L’application de covoiturage veut notamment stimuler l’entraide via ce modèle de transport en commun. Elle vise à faire économiser des ressources aux passagers et à réduire l’empreinte écologique des déplacements en voitures.
« Bonjour, comment allez-vous ? C’est vous Monsieur Expédit ? Ok, installez-vous sur le siège avant. » Lundi 13 juin à 7h30, Expédit et Joseph se rencontrent sur un lieu de rendez-vous pour effectuer un même trajet, après des échanges virtuels la veille.
Expédit, un travailleur indépendant en partance pour Cotonou, capitale économique du Bénin, va honorer quelques rendez-vous. Joseph lui, est un fonctionnaire d’Etat qui se rend à ses bureaux au ministère des sports, non loin du centre-ville. « […] merci à vous. Je valide la course et vous pourrez encaisser le montant du trajet. Passez une excellente journée » : c’est sur ces mots que Expédit prend congé de son conducteur de circonstance. Les deux covoitureurs viennent de conclure leur toute première expérience de mobilité partagée.
Comment ça fonctionne
C’est ainsi que procède quotidiennement, une cinquantaine de béninois, pour se rendre à leurs lieux de travail ou vaquer à leurs occupations. « J’estime que dans notre contexte, c’est le meilleur moyen pour réduire les bouchons entre Abomey-Calavi [la 2e commune la plus peuplée du Bénin, ndlr] et Cotonou. Cela va éviter les retards et rendre fluide la circulation aux heures de pointe », analyse Joseph.
Au Bénin, RMobility est la deuxième application dédiée au covoiturage après Vroomiste, et la seule fonctionnelle à ce jour. Sa plateforme est gratuitement accessible à tout utilisateur disposant d’un smartphone ou pouvant accéder au site web. Ce dernier crée un compte, publie des trajets ponctuels ou réguliers.
Quant au passager, il crédite son portefeuille, recherche son trajet ou crée une alerte. La plateforme applique une commission de 15 % sur les réservations des passagers. A la fin de chaque trajet, ils le signalent sur la plateforme, permettant ainsi au conducteur d’encaisser par Mobile Money, les frais de participation qu’il a lui-même fixés. Passagers comme conducteurs sont enfin invités à partager leurs avis sur la plateforme.
« Déficience en solutions de mobilités »
Lancée en mai 2021, RMobility a aujourd’hui une communauté de 10 000 covoitureurs au Bénin et au Togo. C’est une plateforme multimodale inclusive qui s’adapte au contexte local, à travers la cohabitation de tous les modes de transports disponibles tels que les deux roues, les taxis interurbains, les autocars et les voitures de particuliers. Elle est développée par Raynald Ballo, consultant en transports et mobilités durables .
Ce béninois de la diaspora française a été positivement marqué par une expérience grâce à la plateforme Blablacar. Nouvellement arrivé en France en hiver, il devait effectuer des démarches administratives, à près de 300 km de sa résidence étudiante. Sans moyens, il effectue l’aller en train. Mais a dû vraiment galérer pour trouver une occasion de covoiturage au retour.
« C’est alors que j’ai découvert que, quels que soient les motifs des utilisateurs, le covoiturage pouvait être absolument utile partout où il y a déficience en solutions de mobilités. Cette expérience m’a littéralement marqué et a motivé le développement de RMobility, une application de mobilité partagée parfaitement adaptée aux usages du numérique et pratiques de mobilité en Afrique », raconte le dirigeant de Raynis, une entreprise spécialisée dans l’édition de solutions numériques en mobilité.
Sécurité et assurance
Le souvenir des faits d’enlèvement d’enfants et de crimes rituels est encore vivace dans les esprits des béninois. Pour assurer la confiance réciproque des covoitureurs, les profils utilisateurs sont vérifiés en amont. Tous les membres fournissent obligatoirement des informations telles que la pièce d’identité et une photo de profil. En plus, les conducteurs doivent joindre leurs permis de conduire et les informations du véhicule.
L’avantage ici, c’est que tous les trajets sont suivis grâce au GPS intégré et les covoitureurs peuvent alerter, en temps réel, la plateforme ou la police en un seul clic. « Ce dispositif est très apprécié des membres de notre communauté car cela leur redonne un meilleur sentiment de sécurité et de confiance », renchérit Raynald Ballo.
Côté assurance, chaque propriétaire de véhicule en dispose une dont la responsabilité civile couvre tous les passagers à bord, à condition qu’ils ne commettent pas de fautes intentionnelles. En ce qui concerne les motocyclistes généralement non assurées, RMobility a entamé des pourparlers avec des maisons d’assurance locales pour négocier une protection tout-risque pour ses passagers.
RMobility Pro, la nouvelle offre
Cependant, l’équipe de RMobility fait face à un challenge de taille : comment déconstruire les pesanteurs socioculturelles qui freinent ce genre d’initiative. « Ces pesanteurs appauvrissent nos marchés, notamment celui des solutions numériques et repoussent les innovations salutaires ainsi que les meilleures opportunités d’investissement dans les pays d’Afrique », regrette Raynald Ballo. Pour y remédier, il mise sur la sensibilisation et l’échange permanent avec les membres de la communauté.
En phase pilote au Bénin et au Togo, l’application compte sur des levées de fonds pour réussir son expansion en Afrique de l’ouest. A Cotonou, elle peut se targuer de 9 000 téléchargements dont 8 000 utilisateurs actifs et environ 13 000 trajets déjà publiés en 2021. En travaillant à élargir ses offres, l’application vient de mettre au point RMobility Pro qui permet de faire du covoiturage uniquement entre collègues de la même entreprise.
Pour Giraud Djossou, responsable commercial dans une entreprise locale et utilisateur attitré de RMobility : « tous mes trajets se sont toujours bien déroulés et je n’ai jamais vécu de mésaventures. C’est pour cela que je continue de l’utiliser. D’ailleurs, la plateforme me permet de faire de nouvelles connaissances qui peuvent être utiles dans le cadre de mon activité. »
Michaël Tchokpodo
(Source : CIO Mag, 24 juin 2022)