Les perspectives sont aussi positives que celles du simple mobile, mais pour de nombreux experts, la croissance ne sera au rendez-vous que si d’autres facteurs entrent positivement en jeu, ce qui n’est pas gagné d’avance.
Au mois de mars 2013 un rapport produit en France par le cabinet de conseil Arthur D. Little et le courtier Exane BNP Paribas fait ressortir qu’investir dans la 4G (réseau des prochaines générations) sera difficile à rentabiliser pour les opérateurs de télécommunications en Europe. Le document fait ressortir que le chiffre d’affaires des opérateurs va continuer de reculer dans les services mobiles, malgré une accélération des usages dans l’internet mobile. Le rapport, qui s’appuie sur de nombreuses rencontres effectuées avec les opérateurs du secteur en Europe, relève qu’un recul de 1,8% par an supplémentaire jusqu’en 2016, dont -1,8% dans le mobile, est à attendre sur le revenu des opérateurs. Une telle perspective amène à s’interroger sur l’issue des projets 4G qui sont aujourd’hui lancés ou en voie de l’être en Afrique.
Services à valeur ajoutée
Le continent a animé les dernières décennies en explosant les statistiques de pénétration du mobile. Selon un récent rapport de GSMA, l’association des opérateurs de mobile, le nombre d’utilisateurs de portables en Afrique a atteint les 700 millions en 2012. La croissance a été au rendez-vous pour de nombreux acteurs, notamment les gouvernements et les opérateurs. Au-delà de ce tableau élogieux, les télécommunications en Afrique doivent encore faire face à de nombreux défis. L’un d’eux est celui de l’accès à l’internet à large bande, avec la nécessaire introduction des nouvelles générations de réseaux (4G/LTE). La question aujourd’hui est de savoir si l’Afrique sera une fois encore le théâtre d’une nouvelle croissance tirée par la 4G.
La question reste délicate et sur le sujet les avis divergent entre prudence et réalisme. L’Afrique présente à ce niveau un faible taux de pénétration avec, selon un rapport de l’Union internationale des télécommunications, un ratio de seulement 5% de pénétration. L’Afrique, de ce point de vue, fera-t-elle mieux que les prédictions européennes ? Certaines analyses semblent répondre positivement à cette question. Globalement, ces perspectives positives s’appuient sur le fait que la consommation des télécommunications en Afrique évolue elle aussi progressivement. Le téléphone ne sert plus seulement à appeler, mais aussi à mener un certain nombre d’opérations. A travers le continent, les opérateurs multiplient de nombreux services à valeur ajoutée et qui, avec le temps, devront être de plus en plus facilités. On peut citer la gestion d’un compte bancaire virtuel, la gestion des factures et de certains services, qui nécessiteront des interfaces plus interactives et donc une connectivité plus grande.
Des consommateurs jeunes
Le cabinet ATKearney, pour le compte de GSMA, a produit un rapport d’où il ressort que le processus est difficile à arrêter. Il prend pour base que l’accès au smartphone se vulgarise de plus en plus avec des terminaux de moins en moins chers, ainsi que le besoin remarqué partout en Afrique d’améliorer les réseaux avec la construction des réseaux de fibre optique. Un autre facteur, qui n’apparaît pas clairement dans des rapports, est le fort taux de consommateurs jeunes qui, à mesure qu’ils rentrent dans le monde de l’emploi, ont des besoins différents des premiers utilisateurs de mobile, et veulent désormais télécharger plus que la voix et les simples textes avec leurs téléphones. ATKearney estime ainsi qu’on risque de voir le nombre d’utilisateurs de mobile à large bande passante progresser et atteindre les 232,9 millions de personnes.
Un nouveau moteur
Comme en Europe la grande question du ratio investissement bénéfice se pose. Le succès commercial suffira-t-il à garantir en Afrique le succès économique ? Sur la question les avis sont largement partagés et pour beaucoup la simple introduction de la 4G ne suffira pas aux opérateurs pour renouer avec une croissance qui se tasse progressivement. Le premier challenge sera celui de trouver un nouveau moteur pour faire de la 4G un relais de croissance. Jusqu’ici, les opérateurs ont agi sur les grilles tarifaires pour atteindre le maximum de clients. Moins cher on est, plus on a de clients. Une telle perspective avec la 4G s’avère difficile et est d’ailleurs au centre de l’interrogation en Europe.
Dans une de ses analyses, Frost & Sullivan faisait remarquer que le coût de la technologie 4G reste encore très élevé pour le consommateur moyen en Afrique, et les retours sur investissement risquent d’être très lents. D’un autre côté, les gains de croissance ne bénéficiant pas seulement aux opérateurs de mobile, les autres acteurs du domaine de la 4G que sont le gouvernement et les fournisseurs de contenus doivent se montrer plus perspicaces et plus intelligents, ont indiqué pour leurs parts des experts du cabinet Booz and Co dans un autre rapport sur les perspectives de croissance des télécoms en Afrique.
Les gouvernements devront ainsi revoir les politiques d’attribution et de gestion des bandes passantes et, en back office, les fournisseurs de contenus devront déborder d’imagination pour maintenir l’intérêt des utilisateurs. Une jeune entreprise au Cameroun, Madia Group, a pris les devants et prépare déjà le modèle de jeu interactif africain, qui devra permettre d’instaurer une nouvelle façon d’utiliser les portables. « Le véritable problème c’est qu’on attend toujours, or nous pensons que nous devons prendre les devants. Lorsque la 4G et déjà la 3G seront effectives dans notre pays, notre produit sera déjà prêt et nous espérons que les gens comprendront tout l’intérêt du travail que nous faisons », explique Olivier Madiba, son jeune DG.
Idriss Linge pour Réseau Télécom n° 62
(Source : Agence Ecofin, 29 juin 2013)