a porté sur la technologie TCP/IP comme protocole support, de l’ATM comme technologie d’interconnexion des
noeuds du réseaux (commutateurs et routeurs), du Tag Switching et la possibilité de supporter la plupart des environnements et protocoles
propriétaires des clients (SNA, Apple, Novell, Microsoft, X25, Frame Relay, etc.). Dans sa stratégie de positionnement, la Sonatel offrira en tant
qu’Intégrateur, des solutions end-to-end (de bout en bout) avec prise en charge des équipements d’extrémité (routeurs, switchs, Hubs, modems,
ErBdB, etc.). Cette approche permettra à la Sonatel de mieux se rapprocher du client et de satisfaire ses besoins en terme de connectivité, de
performance, de mobilité et de sécurité, tout en préservant les investissements déjà consentis par le client.
2. Internet : La nouvelle donne
Créé depuis le début des années 50 avec la création du projet ARPA(Advanced Research Project Agency), Internet s’est positionné comme
une Révolution dont on peut retracer sommairement l’historitque. En 1965, un système d’exploitation Multics (ancêtre d’UNIX) est né permettant
d’avoir un environnement multitâche, multi-utilisateur. Il faut se rappeler que certains services très connus d’Internet sont partie intégrante
d’UNIX. En Septembre 1969, le premier relais du Réseau Internet est mis installé à UCLA (Université de Californie - Los Angeles). En 1970
commencent les premiers travaux sur l’interconnexion des réseaux dans le cadre du projet DARPA au sein du Département de la Défense
(DoD). Il faudra attendre 1973 pour voir une première formalisation du « langage commun » TCP. La suite TCP/IP (Transmission Control
Protocol/Internet Protocol) a été finalement mise au point entre 1977 et 1979. Les implémentations du systèmes UNIX se diversifient (Berkeley,
AT&T, etc.). A partir de 1980, l’Internet (tel qu’on le connaît) est opérationnel (ARPANET/MILNET) avec une forte implication des Universités. En
1983, l’Architecte du réseau est créé : l’Internet Architecture Board (IAB) est né.
La dernière innovation qui à permis à Internet d’intégrer les entreprises et de se positionner comme nouveau standard a été sans conteste le
World Wide Web (créé en 1989 par Tim Berners-Lee et diffusé en 1992) avec le langage HTML (Hyper Text Markup Language), le protocole
HTTP (Hyper Text Transport Protocol) et le client web browser.Le WWW ou le Web a contribué à l’explosion d’Internet comme un Réseau de
communication mais également comme un réseau de services à valeur ajoutée(RSVA).
Quel est l’informaticien qui n’a pas rêvé un jour de faire travailler ses gros systèmes IBM avec des DPS 7000, des serveurs Novell, des
serveurs NT, des terminaux et des postes de travail ? L’interopérabilité est sans nul doute le point fort de cette nouvelle architecture. Le concept
de système ouvert tant attendu devient une réalité accessible. Toujours soucieuse d’accompagner les innovations technologiques et de
permettre à ses clients de maintenir leur compétitivité et leur croissance dans leur secteurs d’activité respectifs, la Sonatel a procédé à la mise
en place d’un réseau s’appuyant sur les technologies Internet.
La Sonatel a très tôt investi sur le Réseau Internet et s’est positionné avec sa filiale dès 1995 pour être fournisseurs de services Internet. Cette
même logique a poussé la Sonatel à investir dans la mise en place d’un Réseau IP pour supporter les flux applicatifs des clients (entreprises et
résidentiels) et à offrir des services s’appuyant sur les technologies d’Internet. Le développement d’Internet tient en grande partie à deux
aspects :
• La suite TCP/IP comme standard de facto : flexibilité, interopérabilité et richesse des services et protocoles
• Le développement de l’interface WEB alliant convivialité et ergonomie.
3. Présentation du projet
3.1. Description du projet
Le projet couvre l’ensemble du pays et permet aux entreprises de déployer leurs solutions sur la totalité de leurs sites et agences à l’intérieur du
pays. Les besoins de communiquer plus efficacement et plus rapidement au sein des entreprises nécessitent l’utilisation d’un réseau
performant. L’utilisation unanime du protocole TCP/IP et l’arrivée des applications Intranet (WEB, SMTP, commerce électronique...) ont conduit
la SONATEL à mettre en œuvre un réseau IP national haut-débit destiné à ses clients. La modularité des solutions permet un déploiement
rapide pour de nouveaux sites.
3.2. Architecture du Réseau
Les différents besoins cités ci-dessus rendent indispensable une architecturecohérente et homogène. Les points forts de cette architecture
devront être les suivants :
• performance,
• évolutivité,
• facilité d’administration (gestion des composants du réseau et facturation),
• sécurisation du réseau,
• intégration et prise en compte de l’existant (réseau SENPAC, environnement SNA, Bull)
Le Réseau IP est bâti sur une architecture constituée d’équipements CISCO. Les technologies utilisées seront :
• ATM,
• Tag Switching,
• NetFlow switching,
• OSPF comme protocole de routage dynamique,
• Un routage IP simplifié.
4. L’architecture globale
L’architecture globale est bâtie sur un modèle hiérarchique constitué des zones suivantes :
• Backbone ou Core
• Access
• End-User
Core
L’architecture globale est constituée d’une zone CORE haut-débit ATM permettant de véhiculer l’information entre les sites. Les équipements
d’interconnexion de la zone CORE sont des commutateurs ATM CISCO LS1010. L’interconnexion entre les commutateurs ATM est réalisée à
l’aide de liens à 34 Mbit/s (E3) et à 2 Mbit/s (E1). L’interface utilisée est de type NNI (Node to Node Interface). L’évolution du Core n’a aucune
incidence sur le backbone et sur la gestion des adresses IP.
Backbone
Ce backbone est constitué de routeurs qui offrent les services IP. Ils permettent de router les paquets IP sur le réseau de la SONATEL en
passant par la zone CORE pour une communication intersites. Les équipements d’interconnexion utilisés pour le backbone sont les routeurs
CISCO de la gamme 7200. Ils sont directement connectés aux commutateurs LS1010 via un lien haut-débit E3 (34 Mbit/s) ou un lien OC3 (155
Mbit/s) sur le site principal de Médina. L’interface d’interconnexion est de type UNI (User Network Interface).
Access
La zone ACCESS est constituée d’équipements d’accès multiservices (ATM, Lignes louées, RNIS, RTC). Les clients de la SONATEL seront
directement connectés sur ces équipements. Les équipements utilisés pour cette zone sont des routeurs CISCO 720x (pour les connectivités
type ATM, Lignes louées), serveurs d’accès distants AS5300, AS5200 et 3640 (pour les connectivités de type RNIS et RTC) et routeurs CISCO
3640 (pour les connectivités type Lignes louées).
End User
La zone End-User est constituée des réseaux des clients. L’accès pouvant se faire via RTC, RNIS, Ligne louées. C’est à travers cet accès que
la Sonatel peut assurer des services end-to-end customer. C’est là où réside tout l’intérêt du programme Cisco Powered Network (CPN).
5. Services du Réseau IP
La mise en œuvre d’un réseau IP permettra :
- le développement des réseaux Internet, Intranet et Extranet des entreprises (VPNs et VPDNs sécurisés) ;
– le développement d’un réseau IP supportant la quasi-totalité des protocoles et environnements client (hétérogènes, propriétaires) ;
– de faciliter l’intégration des services de communication de données à travers un accès réseau unique coté client et l’interopérabilité des
environnements ;
– de bâtir une architecture ATM au niveau du backbone support des services haut débit et services réseaux (avec une qualité de service
garantie) garantissant une évolutivité de l’architecture,
– la mise en œuvre de politique de Qualité de Service et de gestion du trafic,
– de faire du réseau IP de la Sonatel, une plate-forme pour supporter d’une part aussi bien les applications transactionnelles (Douanes,
Banques, Sénélec, etc.), Client/Serveur que multimédia, d’autre part l’ensemble des protocoles (TCP/IP, X25, Frame Relay, ISDN, PPP, ARA,
IPX (NOVELL), LAT, les protocoles de sécurisation (PAP, CHAP, TACACS, RADIUS, S-Key, Kerberos), etc.).
– de faciliter l’émergence et le développement des téléservices .
Face à la multiplicité des réseaux et des types d’accès, l’utilisateur n’a qu’un souci, interconnecter ses sites distants, intégrer ses flux et faire
évoluer ses applications vers des environnements ergonomiques et évolutifs.
5.1. L’offre Intranet (Réseau Privé Virtuel)
Plus connu sous le nom de IP VPN, les réseaux privés virtuels (Virtual Private Network) sont classés en deux catégories : les VPN commutés et
les VPN dédiés. Les IP VPN sont des réseaux privés utilisant les technologies Internet (Internet Protocol). La mise en œuvre de politique de
sécurité dans le Réseau ainsi que les mécanismes développés pour garantir une sécurité dans les VPN a permis aux entreprises de bâtir leur
stratégie réseau en intégrant Internet. Au Sénégal, certaines entreprises, notamment dans le domaine bancaire ont fait le saut technologique et
adopté le Réseau IP comme Réseau Support. On peut citer la CBAO, la Sonatel. Les VPN peuvent être conçus en mettant l’accent sur la haute
disponibilité et/ou sur la sécurité.
6. Technologies supports du Réseau IP
6.1. IP (Internet Protocol)
C’est un protocole de niveau 2 et 3 (liaison et réseau) qui travaille en mode paquet et qui utilise le principe du « Best Effort ». Plus connue sous
le sigle de IPv4, le protocole actuel utilisé sur Internet utilise un espace d’adressage de 32 bits pour l’adresse de la machine et de 32 bits pour
le masque de réseau dont la notation est déclinée en quatre octets, séparés par des points.
(Ex : Adresse : 206.155.163.195 Masque 255.255.255.240).
Avec le développement d’Internet et la pénurie annoncée sur l’utilisation non optimale des adresses, une nouvelle norme IPv6 a été définie,
permettant de définir des adresses de 128 bits et des masques réseau de 128 bits également. Dans la phase transitoire, IPv4 et IPv6 vont
coexister pendant un certain temps.
6.2. ATM (Asynchronous Transfert Mode)
La technologie ATM s’est positionné comme un réseau fédérateur des réseaux de données.Elle s’appuie sur un concept de cellules de taille
fixe (53 octets) et le protocole supporte en natif les principes de gestion de flux critiques et de Qualité de Service (QoS). Le Réseau IP est un
réseau ATM privé et permet l’utilisation des services ATM grâce au protocole NNI.
6.3. Tag Switching : Intégration IP et ATM
L’intégration des technologies IP sur ATM a toujours été une question brûlante pour les concepteurs et intégrateurs de réseaux. Parmi les
mécanismes d’utilisation des technologies IP sur un réseau ATM, on peut citer le Classical IP over ATM, le LANE (Lan Emulation) et le TAG
Switching (MultiProtocol Label Switching MPLS). Dans le cadre d’un réseau d’opérateur flexible, alliant facilité d’administration et évolutivité, le
Tag Switching se présente comme la solution idoine pour les ISP. C’est la solution retenue dans le cadre du Réseau IP.Le Tag Switching allie
les performances de commutation du Niveau 2 et la flexibilité du Niveau 3.
6.4. OSPF : Routage dynamique
La mise en œuvre d’un protocole de routage dynamique permet au protocole Tag Switching de maintenir une connaissance globale et
dynamique du Réseau IP. Grâce à ce protocole, chaque routeur ou commutateur Tag calcule en permanence le chemin optimal, met à jour sa
table de tag et propage l’information.
7. Internet 2 et la convergence
Soutenu par le secteur privé, Internet 2 est une initiative née aux Etats-Unis et dénommée Abilene, mise en œuvre par une centaine
d’universités américaines, avec près de soixante dix centres de recherche reliés par fibre optique avec des débits avoisinant 2,4 Gbit/s.
Objectif : Atteindre les 10 Gbit/s avec l’OC192. Ces entités sont connectées à travers des Gigapops (Giga Point Of Presence). Les
applications phares du projet sont la visioconférence, le télé-enseignement et les applications Vidéo temps réel ou pour le couplage
d’ordinateurs de grande puissance, qui sont des applications très gourmandes en bande passante. Cette phase sera accompagnée par le
déploiement du protocole IPv6, des techniques Multicast.
Les initiatives Internet 2 se généralisent un peu partout pour résoudre le problème de surcharge du Réseau Internet et de bande passante.
L’épine dorsale du Réseau IP au Sénégal est à 34 Mbit/s et à certains points, on a des débits de 155 Mbit/s (OC3 : Optical Carrier 3). Les
équipes de recherche impliquées dans le développement du Réseau Internet travaillent sur l’intégration de IP dans tous les Réseaux (fixe,
données, mobile) et dans toutes les applications (IP is everywhere). Les applications de Voice Over IP, Fax Over IP ainsi que la convergence
Internet-Mobile sont les forces et les nouveaux axes de croissance d’Internet
8. Le Réseau IP, les Téléservices et le E-Commerce ou commerce électronique
Le Réseau IP sera au Sénégal ce que Internet fut pour les Etats-Unis : un pôle de croissance pour les téléservices et un levier de croissance
pour les entreprises sénégalaises. Les téléservices s’appuient sur les réseaux de télécommunications en général, mais surtout sur les réseaux
de données. L’Afrique est marginalisée dans la croissance d’Internet (0,7%, moins de 1%), et le Sénégal compte tenu de sa vision et de sa
stratégie de renforcement de son économie, a mis en place des structures de réflexion sur « les grappes » dont une sur les Télé-services.
Le Réseau IP, qui n’est rien d’autre que le Réseau Internet au Sénégal, est l’infrastructure la mieux adaptée au développement des activités de
Télé-services. La croissance sera portée essentiellement par les services qui s’appuient sur les Télé-services. Toute politique qui tend à
renforcer les avantages comparatifs du Sénégal dans le domaine des nouvelles technologies, a incontestablement une incidence positive sur la
compétitivité et la croissance des entreprises au Sénégal.
Le commerce électronique est le vecteur de croissance le plus important d’Internet. Son introduction au Sénégal sera facilitée par
l’aboutissement des travaux sur l’interbancarité et le renforcement du système bancaire et l’incitation aux particuliers de l’utilisation des
systèmes de paiement électronique (carte bancaire,...). Le commerce électronique est le socle du développement de l’industrie des services
sur laquelle le Sénégal compte bâtir sa nouvelle stratégie de développement.
9. Programme Cisco Powered Network
En choisissant Cisco comme partenaire, la Sonatel à l’instar de Global One, de Cégétel, de France Télécom, s’est alliée avec le leader de
l’interconnexion, CISCO Systems, à travers son programme de Cisco Powered Network (CPN). Avec ce programme, la Sonatel est le
deuxième opérateur en Afrique après UUNET (Afrique du Sud) à être admis dans le programme CPN. La Sonatel est CPN depuis Septembre
1998. Elle fait partie des TOP 50 ISP worldwide grâce à son nouveau réseau, à la richesse des services supportés et à la compétence de son
personnel. France Telecom, à travers sa filiale France Telecom Transpac vient d’être admise au programme CPN cette année.
10. Le marché d’Internet
Le marché d’Internet au Sénégal est estimé à plus de 8.000. Le marché des serveurs Internet au Sénégal souffre d’une mauvaise évaluation et
d’une absence de structures impliquées dans le recensement. La mise en place d’ISOC Sénégal ainsi que d’associations telles que
l’observatoire OSIRIS devra aider et susciter des initiatives pour combler cette lacune.
11. Conclusion
Tous les acteurs (Gouvernements, entreprises et citoyens ) s’accordent tous à reconnaître le caractère incontournable de ce nouveau univers
que représente Internet et les Nouvelles Technologies dans le nouvel ordre mondial. Donc il convient à chacun d’assumer sa part de
responsabilité dans la prise en charge de cette nouvelle donne, de l’intégrer dans sa stratégie globale afin d’en tirer profit. Notre pays le
Sénégal a toutes les chances de s’accrocher et de rattraper ce qu’il n’a pas pu faire dans le contexte industriel. Il convient à travers des
initiatives nationales publiques et privées d’inciter les acteurs à avoir une vision commune, et une stratégie concertée pour une appropriation de
cette nouvelle technologie et pour une facilitation de son intégration dans l’environnement des entreprises et des particuliers.
Mouhamet Diop, Ingénieur des Télécommunications