Dans les 40 prochaines années, le monde connaîtra autant de bouleversements qu’il en a connu au cours des 4 000 années passées. Il est en train de vivre un tournant et l’expert en Tic, Mamadou Thiam, s’inquiète de l’absence de positionnement des pays africains. Il attire notamment l’attention sur cette nouvelle tendance qu’il appelle cyber-esclavage. Il intervenait mercredi aux « Matinées du numérique », organisées par l’Organisation des professionnels des Tic (Optic), en collaboration avec le Réseau des journalistes en Tic (Rejotic), sur la problématique de la cyber-sécurité.
Vous avez introduit le thème de cette matinée du numérique. Est-ce que la situation est aussi inquiétante que vous la présentez ?
Je ne sais pas si la situation est inquiétante, mais ce qu’on a essayé de faire avec cette présentation, c’est de présenter le monde comme il est maintenant. On parle de la quatrième révolution depuis celle du pétrole. La révolution du numérique va engranger d’énormes opportunités, mais son corollaire aussi qui est la cybercriminalité. Quand nos pays parlent d’émergence, il est important de rappeler que depuis 2011, toute l’économie du monde, en tout cas les sociétés qui caracolent au sommet de l’économie mondiale en termes de capitalisation, les sociétés de la Silicon Valley qu’on appelle Gafa (Google, Amazone, Facebook et Apple) sont en tête. Actuellement, Google est la société la plus capitalisée au monde avec plus de 544 milliards de dollars suivie d’Apple et de Microsoft. Pour dire qu’aujourd’hui, les pays qui se positionnent, les pays émergents, ont compris depuis bientôt 20 ans que l’avenir de l’économie mondiale se tourne vers le numérique et qu’à l’heure actuelle, les sociétés qui ont la plus belle santé financière sont celles qui ont pu exploiter la révolution numérique.
Est-ce que ces enjeux sont pris en charge dans la stratégie Sénégal numérique 2025 ?
Dans la stratégie Sénégal numérique 2025, il y a une composante sur la cyber-sécurité. Mais lorsqu’on attire l’attention, c’est en termes de positionnement. Quand on parle des aspects factuels, des menaces comme le « Wanna cry », les attaques que l’on peut noter et qui sont assez fréquentes dans nos pays sous développés, il est important de mener la réflexion à un niveau beaucoup plus stratégique. Ce qu’il faut noter pour nos pays, pas forcément les pays émergents, mais aussi l’Europe, c’est que les dirigeants ont pris du temps pour prendre conscience de ce phénomène. Et aujourd’hui, l’heure est grave parce que c’est notre mode de vie actuelle qui est remis en question. C’est l’humain dans son fonctionnement actuel qui est remis en question. Le risque est plus élevé que pour la cyber-sécurité. Cette réflexion n’est pas encore menée, n’est pas prise en compte par les dirigeants et aussi surtout par les intellectuels qui sont les garants de la démocratie, de l’Etat de droit et qui jouent le rôle de contre-pouvoir, mais aussi la presse. C’est un dispositif qui tend à museler les intellectuels et on s’émerveille tous sur l’aspect utilitaire de ces technologies, mais qui viennent tous avec des vices, de profondes mutations sociétales, des changements sur l’individu. La liberté de l’individu est de plus en plus sapée. Il y a une soumission de l’individu à ces firmes et à la limite le terme le plus approprié, c’est qu’on tend tout doucement vers le cyber-esclavage. Avant, les bateaux venaient et contraignaient les gens à aller de force pour être en esclavage. Mais l’esclavage moderne, ce sont les personnes qui se livrent à ces firmes-là. On est dépossédé de notre culture, de nos humeurs. Et aujourd’hui, ces firmes en connaissent plus sur nous et sont capables de dresser des profils psychologiques sur chacun de nous et ce sont ces informations personnelles, privées qui sont monétisées et qui sont transformées en revenus.
Dans un pays comme le Sénégal, l’urgence c’est quoi ?
L’urgence, c’est de susciter le débat auprès des pouvoirs publics et des décideurs. De susciter le débat auprès de la société civile et de la presse qui doit aussi prendre conscience de ces enjeux, les exposer pour définir nos propres priorités et orientations. A la limite, c’est un problème global et sociétal qu’il nous faut aborder de ce point de vue. Il faut noter aussi dans une démarche purement opérationnelle et pratique de la cyber-sécurité l’ensemble des initiatives, notamment la mise en place du Conseil national pour le numérique, l’élaboration de la stratégie Sénégal numérique 2025, la mise en place de brigade contre la cybercriminalité. Il y a des actions factuelles qui ont été menées et qui incitent les Sénégalais à mener des réflexions sur le moyen et le long terme. Les trois prochains siècles vont être bouleversés par ce positionnement. Et il faut que nous, Africains, arrêtions de penser à court terme. Et qu’on se projette très loin.
Propos recueillis par Mame Woury Thioubou
(Source : Le Quotidien, 12 juin 2017)
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