Attribution de la 3e licence globale : Les 100 milliards de Sudatel pèsent plus lourd que l’offre technique
samedi 8 septembre 2007
Cent milliards ! C’est ce que Sudatel a proposé en contrepartie de l’attribution de la deuxième licence globale. Devant une telle manne financière, l’Etat, en mal de trésorerie, n’a pas fait dans le suspense. Devant une telle avalanche de milliards, les exigences techniques ont cédé le plancher.
Alors qu’il n’était point attendu au départ et qu’il n’était pas, non plus, donné favori au moment du dépouillement des offres des différentes candidatures, voilà que Sudatel gagne la licence globale de télécommunications. Pour cela, il a fallu à l’opérateur de décaisser 100 milliards de nos francs. Parmi les trois opérateurs qui étaient en lice, Sudatel a été le meilleur disant, Celtel et Bintel ayant respectivement proposé 52 milliards et 75 miliards d’offres financières.
Ayant été floué par le passé, dans l’attribution de la deuxième licence de téléphonie mobile, l’Etat a cette fois-ci, pris les devants en se montrant très regardant sur l’offre financière. D’ailleurs, celle-ci a été le critère de sélection le plus déterminant (60 %), le critère technique n’occupant que 20 %, de même que celui juridique. En plus de faire la meilleure offre financière, Sudatel se propose de verser, dès que le décret d’attribution sera signé, le montant total dans les caisses du Trésor public. L’Etat sénégalais a préféré cette proposition plutôt que celle de Celtel qui était, pourtant, favorite pour gagner la deuxième licence. L’opérateur de télécommunications danois ne faisait, non seulement, pas le poids face à son concurrent, mais elle s’engageait à payer de manière fractionnée le montant qu’il a proposé, soit sur cinq années. Or, ayant fait ses calculs, l’Agence de régulation des télécommunications et des postes, s’est rendu compte qu’en acceptant cette proposition, l’Etat pourrait se retrouver perdant. Car, argue-t-on, dans cinq ans, les 52 milliards proposés par Celtel pourraient se retrouver en deçà avec les dépréciations possibles du dollar. En plus de cet avantage sur ses autres concurrents, Sudatel aurait une assise financière internationale imposante.
Les différents cabinets commis pour y enquêter auprès de banques étrangères l’ont confirmé. « Le travail a été fouillé, on a vraiment pris le temps d’en savoir plus sur l’opérateur », confie une source digne de foi. A cela s’ajoute, le fait que, d’après le directeur général de l’Artp, Sudatel est côtée en bourse sur la place financière à Dubaï et dans d’autres pays arabes. Du côté de l’Artp, l’on soutient par ailleurs, que dans aucun des pays où il officie dans la sous-région, Sudatel n’a fait une offre financière supérieure à 30 milliards. ‘Donc, c’est une aubaine pour l’Etat Sénégalais’, exulte-t-on au niveau de l’Artp. A côté de ce renflouement des caisses de l’Etat, l’agence régulatrice sénégalaise a obtenu du nouvel opérateur l’engagement de proposer un modèle tarifaire abordable et d’améliorer considérablement l’acquisition des terminaux. A en croire donc Sudatel, les consommateurs sénégalais peuvent envisager l’avenir sous de meilleurs auspices. En outre, c’est environ 1 500 emplois que le dernier arrivant dans le domaine des télécommunications compte créer au Sénégal.
Soucieuse de booster le secteur des télécommunications grâce à une technologie de pointe, l’Agence de régulation, soutient-on, a été, également, exigeante par rapport à l’offre technique. C’est ainsi que la technologie de troisième génération proposée par Sudatel a été déterminante dans son choix. Ladite technologie prendra en charge aussi bien les besoins actuels que futurs et contribuera à un rapide déploiement du nouveau réseau. Sudatel entend être opérationnel au Sénégal en janvier 2008. Du côté des responsables de cet opérateur, l’on assure que « Sudatel utilise une technologie de pointe en matière de téléphonie mobile ». Celle-ci dite de troisième génération ‘est plus avancée et elle est surtout prisée, depuis quatre ans, dans les pays développés tels que les Etats-Unis et le Japon’, en plus d’être différente du réseau Gsm.
Si Bintel s’est classé dernier alors que son offre financière (75 milliards) est supérieure à celle de sa devancière immédiate, en l’occurrence Celtel, c’est que, confie-t-on, elle n’a pas une expérience avérée en matière de télécommunications. « Elle est novice en la matière », soutient-on. Selon notre source, le malheureux opérateur faisait plus, jusqu’à une période récente dans d’autres activités telles que les infrastructures routières.
Dans l’attribution de la nouvelle licence, le gouvernement du Sénégal a obtenu de la part du nouvel opérateur que « 15 % des actions soient directement réservées au secteur privé national ». Cette contrepartie dans la transaction est conforme, soutient-on, « aux décisions prises par le président de la République lors de la tenue des assises en juillet 2004 sur la libéralisation du secteur des télécommunications où il invitait les nationaux à entrer dans l’actionnariat du nouvel opérateur ».
A. Kane
(Source : Wal Fadjri, 8 septembre 2007)
Sudatel : Fiche signalétique et faits d’armes
L’heureux gagnant de la nouvelle licence globale est l’héritier de l’opérateur historique soudanais. En 2005, il comptait 774 000 abonnés et détenait 62 % des parts de marché sur le réseau de lignes fixes. Son objectif, soutient-on, est d’être un acteur majeur dans les réseaux de fibre optique au niveau de l’Est et du centre de l’Afrique et de trouver des relais de croissance.
Sudani, la filiale mobile de Sudatel opère avec un réseau troisième génération (3G) avec le standard Cdma et vient d’atteindre le seuil des 2 millions de clients.
Compétent dans la fourniture d’accès à Internet, Sudatel sert, à travers ses différentes filiales, 56 % de la demande dans ce domaine au Soudan. Dans ce pays, tous les opérateurs en Tic dépendent de lui pour la fourniture d’infrastructures.
Après la privatisation de Sudatel en 1994, l’Etat Sodanais a peu à peu cédé ses parts, il n’en détient plus que 21 % aujourd’hui. Et parmi les partenaires de Sudatel qui détiennent une part du capital se trouve Etisalat, l’opérateur historique des Emirats Arabes Unis.
Sudatel représente 60 % du volume des transactions à la bourse de Khartoum. Il est aussi côté à Bahreïn, à Dubaï et Abu Dabi. Avant le Sénégal, Sudatel a obtenu une licence en Mauritanie avec une contrepartie financière de 25 milliards de Fcfa.
Deux poids deux mesures
Hier, face à la presse, les autorités de l’Artp ont reconnu sans ambages avoir donné la priorité, dans l’attribution de la deuxième licence globale, à l’offre financière. C’est dire que l’offre technique est, à leurs yeux, moins importante. Pourtant, lorsqu’il s’était agi de choisir le partenaire stratégique pour le terminal à container, l’Etat avait jeté son dévolu sur Dubaï Ports World au détriment du Groupe Bolloré sous prétexte que l’offre technique de ce dernier ne faisait pas le poids. En cédant le sésame à 100 milliards, il est vrai que l’Etat va bien se sucrer. Mais, que gagneront les consommateurs sénégalais dans cette transaction ? N’avait-on pas opté pour la libéralisation du secteur des télécommunications en vue d’améliorer les produits offerts aux consommateurs ?
Aujourd’hui, avec les désagréments notés régulièrement dans les réseaux, le vœu des Sénégalais est de voir leur quotidien amélioré dans le domaine de la téléphonie. Si Sudatel ne garantit pas cela, cela veut dire que l’on jette, de nouveau, l’argent du contribuable par la fenêtre au profit d’affairistes sans foi ni loi.
A. Kane