La chaîne CanalSatellite a beaucoup évolué dans sa stratégie de communication ! A sa naissance le 20 décembre 1991, la chaîne à péage – alors dénommée Canal Horizons Sénégal – se contentait d’attendre les éventuels abonnés en son siège – avenue Hassan II – pour recueillir leurs souscriptions. Mais, les temps ont bien changé, les bouquets concurrents sont apparus et les pirates ruinent commercialement la chaîne.
De nos jours, Canal, perçue, à ses débuts, comme une chaîne pour usagers aisés et habitant les quartiers riches, a bien révisé sa stratégie commerciale et retravaillé son image en baissant les tarifs à l’abonnement et en descendant dans les quartiers populaires – où sévissent les pirates – sur les grandes avenues… pour se mettre à portée et à hauteur de l’abonné éventuel.
De tout temps, il a été reproché à Canal de n’avoir pas eu le même raisonnement cher aux fiscalistes dont une des règles d’or est de « baisser les barèmes pour élargir l’assiette », en d’autred termes, ce serait pour CanalSatellite de baisser les tarifs à l’abonnement et le coût des décodeurs pour accroître le nombre d’abonnés. Mais, en décembre 2011, alors que la chaîne fêtait ses 20 ans, lors d’une conférence de presse en son siège, le directeur général de l’époque, répondit que « nous n’allons jamais avoir les mêmes tarifs que les pirates ». Aujourd’hui, l’une des formules d’abonnement de CanalSatellite est égale au même tarif mensuel que celui pratiqué par « le Bouquet du peuple » d’Excaf Télécom.
Autant de questions abordées par Mediavoce.net avec le directeur général de CanalSatellite Sénégal, Sébastien Punturello.
MediaVoce.net : A ses débuts les services de Canal+ étaient destinés à une certaine classe sociale à revenu élevé, maintenant elle est devenue populaire, elle se déplace vers ses clients pour offrir ses services. Pourquoi ce changement ?
Sébastien Punturello : Il faut appeler que Canal+ est un bouquet numérique de près de 200 chaînes. Et quand on véhicule un bouquet comme Canal+, on ne parle plus uniquement de la chaîne Canal, mais d’un nombre important de chaînes thématiques qu’on est devenu.
Nous étions connus quand notre bouquet se composait que de quelques chaînes seulement, avec un prix qui paraissait un peu élevé. L’abonnement chez Canal+ Horizons Sénégal coûtait environ 20000 à 25000 francs. Ce petit bouquet a grandi, au fil du temps ; on a voulu s’enrichir et en s’enrichissant, on a pu proposer différentes formes d’abonnements à des prix accessible à un plus grand nombre. Et il y a plusieurs facteurs qui nous ont permis cela : d’abord, la baisse importante du prix de nos matériels. On est parti d’une technologie qui coûtait beaucoup d’argent, car étant peu nombreux à nous développer en Afrique, puisque ayant pu bénéficier d’un tarif qui nous a permis de baisser l’acquisition de nos matériels. Aujourd’hui, pour acheter un décodeur numérique, il suffit de 25000 francs ; la parabole est, souvent, gratuite. Et donc, les foyers sont devenus propriétaire de ce matériel. L’installation du décodeur, de la parabole et du câble reviennent uniquement à 25000 francs. Ce qui nous a permis, aujourd’hui, de s’adresser à un nombre plus important de la population.
Ensuite, du point de vue du contenu de notre bouquet, on a aussi constaté qu’au-delà de la proximité de la clientèle et de notre position de leader en Afrique, on pouvait, à travers notre enrichissement, répondre aux attentes de la population en proposant des chaînes d’information, de documentaires, de jeunesse, de musique, de sports etc. et apporter, à travers un petit écran, un certain nombre de choses jusqu’ici inaccessible à notre public.
On s’est également senti l’obligation de combler ce vide, si on donne au public l’occasion de retrouver tout ce qu’il désire dans le bouquet. On s’est alors dit qu’on ne doit pas proposer au potentiel usager, une somme qu’il ne pourra pas débourser. C‘est ainsi qu’on a décidé un changement total de notre approche en descendant sur le terrain, en allant vers nos clients pour rendre possible à un certain nombre d’entre eux, une évolution de prix.
Sur ce, on a commencé à vouloir proposer des services à différents tarifs qui baissent de 25000 à 5000 francs.
En résumé, on fonctionne en fonction de la demande du client prix du matériel, du prix de l’abonnement, une grande diversité de chaînes et une grande souplesse dans la durée de l’abonnement.
Ce changement et cette multiplicité de service que vous offrez sont-elles un atout face à la concurrence ?
Oui, d’une part, cela peut constituer un atout face à la concurrence – lorsqu’elle est loyale. Il se trouve qu’au Sénégal, comme c’est malheureusement le cas dans d’autres géographies, on se heurte à une concurrence du piratage de programmes. Mais si on se rend compte que la plus grande partie de nos chaînes est diffusée sur des réseaux de distribution à 4000 ou 5000 francs, on ne pourra pas acquérir suffisamment d’atouts pour faire face à la concurrence. Car, cela met en péril toute une industrie. Heureusement que nos atouts nous permettent d’avoir un produit de qualité très apprécié par nos abonnés, une étude nous a montré que nos abonnés représentent 70 % de la population – ce qui montre que nos clients sont satisfaits de notre offre.
Comment expliquez-vous cette baisse récente des prix des services de Canal, par exemple les prix de l’abonnement qui tombent de 25000 à 5000 francs ?
Cela peut s’expliquer simplement par le contenu du produit, une décision stratégique de créer des paliers d’abonnement, en proposant des formules à 5000, 10000, 20000 francs etc. Parce qu’on souhaite continuer à développer nos services par une gamme de tarifs sous pleines formes différentes à l’avenir.
En tout cas, on souhaite vraiment dissocier les différentes chaînes pour permettre au public de faire ses choix. Mais également d’augmenter le nombre de nos abonnés afin qu’on puisse avoir 100 % d’abonnés là où on avait 70 %.
Vous venez aussi de mentionner dans vos propos un fait récurent qui handicape la bonne marche des services audiovisuels : la piraterie. Que comptez-vous faire pour lutter contre ce fléau ?
Pour exister, se différencier ou se démarquer, une chaîne de télévision a besoin d’avoir un programme qu’elle produit elle-même et quand elle se trouve face à un piratage très marqué, généralisé et très répandu, de ne pas laisser la place au développement de la production médiatique de proximité locale.
Et pour lutter contre ce fléau du piratage, trois actions ont été mises en place. D’abord, l’action d’information et de pédagogie. Nous pensons avant tout expliquer pour faire comprendre aux consommateurs finals, à l’opérateur de redistribution illégale et à l’autorité, comment une chaîne d’audiovisuel respectée peut permettre au secteur de l’économie de se développer et de produire de la richesse.
Le deuxième point concerne les actions pédagogiques. D’un point de vue technique, il s’agit d’empêcher la diffusion illégale des chaînes. Et pour cela, on a mis en place une technologique qui permet d’identifier le numéro d’une carte qui est à l’origine d’une diffusion illégale et d’être coupé.
La troisième action consiste à sanctionner pénalement et financièrement le vol d’images. Nous collaborons avec les éditeurs de chaînes qui sont floués. C’est là un cadre juridique pour dénoncer cette fraude et espérer de la justice qu’elle arrête la diffusion illégale et mette en place une loi qui assure la poursuite et sanctionne des forfaits.
On tend vers le passage de l’analogie au numérique, quel impact ce passage peut-elle avoir chez CanalSatellite ?
D’abord, ce passage est une bonne chose, car il permettra au secteur de l’économie numérique – s’agissant de la télévision – d’avoir des conditions d’exploitation bien organisées. La diffusion numérique terrestre, comme son nom l’indique, permet de diffuser une image de meilleure qualité et d’ouvrir un espace plus large.
Mais, ce tournant ne pourra être réalisé avec succès que si on assainit le marché audiovisuel en éradiquant totalement le piratage. L’ensemble des acteurs doivent générer des revenus susceptibles de soutenir l’audiovisuel. Au cas contraire, on reviendra à la même difficulté ; on n’aura pas de chaîne candidates à être présentes sur la Tnt numérique. Ou bien des chaînes avec des contenus différents, car le marché ne le leur en permettra pas.
En tant qu’acteur de l’audiovisuel, quelle vue avez-vous des médias sénégalais ?
J’ai fait différentes lectures sur les médias sénégalais. D’abord, je vois le reflet d’une véritable culture qui est mise en valeur. Je peux dire aussi qu’on a, au Sénégal, un paysage audiovisuel très développé et riche, avec près d’une quinzaine de chaînes diffusées contenant des sujets très intéressants. Quand je compare aux autres pays limitrophes comme le Mali, on jugera bon les programmes parce qu’ils sont bien faits et animés par des journalistes talentueux. Mais également, il y a des programmes de qualité qui révèlent l’importance de la proximité avec le public.
Seulement, si j’avais à y rectifier quelque chose, j’aurais diminué le folklore et mis l’accent sur les émissions éducatives, culturelles etc. qui peuvent non seulement apporter un plus au public, mais également peuvent exporter la culture sénégalaise.
Pensez-vous que le paysage médiatique sénégalais réussira le passage de l’analogique au numérique ?
Effectivement, le passage de l’analogie au numérique est un enjeu important qui permettra à la création audiovisuelle de se développer, mais les médias aussi auront une concurrence saine. C‘est vraiment une opportunité pour nous, ce passage au numérique ; nous pourrons diffuser des chaînes de qualité meilleure à destination du public. Don ce passage est positif pour les auteurs médiatiques. Mais en éradiquant totalement le piratage au même moment, sinon cela peut retarder les choses.
Entretien réalisé par Téning Thiaré
(Source : MediaVocé, 14 mars 2015)