La révolution mobile en Afrique subsaharienne est loin d’être terminée et, en réalité, elle ne fait que débuter. L’association GSMA vient d’annoncer que 49 % de la population subsaharienne sera équipée d’un smartphone d’ici 2020, soit plus de 500 millions d’utilisateurs.
L’Internet en Afrique est différent de l’Internet des pays occidentaux. En quoi ? En Amérique ou en Europe, Internet a été introduit et est utilisé sur un ordinateur ou une tablette – en gros, un appareil avec un écran de 10 pouces à 15 pouces. En Afrique, des centaines de millions de personnes découvrent Internet pour la première fois sur un écran de téléphone portable de 2 pouces, en noir et blanc, le tout sous forme de texte. Ils ne savent même pas qu’ils utilisent l’Internet. Google, par exemple, offre de la recherche et Gmail à travers les SMS, le service de messagerie texte qui est encore la forme la plus populaire de la communication sans fil. Evidemment, le smartphone est en train de bouleverser les choses.
Une région à la plus forte croissance du secteur mobile à l’échelle mondiale
C’est la région à la plus forte croissance du secteur mobile à l’échelle mondiale, et cela ne devrait pas changer de sitôt. Commençons pas une petite leçon de géographie : l’Afrique subsaharienne est une énorme région, au sud du Sahara jusqu’à l’Afrique du Sud, avec 48 pays et 936 millions d’habitants (dont plus de 200 millions d’Africains francophones). Parmi les pays de cette zone géographique, on peut citer l’Afrique du Sud, le Sénégal, le Mali ou encore la Côte d’Ivoire, le Cameroun et Madagascar.
La pénétration du smartphone va augmenter de façon exponentielle au cours des cinq prochaines années, aujourd’hui le taux d’équipement est déjà de 13 %. Ce marché est dynamisé, bien entendu, par l’arrivée des smartphones à faible coût (de Chine) et les investissements massives dans les réseaux télécoms. Avec un manque d’infrastructures, la grande majorité des Africains n’ont pas accès à l’électricité (données de l’ONU). Résultat : davantage de personnes ont un téléphone mobile qu’un accès à l’électricité.
Du m-commerce au m-santé, en passant par le m-banking, le mobile transforme la vie des populations africaines
Bien que le taux de pénétration du smartphone en Afrique subsaharienne puisse paraître faible, le marché du smartphone est déjà important et se développe à un rythme effréné, entraînant avec lui toute les populations africaines.
L’Android Challenge est une des nombreuses initiatives à destination des développeurs en Afrique. Pour plus d’informations, c’est sur le site officiel. |
Un d’un secteur les plus florissants tient le mobile banking et les innovations qui en découlent. En effet, le mobile permet l’inclusion financière de populations jusqu’ici non bancarisées. On peut citer Orange Money (Orange, ex-France Telecom), un service permettant les dépôts et retraits, ainsi que le paiement, à travers son numéro de téléphone. Ce n’est pas le seul groupe à s’intéresser à ce secteur. MTN est une des multinationales africaines en plein essor. Le commerce mobile aide à bâtir le secteur de la distribution du continent en connectant les jeunes, les consommateurs avertis dans les zones éloignées.
L’argent mobile devrait devenir une industrie de 617 milliards de dollars en 2016 (Gartner). Aujourd’hui, 80 % des transactions « mobiles » d’argent dans le monde se produisent en Afrique subsaharienne, tirée par le Kenya, l’épicentre de l’innovation mobile.
L’éducation profite également de la révolution mobile. Les livres numériques ont un impact sur l’amélioration des taux d’alphabétisation et permettent aux jeunes d’améliorer leur niveau de compétences. On peut, par exemple, citer Momath – un outil de l’enseignement des mathématiques qui cible les utilisateurs de la plate-forme de messagerie instantanée Mxit (en Afrique du Sud, Mxit est une des plate-formes de médias sociaux les plus populaires, avec plus de 10 millions d’utilisateurs actifs dans le pays).
Mais aussi l’agriculture et la santé, l’accès à des conseils de santé (par le biais de services tels que la MAMA) contribue à améliorer la santé maternelle et l’accès à des conseils agricoles, les prix de marché en temps réel transforment la vie des petits exploitants agricoles qui représentent encore environ 65 % de la population active du continent. D’ailleurs, Farmerline, startup africaine, développe des solutions de chaîne d’approvisionnement pour les produits des agriculteurs ruraux. Pour la sécurité ou la politique, par exemple, Ushahidi permet de réaliser en temps réel de la cartographie de catastrophes ou d’élections.
Toutefois, tout ne sera pas simple. On peut noter une couverture correcte en 2G, néanmoins la connectivité 3G est largement insuffisante. Les réseaux nécessaires aux fonctionnements des applications ont encore du chemin à parcourir. Le montant à investir par les opérateurs sur les 7 prochains années est colossal : on évoque plus de 67 milliards d’euros d’investissements nécessaires.
Qui a parlé de « continent sans espoir » ?
L’Afrique avait été étiqueté « continent sans espoir » par The Economist dans les années 90. Aujourd’hui, c’est un continent qui montre la voie sur l’adoption des technologies mobiles.
Le projet de Facabook, baptisé Internet.org, vise à élargir l’accès à Internet à 5 milliards de personnes, sur une population mondiale de 7 milliards. Pour cela, il s’agira notamment de réduire le coût des services internet de base sur les téléphones mobiles dans les pays en voie de développement de manière drastique. Facebook a débuté les expérimentations, avec le déploiement de drones. De son côté, Google envisage d’utiliser des ballons dirigeables pour développer le WiFi en Afrique. |
L’Afrique n’adopte pas seulement massivement les technologies mobiles, c’est le seul continent à n’être que mobile. Il s’agit donc d’un continent à défis au potentiel énorme. Réduire la fracture numérique en Afrique est une opportunité qui peut être saisie notamment en aidant ses jeunes à adopter les technologies mobiles, en développant des services innovants et en investissant dans les infrastructures de télécommunications.
Désormais, vous comprenez mieux pourquoi Mark Zuckerberg (Facebook) s’intéresse autant à cette région du monde, il a déclaré plus tôt cette année : « connecter l’Afrique est une priorité ». Des prétentions philanthropiques ou opportunistes ? Sûrement les deux, mais honnêtement, il a raison.
Ulrich Rozier
(Source : FrAndroïd, 28 novembre 2014)