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Accueil > Articles de presse > Archives 1999-2024 > Année 2016 > Avril 2016 > Au Sénégal, Orange est accusé de « colonialisme »

Au Sénégal, Orange est accusé de « colonialisme »

mercredi 6 avril 2016

Mouvements sociaux

Depuis plusieurs mois, les employés de la Sonatel, groupe sénégalais de télécoms, sont en conflit avec Orange : ils accusent l’opérateur français de vouloir saborder leur entreprise en plombant son développement et en favorisant ses propres intérêts au détriment de celui de l’entreprise locale. L’histoire, déjà très riche, des luttes syndicales au Sénégal retiendra certainement celle lancée en 2016 contre la multinationale française Orange par les employés de la Sonatel, la Société nationale de télécommunications du Sénégal. Ces derniers ont observé une grève de 48 heures en février et menacent d’en lancer une deuxième, plus longue. La cause : un vaste plan de transformation que veut imposer le groupe Orange à la Sonatel, dont il est actionnaire à 42,3 %. Le projet, baptisé ANO (pour « AMEA Network Optimisation »), vise à externaliser une grande partie des activités de l’opérateur sénégalais. Il prévoit notamment la création d’un « centre d’exploitation de réseau » commun à cinq filiales d’Orange (Cameroun, Côte d’Ivoire, Niger, RCA, RDC), mais aussi aux quatre entités du groupe Sonatel (Mali, Sénégal, Guinée, Guinée-Bissau).« L’objectif est de regrouper sur deux sites (Dakar et Abidjan) les compétences et les équipes qui suivent et pilotent le fonctionnement des réseaux de ces entreprises », explique Orange à Mediapart. « Cette opération d’externalisation se fait vers une société, dans le cadre d’une opération de BOT (construction, exploitation, puis transfert) qui permettra à l’activité mutualisée de revenir au bout de 3 ou 6 ans sous le format d’une filiale des filiales d’Orange utilisatrices. » C’est l’équipementier télécoms chinois Huawei qui a été choisi pour construire et gérer pendant les premières années le centre de Dakar.

Selon ses promoteurs, cette stratégie sera bénéfique pour Orange et la Sonatel, notamment pour leur compétitivité. Ce n’est pas l’avis des salariés : ils sont même outrés qu’un tel projet ait pu voir le jour. L’externalisation va forcément entraîner une baisse des activités de la Sonatel et donc des emplois (il y a aujourd’hui 1 890 salariés directs et 40 000 indirects), disent-ils. Elle va aussi aboutir à une « perte irréversible » de l’expertise sénégalaise en matière de télécoms. Et elle pose un grave problème de souveraineté et de sûreté nationale : « Si la Sonatel cède les infrastructures et l’exploitation de son réseau, l’État du Sénégal, actionnaire à 27,7 %, n’aura plus la main sur ses télécommunications, or c’est un secteur éminemment sensible et stratégique ! », souligne Babacar Sarr, un des leaders de l’Intersyndicale de la Sonatel.

Derrière l’objectif de mutualisation affiché par Orange, l’Intersyndicale en voit un autre, plus vicieux : le démantèlement de la Sonatel. « Normalement, une opération d’externalisation consiste pour une entreprise à externaliser certaines de ses activités afin de lui permettre de réduire les coûts et de se recentrer sur son cœur de métier. Là, on est en train de vivre exactement le contraire », dit Babacar Sarr. Les syndicats soupçonnent Orange de vouloir externaliser la chaîne de métier de la Sonatel pour fragiliser cette dernière avant 2017, date de fin de la convention de concession signée entre la Sonatel et l’État. Tout se passe comme si Orange « s’empressait de transformer le réseau de la Sonatel et voulait se rendre incontournable avant la révision de la convention », observe Ibrahima Konté, ancien représentant syndical aujourd’hui retraité.

Orange conteste bien sûr avoir de telles visées. Mais les salariés de la Sonatel ont appris à décrypter sa manière de faire : ils font route commune depuis 1997. À l’époque, l’État sénégalais cherchait un partenaire stratégique pour accompagner le développement de la Sonatel, jeune entreprise publique très performante. Orange (alors France Télécom) a remporté son appel d’offres, devenant actionnaire de la Sonatel à 33,33 %. L’opérateur français a respecté sa mission : la Sonatel a pu acquérir une licence au Mali en 2002, en Guinée et en Guinée-Bissau en 2007. Aujourd’hui, le groupe compte 25 millions de clients et son chiffre d’affaires a explosé : d’environ 80 millions d’euros en 1997, il était en 2015 de 1,3 milliard d’euros. La Sonatel assure 12,5 % du PIB du Sénégal !

Cependant, tout en jouant son rôle d’accompagnement, Orange a manifesté une grande « boulimie financière », souligne-t-on à la Sonatel. Le groupe français a exigé que son partenaire lui verse toutes sortes de rémunérations et taxes. Un « Mémorandum des salariés de la Sonatel » a par exemple relevé en 2013 la « facturation [par Orange] d’interventions d’experts français lors des réunions téléphoniques de coordination de projets, alors que la Sonatel reverse déjà [à Orange] le management fee [frais de gestion annuels fixés à 1 % du chiffre d’affaires de la Sonatel] ». La Sonatel doit également payer un « brand fee », une taxe annuelle représentant 1,6 % de son chiffre d’affaires pour l’utilisation de la marque Orange – qui a remplacé en 2007 la marque sénégalaise Alizé, malgré une très forte opposition du personnel. Or, « c’est celui qui porte et exploite une marque qui doit normalement être payé, pas le contraire ! », s’indigne Babacar Sarr. De nombreux projets sont aussi confiés à des filiales d’Orange et facturés à la Sonatel. « Orange se sucre sur le dos de la Sonatel par tous les moyens, et de plus en plus », résument les syndicats.Les salariés de la Sonatel se sont aussi vite rendu compte qu’Orange cherchait à prendre le contrôle de leur groupe. En 1998, l’entreprise française a réussi à obtenir du président de la République Abdou Diouf que l’État lui cède en catimini 9 % de sa part de capital. Dix ans plus tard, rebelote : Orange a négocié en douce avec le président Abdoulaye Wade pour acquérir 9 % supplémentaires et ainsi devenir actionnaire majoritaire de la Sonatel. Gabou Gueye, responsable syndical de l’époque, se souvient : « Nous nous sommes battus pour éviter ça ! Le projet avait été mené de manière déloyale, sans que la direction générale et le conseil d’administration de la Sonatel n’aient été avisés. » Wade a finalement reculé sous la pression des travailleurs et de l’opinion publique.Depuis, Orange tente de contourner la Sonatel et bloque sa croissance externe, accusent les syndicats : en huit ans, le groupe sénégalais n’a pu obtenir aucun nouveau marché dans la région. « Il devrait aujourd’hui être présent en Mauritanie, au Niger, au Nigeria, etc. Au lieu de cela, il s’est fait doubler au Niger par Orange, devenu un concurrent direct », explique Konté. En 2008, la Sonatel a en effet négocié une licence au Niger, « subtilisée au dernier moment par France Télécom », relève le « Mémorandum » déjà cité. En agissant ainsi, Orange a violé un pacte-compromis passé avec la Sonatel : la société sénégalaise avait accepté le lancement de la marque Orange au Sénégal à condition que ce soit elle qui la porte ensuite dans la sous-région, indique Gabou Gueye, qui précise que l’installation de la Sonatel au Mali et en Guinée avait fait, déjà, l’objet de réticences de la part de l’opérateur français.

Les grandes décisions sont prises par le conseil d’administration, dominé par les FrançaisSelon Orange, « l’acquisition d’une licence directement par Orange au Niger s’est faite en 2007 dans un processus d’acquisition distinct mais coordonné. Entre 2008 et 2015, Orange et Sonatel ont systématiquement suscité et évalué toutes les opportunités qui ont pu se présenter dans les pays voisins du Sénégal. Il a d’ailleurs été annoncé début 2016 la signature d’un accord entre Orange et le groupe indien Bharti, qui devrait permettre, lors de sa prochaine clôture, à Sonatel de prendre une participation et de consolider un nouvel opérateur en Sierra Leone ». Mais une autre version de l’histoire circule au Sénégal : d’abord, le pacte-compromis passé avec la Sonatel parle de « sous-région » et pas seulement des « pays voisins du Sénégal ». Ensuite, le président sénégalais Macky Sall a dû lui-même intervenir auprès de son homologue sierra-léonais et interpeller publiquement Orange en juin 2015 : « Je demande au représentant du partenaire stratégique Orange d’appuyer la direction de la Sonatel dans sa volonté d’élargir ses filiales dans les pays de la sous-région », a-t-il déclaré lors de l’inauguration d’un nouveau siège de la Sonatel. Quant au deal en Sierra Leone proposé par Orange – qui s’est aussi récemment implanté, seul, au Burkina Faso et au Liberia –, il pose problème : la Sonatel n’aura vraisemblablement pas plus de 30 % du capital de l’opérateur sierra-léonais et pas de licence.

Dans ce contexte, le conflit autour du projet ANO est devenu l’occasion pour les employés de la Sonatel de remettre en cause le comportement général d’Orange : ils lui reprochent de traiter leur entreprise comme si elle était une de ses filiales et de tout « téléguider ». « Les travailleurs en ont ras-le-bol, ils ont l’impression d’assister à une recolonisation », affirme Ndèye Founé Niang Diallo, une responsable de l’intersyndicale. Là aussi, le groupe français dément : « Orange assure tout à la fois le rôle de partenaire de Sonatel dans son développement mais aussi son rôle de principal actionnaire. Le choix récent de confier à Sonatel le contrôle d’une acquisition réalisée en Sierra Leone montre bien qu’Orange considère Sonatel comme un vrai partenaire local en capacité d’aider et d’accélérer son développement. » Mais les éléments allant dans le sens contraire sont nombreux, selon les syndicats. Toutes les directions stratégiques de la Sonatel sont « sous la tutelle directe du directeur général adjoint, un expatrié de France Télécom/Orange », notent par exemple les salariés. Même la nomination des directeurs généraux des filiales de la Sonatel est faite par Orange, qui n’en a ni le droit ni la légitimité, ajoutent-ils. Pis, le trafic international des filiales de la Sonatel, qui passait par le Sénégal, a été détourné pour transiter par la France, ce qui représente un manque à gagner pour la Sonatel. Quant à la direction sénégalaise de la Sonatel, elle ne fait pas le poids : les grandes décisions sont prises par le conseil d’administration, dominé par les Français, dont l’ex-ministre des finances et ancien dirigeant de France Télécom Thierry Breton, administrateur depuis fin 2013. À propos de ce dernier, les ingénieurs du service informatique de la Sonatel s’interrogent : « Ils ne comprennent pas : tous les projets de développement informatique sont confiés à Atos ! », l’entreprise dirigée par Breton, rapporte un syndicaliste.« La Sonatel est aujourd’hui détestée par les Sénégalais qui la voient comme une entreprise française, plus du tout adaptée à nos cultures », affirme Ndèye Founé Niang Diallo. Un récent scandale n’a rien arrangé : en janvier, la Sonatel/Orange a refusé de répondre à l’appel d’offres lancé par l’État pour l’attribution d’une licence 4G et a convaincu les deux autres opérateurs du pays de faire de même. L’entreprise conteste le prix (30 milliards de FCFA, 45 millions d’euros) proposé par l’État. Pourtant, elle a acquis une licence similaire contre 100 milliards de FCFA en Côte d’Ivoire. Le boycott de la Sonatel a terni l’image d’Orange et en même temps de la France. « Ici, les gens parlent d’arrogance », dit Ibrahima Konté. En février, la presse sénégalaise a fait état d’une autre affaire potentielle en affirmant, à partir d’un rapport, que Sonatel/Orange sous-déclarait ses bénéfices. Information « dénuée de tout fondement », a réagi la Sonatel. « Ce qui est sûr, c’est que l’État n’a pas les moyens de contrôler les déclarations financières du groupe », commente Babacar Sarr.Aujourd’hui, les agents de la Sonatel attendent que le gouvernement prenne des décisions fortes. Ils réclament une évaluation du partenariat avec Orange : « Ce sont les Sénégalais qui ont fait de la Sonatel la poule aux œufs d’or qu’elle est devenue. Or on ne la reconnaît plus. Autrefois, il y avait trois expatriés français, aujourd’hui on ne les compte plus. Il y a un manque de sincérité de la part d’Orange, les relations se dégradent de jour en jour. On sent qu’on veut nous exploiter, et c’est ce qui fait que l’on se révolte. La frustration est profonde », selon Ndèye Founé Niang Diallo. « Nous sommes prêts à perdre nos emplois pour défendre notre souveraineté et notre patrimoine », prévient de son côté Babacar Sarr. Des réunions se sont déjà tenues avec des représentants du ministère des télécoms et de la présidence, d’autres devraient suivre.

Pendant ce temps, les syndicats, qui disent avoir épuisé tous les recours « en interne », sont sur le terrain, expliquant à leurs concitoyens que leur action « est une lutte patriotique, pour le peuple sénégalais ». Déjà, une importante coalition de la société civile, le Mouvement du 23-Juin (M23), leur a apporté son soutien contre cette « recolonisation ». « Il faut que Hollande sache que nous en avons assez d’être volés », a lancé le 10 mars le coordonnateur du M23, Mouhamadou Mbodj, à l’issue d’une réunion avec les représentants syndicaux de la Sonatel. En off, des officiels sénégalais parlent, eux, d’« impérialisme » à propos d’Orange.

Fanny Pigeaud

(Source : Médiapart, 6 avril 2016)
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