Amadou Top : « La convergence du multimédia risque de jouer de mauvais tour au Sénégal s’il ne se prépare pas sérieusement… »
lundi 14 avril 2003
Le Nouvel économiste : Le cadre juridique, concernant le domaine des NTIC est supposé avoir été réglé par l’arrivée de l’ART. Au niveau technique, le Sénégal disposerait d’une des meilleures infrastructures téléphoniques (fibre optique, ADSL). Quels avantages comparatifs cela nous donne-t-il par rapport aux autres pays et quels sont les secteurs qui en profitent le plus ?
Amadou Top : La mise en place des premiers organes de l’agence de régulation des télécommunications (ART) et la désignation du Directeur Général est certainement un pas significatif dans la direction à suivre pour fermer la parenthèse de l’incompréhensible manquement constaté dans la concurrence concernant le secteur des télécommunications au Sénégal. Il reste encore à désigner les membres du Conseil de Régulation et à doter l’Agence des outils techniques lui permettant d’assumer pleinement son rôle consistant pour l’essentiel à administrer l’espace de la concurrence entre les acteurs du secteur des télécommunications. .
Longtemps réclamée, la création de l’ART ne doit pas masquer la question essentielle du statut des télécommunications dans un pays en développement, au regard particulièrement du rôle qu’elles doivent jouer pour accompagner la croissance dans tous les secteurs. Mon avis est qu’il faut examiner avec attention cette question et sortir du cercle restreint dans lequel l’IUT et l’OMC ont voulu situer la question de la libéralisation de ce secteur névralgique. La thèse du partenariat stratégique qui a prévalu dans le processus de privatisation s’est fondée plus sur des préoccupations financières que sur une prise de conscience effective de la place et du rôle des télécommunications dans un pays en développement.
Cependant, s’agissant de la question plus large du cadre juridique d’évolution des TIC au Sénégal, force est de reconnaître qu ’il y’a encore du chemin à faire, notamment pour la réglementation des transactions commerciales électroniques, la question des droits d’auteurs et l’authentification des actes ayant pour support des procédés électroniques. Au regard de ces considérations, il n’est pas justifié de dire que la mise en place de l’ART normalise le cadre juridique des TIC. Elle comble certes une partie des lacunes en dotant le secteur des télécommunications d’un organe de régulation mais laisse grande ouverte la question des services et des usages qui doivent s’appuyer sur des infrastructures facilement accessibles et à bon prix. L’ART est supposée organiser la compétition entre les acteurs en veillant au respect par les exploitants de réseaux et les fournisseurs de services de télécommunications des dispositions législatives et réglementaires relatives aux télécommunications. Le Sénégal est parmi les pays africains les mieux lotis en infrastructure de télécommunications et ceci depuis bientôt une dizaine d’années. Ce qui devrait logiquement nous assurer des avantages comparatifs . Mais force est de constater que tout comme pour les autres facteurs de production que sont l’énergie et l’eau, nous devons faire des efforts supplémentaires en matière de coût des télécommunication pour nous assurer de meilleures positions de compétitivité.
Le Nouvel économiste : France Télécom a eu des pertes records pour l’année 2002, tel qu’il ressort du bilan présenté en mars 2003 par Thierry Breton. Or, France Télécom est l’actionnaire majoritaire de la Sonatel. Quelles incidences la santé financière de son actionnaire a-t-elle sur la Sonatel ainsi que sur le cahier de charges de la Sonatel ?
Amadou Top : Il y’a bien évidemment risque de répercussion des graves difficultés de France Télécom sur les opérateurs qui sont sous son contrôle. Tous les analystes s’accordent pour reconnaître que le Sénégal s’est patiemment doté au cours de ces 10 dernières années d’une infrastructure de télécommunication de qualité, qui a su intégrer les technologies les plus récentes et positionner notre pays comme un HUB important dans le réseau mondial de télécommunication. Cela, nous le devons avant tout à la compétence des cadres et employés de la SONATEL qui ont su prendre les bonnes décisions techniques et les mettre en œuvre quand il le fallait. Il convient de noter toutefois que le mouvement de libéralisation du secteur des télécommunications qui s’est opéré dans un contexte d’euphorie porté par ce qu’on a qualifié de nouvelle économie a laissé croire qu’il existerait un modèle universel de libéralisation dont la recette miracle édictée par l’OMC et certifiée par l’IUT serait la privatisation des opérateurs historiques, sous la houlette d’un ou de plusieurs partenaires stratégiques qui seraient des tuteurs bienveillants censés accompagner la marche vers la société de l’information. Avec l’éclatement de la bulle Internet et la « crise » qui a frappé le secteur des nouvelles technologies, la réalité se découvre beaucoup moins réjouissante et paradoxalement, le rôle de partenaire stratégique est entrain de se transformer en farce de mauvais goût.
France Télécom qui est le partenaire stratégique choisi pour la privatisation de la Sonatel est bien mal en point avec plus de 70 milliards d’euros de dettes, qui hypothèquent sérieusement son avenir. Il me semble évident que Sonatel comme toutes les succursales et sociétés dans lesquelles la voix de France Télécom est prépondérante feront d’une manière ou d’une autre les frais du sauvetage de la maison mère. En règle générale, pour les multinationales qui se sont emparées pour quelques bouchées de pain des sociétés nationales de télécommunication des pays en développement, l’impératif majeur est de rentabiliser la nouvelle acquisition en investissant les niches porteuses, le plus souvent en se détournant du service public. Dans le cas spécifique du Sénégal, ce qui inquiète surtout c’est le ’verrouillage organisé’ à l’approche de la date du 31 décembre 2003, censée être la limite pour le réexamen de la concession. Comme pour assurer une pérennité à la position dominante exercée présentement, le terrain est balisé autour de la Sonatel et de ses filiales. A Sonatel multimédia toutes les conditions sont garanties pour que Sentoo conforte ses positions, tandis que dans l’indifférence générale, les ISP déjà victimes d’abus de position dominante, sont mis les uns après les autres sur la touche. Deux à trois ISP résistent encore dans l’attente de lendemains incertains. Les télécentres qui étaient une des grandes innovations des télécoms au Sénégal sont en voie de démantèlement depuis que France Télécom a pris le contrôle des opérations. Quant au développement d’Internet, malgré les effets d’annonces, les coûts dissuasifs écartent l’immense majorité des sénégalais de la toile. La couverture des zones rurales qui figurait en bonne place dans le cahier des charges, fait depuis trois ans l’objet de dilatoire continu, pendant que les investissements affluent dans la téléphonie mobile devenue la vache laitière.
Bref le cas du Sénégal est l’exemple tout trouvé du découplage qui peut exister entre l’existence d’un réseau de qualité et son accessibilité par les populations et les entreprises pour des usages liés au développement économique et social.
Le Nouvel économiste : Quel est l’avenir du secteur des télécoms et des NTIC après la fin du monopole de droit de la Sonatel, prévu pour 2003 ?
Amadou Top : L’exploitation des réseaux et services de télécommunication est actuellement encadrée par trois régimes qui sont celui du monopole complet concédé à la Sonatel, celui de la concurrence limitée dans le domaine du téléphone mobile et celui de la libre concurrence pour les services à valeur ajoutée.
La référence explicite sur la durée du monopole de la Sonatel on la trouve dans la liste des engagements spécifiques du Sénégal auprès de l’OMC signée en avril 1997 dans le cadre de l’Accord sur les services de télécommunication de base et de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS). Il y est indiqué que s’agissant des services de télécommunication de base, interurbain et internationaux, le monopole exclusif de la Sonatel doit prendre fin le 31 décembre 2003 au plus tôt et le 31 décembre 2006 au plus tard ; Il y est toutefois dit que les autorités examineront après 2003 la possibilité d’ouvrir le secteur à d’autres opérateurs.
Le régime de la libre concurrence pour les services à valeur ajoutée a été volontairement défini avec un flou artistique qui le vide de tout sens. C’est ainsi que le développement de technologies telles que la voix sur IP fait l’objet de controverse, la Sonatel considérant qu ’elle entre dans le champ de son monopole alors qu’il s’agit bien d’une des multiples nouveautés introduites dans le sillage du développement d’internet. La Sonatel elle-même réserve l’essentiel de sa bande passante sur Internet à cette solution de téléphonie peu coûteuse qui aurait permis de facturer les liaisons téléphoniques entre le Sénégal et la France ou les USA par exemple à moins de 50 Frs CFA la minute. Ce faisant elle se fait des bénéfices énormes qui sont brandis annuellement comme signe de vitalité et de rentabilité. Les opérateurs alternatifs nationaux qui désirent offrir des solutions utilisant ces facilités sont écartés sans ménagement et accusés de vouloir écrémer le marché alors que partout dans le monde, là où il y’a eu création de nouveaux services à valeur ajoutée, c’est autour de l’utilisation des fonctionnalités inhérentes au réseau Internet pour le transport de données. De surcroît pour éloigner les entreprises et les usagers de la tentative de contourner le corset mis en place, on assiste à une nette volonté d’empêcher les entreprises et les usagers de recourir aux technologies sans fil, notamment sur les bandes de fréquences libres que sont la 2.4 et la 5.8. Comme vous pouvez l’imaginer la Sonatel peut dans ces conditions respirer une santé financière exceptionnelle, alors que les usagers eux continuent de payer les services aux tarifs élevés, naguère pratiqués pour des solutions essentiellement liées à la commutation de circuit.
Le Nouvel économiste : Le Président Wade annonce une aide américaine imminente en faveur du Sénégal, pour le développement des NTIC. De plus, la lutte pour la « solidarité numérique » est un concept désormais pris à bras le corps par le Gouvernement du Sénégal et ses autorités, dans ses déclarations. Deux questions à l’expert que vous êtes :
– Que pourrait revêtir concrètement cette solidarité numérique et en quoi est-elle bénéfique aux populations ?
– Ensuite, y a-t-il un risque de voir se substituer aux entreprises (locales et étrangères) des organismes de subvention qui fausseraient le jeu du marché ?
Amadou Top : L’idée de créer une fondation mondiale pour la solidarité numérique a été lancée par le Président Wade à l’occasion de la PREPCOM 2 organisée dans le cadre de la préparation du sommet mondial de la société de l’information qui se tiendra en deux étapes à Genève en décembre 2003 et à Tunis en 2005. Il propose d’instaurer à l’échelle de la planète un mécanisme destiné à organiser la solidarité afin de lutter avec efficacité contre le danger de voir la société qui se construit autour des réseaux et des inforoutes, marginaliser un nombre croissant de personnes et de communautés qui ne disposent pas des ressources financières, technologiques, humaines minimales. En somme ce qu’on peut classer dans la catégorie de la demande insolvable pour l’accès à l’univers des technologies de l’information et de la communication. Cette solidarité volontaire impliquerait le secteur privé, la société civile et les Etats, sous la forme d’une contribution prélevée pour tout achat d’ordinateur ou d’équipement de télécommunication dans le monde, et une somme forfaitaire pour tout appel international. Un conseil d’administration regroupant des personnes désignées pour les cinq régions du monde et formé sur la base d’une représentation égale du secteur privé, de la société civile et des Etats définira les objectifs et les modalités de mise en œuvre, en veillant à ne pas altérer les règles de la concurrence dans le secteur des technologies de l’information. Les parrains de l’initiative choisis parmi d’éminentes personnalités à travers le monde assumeront le plaidoyer pour ce projet à l’occasion des grandes rencontres internationales en vue, notamment au sommet du G8 et à la réunion des chefs d’Etats au SMSI. Tel que conçu, ce projet est certainement une initiative majeure qui permettra de donner consistance aux déclarations et recommandations du sommet mondial de la société de l’information qui pourra articuler son plan d’action autour d’un projet concret qui intéresse autant les pays du sud que ceux du Nord, car ne l’oublions pas la fracture numérique concerne les rapports entre le Nord et le sud principalement, mais elle se manifeste également dans chaque pays, au Nord comme au Sud.
S’agissant de l’initiative américaine que vous évoquez et qui s’intitule Digital Freedom Initiative (DFI), elle est lancée par le gouvernement américain dans le but d’assister les petites entreprises dans l’utilisation des TIC pour le développement des affaires et aider aux réformes permettant la mise en place du cadre réglementaire adéquat. Elle n’est pas directement associée à l’initiative lancée par le Président Wade. Elle est considérée comme projet pilote qui doit se dérouler sur une période de 3 ans et impliquer la participation d’une centaine de volontaires du corps de la paix américain qui seront pris en charge et équipés avec une partie des $6.5 millions annoncés.
Le Nouvel économiste : La bataille de l’Internet, c’est aussi celle des contenus. Or il nous semble, de ce point de vue, que les médias traditionnels (radio, télé, presse) ont désormais partie liée avec le numérique, forcément. Ce qui ne semble pas être l’entendement de l’Etat puisque le Sénégal refuse d’ouvrir son média télé à la concurrence, pour raison de « souveraineté », alors même que de par les nouvelles technologies, anciennes et nouvelles (satellite, MMDS, Internet), les télévisions étrangères sont reçues au Sénégal, et pour un coût de plus en plus moindre. Que pensez-vous de cette situation et à quelles évolutions cela peut-il nous mener ?
Amadou Top : La convergence au niveau du multimédia risque de jouer un mauvais tour à tous les pays qui ne se prépareraient pas sérieusement à en gérer les effets multiformes. La fusion qui s’opère entre multimédia, télécommunication et informatique prend un tournant décisif qui dans un avenir très proche va imposer de nouvelles modalités au paysage audiovisuel tout comme à la toile. La numérisation et le transport de l’image, du son et des données sont de moins en moins spécialisés, permettant ainsi à un opérateur de disposer d’une large panoplie de moyens pour livrer ses services informationnels à ses clients. Dans ces conditions il me paraît plus avisé d’anticiper et de concevoir un cadre réglementaire adapté à une ouverture vers une offre de services élargie. Regardez ce qui se passe aujourd’hui avec les bouquets satellitaires qui sont accessibles avec des moyens rudimentaires. Tenter de les contenir serait un pari irréalisable.
Un opérateur de télévision peut aussi bien utiliser les satellites, les réseaux filaires que les ondes électromagnétiques. Avec les bandes passantes importantes qui caractérisent les nouveaux réseaux (pensez à l’ADSL que notre pays expérimente actuellement), il va être possible de transmettre simultanément plusieurs services sur un seul support et cibler des communautés de plus en plus variées. Mon avis serait plutôt d’encourager les opérateurs à exploiter toutes les possibilités actuelles des systèmes de transport de l’information pour combler le déficit de connectivité et offrir des services à bas prix. Je pense que la bataille du MMDS qui s’est déclenchée récemment au Sénégal a occulté les énormes capacités qu’offre cette méthode d’émission pour les accès internet. Par ailleurs, personne ne peut dire ce que sera l’environnement de la télévision ou de la vidéo à la demande quand sera opérationnelle dans un proche avenir la solution POWERLINE permettant l’utilisation des réseaux électriques pour le transfert de données à haut débit. Mon sentiment est que une, deux ou plusieurs chaînes de télévisions ou de radio peuvent parfaitement coexister pour autant que l’offre apporte quelque chose d’intéressant aux citoyens.
Le Nouvel économiste : Le nouveau Gouvernement et ceux qui le dirigent semblent tous être des férus de NTIC. Cependant, dans un récent éditorial, vous regrettiez ’’l’absence totale de ce qui se fait en matière de nouvelles technologies dans le discours de politique générale du Premier Ministre’’. Qu’attendiez-vous de lui et de son Gouvernement, concrètement, et que vous n’avez pas entendu, en tant que professionnel du secteur ?
Amadou Top : Pourtant le Premier Ministre lui-même est un féru de TIC. Durant la course aux trésors de l’époque aujourd’hui révolue de la net-économie, il a administré la preuve de son savoir-faire en réservant le nom de domaine Sonatel.com , revendu à la Sonatel, par la suite. Plus sérieusement, j’ai évoqué l’absence de référence aux TIC dans le discours du Premier Ministre surtout pour m’inquiéter de l’oubli concernant ce liant sans lequel aucune politique gouvernementale n’a de chance de succès. Il est impossible de concevoir une politique de développement qui aujourd’hui ne s’appuie pas de façon intelligente sur les capacités offertes par les TIC dans le cadre de la gouvernance et de la gestion économique. D’ailleurs, pour les pays en développement, cette question doit faire l’objet d’une attention encore plus soutenue compte tenu des handicaps de toute sortes que nous traînons. L’éducation et la santé sont deux secteurs prioritaires dont le développement doit impérativement prendre appui sur l’utilisation intensive des technologies de l’information dans la perspective de développer le télé-enseignement et la télé-médecine afin de compenser les déficits en enseignants et médecins, en écoles et hôpitaux ainsi qu ’en spécialistes de toutes sortes. Pour ces raisons, nous devons poser la question de l’appropriation des TIC dans une perspective différente de celle des pays développés.
En vérité, les nouveaux réseaux d’information offrent des perspectives particulièrement prometteuses pour la modernisation de l’État, soit pour l’amélioration des relations avec les citoyens et les entreprises ou pour accroître l’efficacité de son fonctionnement interne, en mettant à disposition sous une forme numérique et donc à moindre coût, des informations utiles. Ils assurent par ailleurs la possibilité d’effectuer grâce aux téléprocédures des démarches administratives en ligne, permettant de s’affranchir des contraintes d’horaires des services publics ou d’éloignement géographique. Il faut cependant reconnaître que de nombreux projets sont en phase de finalisation dans l’administration sénégalaise, notamment : le Réseau Administratif de Communication Voix et Données, le projet URID « Unités Régionales d’Information pour le Développement », l’intranet du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan…..
Le Nouvel économiste : Si les professionnels du commerce électronique se sont, dans un premier temps, concentrés principalement sur le commerce aux particuliers (B2C), la tendance actuelle semble de favoriser les marchés électroniques entre professionnels (B2B) par la mise en place de sites Internet ad hoc. Du coup, ne sommes nous pas fondés à penser que le Sénégal et les pays africains vont à nouveau perdre du terrain sur ce domaine où les multinationales sont reines ?
Amadou Top : Nous avons déjà perdu beaucoup de temps, car comme vous le savez, malgré les questions de sécurité liées au commerce électronique la tendance lourde de l’économie mondiale est au développement et à l’exploitation des moyens de paiement électroniques à travers la généralisation des cartes prépayées et des porte-monnaie électroniques. L’amélioration des systèmes de cryptographie, le développement des technologies de carte à puce et des protocoles de paiement sécurisés dessinent de nouvelles frontières technologiques qui organisent la différenciation entre les acteurs économiques non pas entre grands et petits, mais de plus en plus entre agiles et moins agiles, entre les entreprises innovantes et celles conservatrices. Un marché mondial se développe autour des transactions électroniques et il faudra se préparer à y être présent, car c’est lui qui structurera tout le reste dans un avenir pas lointain. Dans une directive portant sur les mesures de promotion de la bancarisation, l’ UEMOA et la BECAO viennent de prendre la décision d’étendre le champ d’utilisation des moyens de paiement scripturaux aux supports électroniques, ouvrant ainsi la voie au développement des moyens de paiement électroniques qui se prépare à travers l’important projet de système monétique interbancaire qui doit être opérationnel à la fin de l’année 2003 au sein de la communauté bancaire et financière de notre région. L’échange entre entreprises (B2B) ouvrira certainement de nouvelles perspectives aux sociétés qui sauront développer la vision et les aptitudes techniques pour utiliser avec efficacité la grande panoplie de services disponibles en matière de dématérialisation des transactions surtout commerciales.
Le Nouvel économiste : La législation sur les NTIC est en constante évolution. Qu’est-il prévu au regard du droit de la concurrence ? Quels sont les capacités de réactions de l’économie « traditionnelle » devant des compagnies qui accèdent à « leurs » marchés et « leurs » clients, sans pour autant y être physiquement ni investir ?
Amadou Top : C’est là une des particularités de la mondialisation des échanges et de la globalisation des marchés qui ouvre les frontières principalement des pays faibles à des acteurs de toutes sortes dont la présence physique n’est pas obligatoire, et surtout qui se préoccupent peu de respecter les lois et règlements nationaux. La seule parade viable aujourd’hui est de créer des capacités internes d’intervention sur son propre marché pour y offrir les services utilisant les technologies les plus aptes à faire face à la concurrence extérieure. Dans ce cadre il est certain que la question des conditions d’accès aux ressources de télécommunication devient vitale et ne peut continuer de souffrir les décisions d’une société qui se réfugie derrière un monopole pour édicter les règles du jeu.
Le Nouvel économiste : Qu’est-ce que le réseau Osiris dont vous êtes une figure de proue ? Et quelle pertinence y a-t-il à maintenir un organisme comme Osiris en vie, alors même que les NTIC sont totalement vulgarisées au Sénégal, et utilisées au quotidien par les entreprises et les particulières ?
Amadou Top : OSIRIS, l’Observatoire sur les Systèmes d’Information, les Réseaux et les Inforoutes au Sénégal, est une association à but non lucratif créé en mars 1998 par un groupe de personnes, provenant du secteur privé, de l’Université, de l’administration, du secteur associatif qui se propose de produire des analyses, d’informer et de sensibiliser sur tous les sujets qui sont en relation avec l’utilisation et l’appropriation des technologies de l’information et de la communication au Sénégal. Nous produisons mensuellement un bulletin d’analyse électronique gratuit dénommé BATIK auquel il est possible de s’abonner depuis notre site (http://www.osiris.sn/). Fonctionnant sous le régime du bénévolat, nous ne disposons pas de structure impliquant des charges importantes. Cette souplesse nous confère une liberté qui nous assure l’indépendance de pensée requise dans le cas d’une telle activité de vigie. Nous avons travaillé à la vulgarisation des TIC et organisé en 2002 la caravane du multimédia qui a sillonné les diverses régions de notre pays et de Mauritanie pour expérimenter des services qui pourraient être des réponses à des besoins concrets des populations. En attendant de prendre d’autres initiatives, nous poursuivons nos activités de recherche et d’analyse pour essayer de comprendre l’impact de toutes ces technologie sur l’évolution de notre société.
Le Nouvel économiste Vos sites Web préférés ? Et pourquoi ?
Amadou Top : Avec le développement des moteurs de recherche de plus en plus performants, j’ai d’avantage tendance à me faire porter vers des sites répondant à des besoins d’information précis. A l’étranger je me connecte régulièrement sur les sites de la presse sénégalaise pour m’informer de l’actualité.
Propos recueillis par Ousseynou Nar Guèye
(Source : Le Nouvel économiste N° 4, lundi 14 avril 2003)