Cession partielle ou totale de ses actions : L’Etat veut-il liquider la Sonatel ?
samedi 31 mai 2008
Le retrait de l’Etat dans le capital de la Sonatel semble dépasser le stade de rumeur. Jusque-là, aucun démenti n’a été apporté. Mieux, l’Intersyndicale des travailleurs de la Sonatel parle d’une banque d’affaires qui aurait été sollicitée pour piloter l’opération. En cas de cession totale ou partielle de ses actions, la société de télécommunications en sera fortement secouée.
Avec un chiffre d’affaires de 398 milliards pour une progression de 42 % en 2006, la Sonatel est la première entreprise du Sénégal et la huitième de l’Union économique et monétaire ouest-africain (Uemoa). Aussi, contribue-t-elle à 6 % dans la croissance du Produit intérieur brut (Pib), à 12 % des recettes fiscales de l’Etat et à 12,5 % des recettes budgétaires. Le portefeuille d’actions de l’Etat dans la Sonatel a permis à l’économie sénégalaise de percevoir 28 milliards de dividendes en 2007. Sans compter les 80 milliards que l’entreprise a investis en 2007 et son leadership au marché régional des valeurs immobilières. Autant de résultats positifs qui ont poussé les travailleurs de la Sonatel, en conférence de presse hier, à se demander ‘sur quelle logique se fonde une éventuelle décision de l’Etat du Sénégal de se retirer du capital de la Sonatel’.
Dans son texte liminaire, l’Intersyndicale note que depuis quelque temps, des rumeurs non encore démenties par le ministère des Finances, qui gère le portefeuille de l’Etat, font état du choix du cabinet Rothschild pour la vente des actions de l’Etat. Ce cabinet est la banque d’affaires qui a piloté l’opération avec la Sudatel qui a obtenu sa licence pour un coût d’investissement de 80 milliards de francs Cfa. Selon le coordonnateur de l’Intersyndicale, Mamadou Aidara Ndiaye, si l’Etat s’engage à ‘brader’ la Sonatel pour résorber ses déficits budgétaires, ‘il aura commis sans doute, un crime économique qui priverait à jamais le pays et les générations futures d’un bijou irremplaçable, en plus de la perte irrémédiable de cet instrument de souveraineté’.
C’est peut-être un choix économique, estime le secrétaire général du syndicat des travailleurs des postes et télécommunications (Sntpt), Gabou Guèye, ‘mais il faut en mesurer les conséquences’, note-t-il. ‘Même les grands artisans du libéralisme défendent les intérêts de leur nation’, fait-il remarquer. En effet, l’Intersyndicale rappelle que la majorité des Etats sont toujours présents dans le capital des opérateurs historiques. C’est pourquoi, ‘aucune rationalité ne peut justifier une décision de retrait de l’Etat du Sénégal’.
Evoquant les conséquences probables d’un retrait total ou partiel de l’Etat du capital de la société de télécommunications, l’Intersyndicale dégage deux hypothèses. La cession de la totalité des actions entraînerait une perte de contrôle de l’Etat sur le secteur des télécommunications au Sénégal, en plus des pertes de recettes douanières et de dividendes. Les opportunités sur les externalités de l’entreprise seraient réduites à néant. Le retrait de la Sonatel de la Bourse régionale engendrerait également une fragilisation du marché sous-régional. De même que des milliers d’emplois et de Pme, travaillant en étroite collaboration avec la société de téléphonie, seraient dans une situation de précarité.
Au cas où l’Etat venait à céder une partie de ses actions, la première interrogation des syndicalistes est ‘à qui va-t-on vendre ?’. Mamadou Aidara Ndiaye soutient que ‘si c’est à des spéculateurs financiers qu’on vend, il risque de se poser un conflit d’intérêts’. Et ‘le privé national, à l’état actuel, n’a pas ce poids pour se substituer à l’Etat’. Aujourd’hui, si l’Etat vendait ses actions à France Télécoms, les Français deviendraient ainsi majoritaires du groupe et la Sonatel risque de se substituer en filiale. Déjà que les syndicalistes dénoncent le rapatriement des ressources de la société de télécommunications par la multinationale, le rachat des parts de l’Etat permettrait également à France Télécoms de supporter son processus d’endettement. Car France Télécoms est à 45 milliards d’euros de dettes, informe Gabou Guèye. Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, la multinationale applique une politique de compression de son personnel pour atténuer ses charges.
Khady Bakhoum
(Source : Wal Fadjri, 31 mai 2008)