Le groupe Belgacom est-il impliqué dans une opération illégale d’envergure au Sénégal ? C’est ce qu’affirme Sonatel, l’opérateur public sénégalais, qui parle de « fraude » et a saisi le régulateur local. Celui-ci a ouvert une enquête.
Sonatel reproche à Tigo, le second opérateur mobile, de contourner la législation en faisant transiter son trafic international par Belgacom et par l’opérateur canadien JVM, via satellite, alors que la législation sénégalaise impose que tout le trafic international transite par l’opérateur public. Ce transit d’interconnexion génère d’importants revenus qui échappent donc à Sonatel, et à travers lui, à l’Etat. Sonatel est détenu à 58 % par l’Etat sénégalais, de grandes institutions publiques et les salariés. Les 42 % restant sont entre les mains de France Télécom.
Belgacom est très actif sur le marché du trafic international. Il a créé avec Swisscom une co-entreprise, Belgacom ICS, qui occupe un très honorable huitième rang mondial dans ce secteur.
Selon le quotidien sénégalais, qui cite des sources proches du régulateur local, l’existence d’une entente entre Tigo, Belgacom et JVM, pour contourner l’interconnexion « officielle » avec Sonatel aurait été bel et bien établie. Des faits qualifiés « d’extrêmement graves et relevant d’une fraude massive » par le quotidien. Le préjudice encouru par Sonatel se chiffrerait en millions d’euros.
Chez Belgacom, on reconnaît l’existence du dossier d’enquête mais on temporise en parlant de tempête dans un verre d’eau. « Belgacom ICS signe et exécute des contrats commerciaux avec des opérateurs dans des dizaines de pays, explique son porte-parole, Haroun Fenaux. Ces opérateurs-clients sont tenus de respecter la réglementation de leur pays, y compris pour la signature de contrats avec des fournisseurs de services de transport de télécommunications internationales tels que nous. » L’entreprise publique estime donc que c’est à Tigo à s’assurer que les contrats qu’il signe sont conformes à la législation sénégalaise sur les télécoms.
Strict respect et bonne foi
« Au Sénégal comme ailleurs, nous ne sommes pas officiellement informés de problèmes réglementaires liés aux contrats commerciaux en cours, poursuit Haroun Fenaux. Tous ceux-ci sont exécutés de bonne foi dans le respect strict de toutes les obligations contractuelles. Mais si nous prenions connaissance de dispositions réglementaires qui rendent certains de ces contrats partiellement ou totalement impossibles à honorer, il faudrait alors prendre les mesures adéquates. »
Ce n’est pas la première fois que des informations concernant les liens entre Tigo et Belgacom sont relayées par la presse sénégalaise. Contacté par Le Soir, en août dernier, Belgacom avait alors indiqué ne pas entretenir de contacts directs avec des opérateurs tels que Tigo sur ce marché, où son interlocuteur de référence était plutôt France Télécom.
Alain Jennote
(Sourc e : Le Soir, 31 octobre 2008)