Microsoft s’implante au Sénégal... Usine de construction créatrice d’emplois, magasin agréé de redistribution de produits ou tout simplement campagne d’accès à l’outil informatique envers les foyers Sénégalais ? Rien de tout cela n’est au programme. « Un ordinateur sur chaque bureau et dans chaque foyer », ce n’est pas pour tout de suite, du moins en Afrique. Ce dont il s’agit, serait plutôt de l’ordre de « une amende et une peine de prison pour chaque pirate de logiciel Microsoft ». En effet, ce que Microsoft annonce à grand renfort de déjeuner et autre conférence de presse n’est autre que la saisie du cabinet d’avocats dirigé par Me Cheikh Fall, spécialiste en Propriété Intellectuelle, pour défendre ses intérêts au Sénégal. Objectif, selon l’avocat : la « tolérance zéro ». « Mais il s’agit plus d’informer de ce qu’est la propriété intellectuelle en matière de logiciel que de faire une chasse aux sorcières. Notre but est de faire savoir que le piratage est un délit puni par la loi » ; explique Moussa Touré, responsable chez Microsoft.
Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises (Pme) qui sont visées. En effet, quand on sait qu’en Afrique, plus de huit logiciels sur dix sont piratés, il y a un véritable marché à conquérir. Sur le fond, tout comme les artistes les écrivains ou les peintres, on ne voit pas pourquoi les concepteurs de logiciels ne seraient pas protégés par la loi. C’est ce que stipule la Convention de Berne dont le Sénégal est signataire. On ne comprend pas non plus pourquoi les entreprises, surtout les Pme, n’achètent pas des originaux. Quand on prend conscience des nombreux « risques de l’usage de logiciels illégaux » énumérés dans la plaquette-prospectus distribuée largement par Microsoft, il n’y a pas à hésiter. On soupçonne rarement que certains logiciels pirates contiennent « des virus pouvant détruire votre ordinateur et vos systèmes informatiques ».
Conscientes d’être en infraction, il se peut que les Pme trouvent le prix des logiciels trop élevé. Car même s’il existe des stratégies de prix en fonction du public visé - moins élevés pour les écoles ou les entreprises -, il n’existe pas de rationalisation véritable au niveau international. La grille de prix est la même en Afrique ou aux États-Unis. Quant aux taxes à l’entrée au Sénégal, rien ne semblait clair lors de la conférence de presse de jeudi dernier. Taxes sur le support, sur le logiciel lui-même ou sur les deux à un taux de 44 % ? Après 15 minutes de discussion environ entre un contrôleur des douanes, Microsoft et le Bureau sénégalais pour les droits d’auteurs (Bsda), rien de clair n’est ressorti.
Ces taxes sont pourtant une question déterminante pour ce qui est de l’investissement dans un logiciel original. C’est en outre une affaire de politique. Soit les pouvoirs publics baissent les taxes sur les logiciels, afin d’en faciliter l’accès au plus grand nombre, soit ces taxes sont maintenues et alors il faut arrêter les grands discours sur la « réduction de la fracture numérique ».
Il n’empêche, le Bsda veille au grain. Aux côtés de Microsoft, Mme Diaby Siby, qui en est la directrice générale, peut relancer la problématique de la propriété intellectuelle au Sénégal. « Depuis des années que l’on fait de l’information, il serait peut-être temps de passer aux choses sérieuses. Il faut donner des peines de prison conséquentes et dissuasives, même aux petits revendeurs, afin d’enrayer ce fléau », précise-t-elle.
LEGENDE Devant les coûts des originaux, la grande majorité des ordinateurs fonctionnent à partir de logiciels piratés.
Karine ORSI
(Source : Wal Fadjri 16 février 2004)