Entretien avec Alex Corenthin, enseignant-chercheur à l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar
mardi 28 février 2012
Alex Corenthin, est un enseignant-chercheur à l’Ecole Supérieure Polytechnique de Dakar, Directeur des Systèmes d’Information de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et gestionnaire du domaine sn . Il a participé de manière directe à l’implantation de l’ internet au Sénégal. De plus, il est un membre fondateur et Président du Chapitre Sénégalais d’Internet Society (ISOC Sénégal).
Pouvez-vous nous parler de l’organisme auquel vous êtes membre ?
Le NIC Sénégal (www.nic.sn) est le registre national en charge de l’administration des noms de domaines .sn, placé sous la tutelle de l’UCAD, qui est la 1ère Université publique du Sénégal avec 65.000 étudiants et 1500 enseignants chercheurs.
Selon vous, à quoi est dû le développement de l’internet en Afrique ?
Tout d’abord, la facilité de communication qu’apporte cet outil et si on y extrapole par rapport à l’explosion du cellulaire en Afrique, on se rend compte que les africains sont très communicants.
De plus, grâce au développement des infrastructures de télécommunications, on a pu remarquer un certain engouement de la part des africains pour cette grande facilité de communication.
Par ailleurs, l’avènement de l’accès internet via le mobile (GPRS, 3G) et la baisse des coûts d’accès ont joué un rôle important dans ce développement.
Vous avez dû observer certains comportements des habitants face à la montée de l’Internet, notamment au Sénégal…Quels sont les effets les plus marquants que vous ayez remarqué ?
En Afrique, il y a un problème lié au manque de ressources bibliographiques et le développement de l’internet a permis à la population africaine d’avoir un meilleur accès à ces ressources et aux différents autres services offrets par ce média, notamment ses capacités multimédias (images, sons et vidéos) qui sont particulièrement attractifs.
J’ai aussi pu remarquer une explosion liée à l’utilisation des réseaux sociaux, de par l’interactivité inhérentes à ces concepts et la facilité de communication sur ces réseaux.
Quels problèmes rencontrez-vous concernant l’attribution des noms de domaine ?
D’une part, il ya un manque de communication sur l’existence du registre national, sur son rôle et sur les procédures d’attribution des noms de domaine
D’autre part, il y a une forte concurrence des noms de domaines génériques qui ont des prix relativement accessibles.
Quels sont les critères requis pour l’obtention d’un nom de domaine ?
NIC Sénégal ne traite que les demandes pour la zone ’SN’, il n’est pas habilité à effectuer des opérations dans d’autres zones ou dans les zones organisationnelles comme « .com » et « .edu ».
Des enregistrements sous :
– org.sn : Organisations ou Associations ;
– com.sn : Organisme à caractère commercial ;
– art.sn : Métiers de la culture ;
– edu.sn : Etablissements d’enseignement et de formation professionnelle
– perso.sn : Personnes physiques
peuvent cependant être effectués sous des conditions particulières.
Le nom de domaine demandé doit remplir les critères suivants :
– Il ne doit pas correspondre à un nom de service Internet (web, mail, chat, etc) ;
– Il doit refléter le nom, sigle ou nom d’un produit (matériel ou immatériel) du demandeur ;
– Il doit comporter au moins 3 caractères.
Les noms communs et noms propres ne sont enregistrés que s’ils correspondent au nom, sigle ou produit de l’organisme demandeur ; le cas échéant, un document le prouvant peut être exigé.
Les noms de régions, communes, villes, sites, etc. ne sont enregistrés que lorsque les demandes correspondantes émanent des structures qui gèrent ces entités (ex. : conseils régionaux, mairies, ...).
NIC Sénégal recommande de faire appel aux services d’un registrar (bureau d’enregistrement) pour la procédure de demande d’enregistrement de nom de domaine.
Quelle est la procédure à suivre ?
Réponse : Le formulaire (accessible sur le site www.nic.sn) permet de faire la demande de création d’un domaine dans la zone ’SN’.
Il est demandé de le remplir lisiblement et de renseigner toutes les rubriques. Le prestataire d’hébergement (éventuel) peut aider à remplir les rubriques techniques.
Il doit être déposé au niveau du NIC Sénégal (RDC du département Génie Informatique de l’ESP (Ecole Supérieure Polytechnique) ou envoyé par courrier postal ; il doit être revêtu de la signature du responsable administratif et du cachet de l’organisme demandeur.
Combien coûte un nom de domaine au Sénégal ?
Pour les domaines de 1er niveau : domaine.sn
– Création : 30.000 F
– Renouvellement : 20.000 F
Pour les domaines sous extension descriptive : ex : domaine.com.sn
– Création/renouvellement : 5.000 F
Il y a cependant des conditions particulières pour les domaines .gouv.sn, univ.sn
Comment expliquez-vous les différences de prix concernant ces noms de domaine d’un pays à l’autre sur le continent africain ?
Généralement, ces différences sont liées aux charges d’exploitation du registre : Il y a d’une part des coûts lié au personnel affecté dans ces registres et d’autre part, il y a des frais techniques concernant les coûts des serveurs qui sont mis en place. Plus il y a une expansion importante des noms de domaine et plus les coûts sont réduits. Par ailleurs, certains pays ont des politiques assez restrictives.
Quelles solutions préconisez-vous pour rendre l’attribution des noms de domaine plus accessible ?
La première chose serait une meilleure communication. Il faudrait qu’il y ait un accompagnement de l’Etat et du secteur afin de mieux montrer l’intérêt d’être sous sa propre bannière, c’est-à-dire que les personnes doivent comprendre l’intérêt stratégique d’être sous un nom de domaine national.
Il faudrait aussi mettre en place des systèmes de sponsoring concernant les registres afin d’avoir des prix concurrentiels vis-à-vis des noms de domaine internationaux. De plus, une automatisation des outils permettant l’obtention des noms de domaine serait nécessaire.
A moyen terme, quelles évolutions donneriez-vous au développement de l’Internet en Afrique ?
Les enjeux sont bien cernés par les acteurs. On a pu voir une augmentation des contenus locaux grâce notamment à la publicité sur internet de la part des entreprises. Ces contenus vont ensuite permettre un développement des infrastructures, ce qui va permettre de développer de la valeur ajoutée pour enfin permettre un réel développement économique en Afrique.
Pensez-vous que le nom de domaine « .africa » sera un succès ?}=
Je suis assez dubitatif par rapport à l’intérêt que cela va susciter chez les africains. Il faudrait qu’il y ait une réelle appropriation de ce « .africa ». Il faudrait qu’il soit plus significatif pour cette population par rapport aux autres noms de domaine. De plus, il faut que cela soit représentatif de l’ensemble de l’Afrique dans sa diversité. Cela nécessite beaucoup de préalables.
(Source : StarAfrica, 28 février 2012)