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Vol de portables : des histoires authentiques

Le portable est tellement entré dans le quotidien des Sénégalais que certains d’entre eux se demandent comment ils ont pu vivre jusqu’ici ‘’sans ce machin’’ qui a changé bien des choses chez eux. Même les voleurs se sont reconvertis, jetant désormais leur dévolu sur le cellulaire, au détriment des antennes TV5 qui avaient elles-mêmes ‘’chassé’’, les vidéo et télés couleurs, vedettes des rapines au début des années 80.

Le portable, c’est par excellence un instrument de communication. Et, justement, en ce sens, il établit parfois la communication entre victimes et voleurs. A l’occasion, il révèle également la diversité de personnalités chez ces derniers : des aigris, des brutes, mais aussi des gentils, des galants, des philosophes... Authentiques, les histoires qui suivent témoignent de cette réalité :

 En marge d’une conférence internationale sur le Sida à Dakar, un grand Monsieur se fait piquer son cellulaire. Dés qu’il s’en rend compte, il compose son propre numéro. Le ton ferme qui l’accueille ne lui laisse aucun doute. ‘’Oui, qu’est-ce que vous voulez ? Vous êtes de grands voleurs d’argent, vous volez le peuple, alors, à votre tour, on vous vole’’. ‘’Oh, dit le Grand Monsieur, en fait, je voulais juste, s’il vous plait, vous demander de me donner deux numéros que j’ai dans la mémoire du portable et qui sont très importants’’. ‘’Deux numéros, ce sont sans doute ceux des bailleurs de fonds que vous arnaquez. Mais, prenez l’avion, allez rejoindre vos partenaires toubabs, vous en avez les moyens !’’, rétorque le voleur avant de lui raccrocher au nez.

 Se rendant compte qu’il n’a plus son portable, ce Monsieur, Directeur de son état se précipite pour appeler. ‘’Allo ! répondit une voix’’. Plein d’espoir, le Directeur affirme avec douceur : " oh, j’ai oublié mon portable en quittant tout à l’heure... —" Non, non, vous ne l’avez pas oublié, je l’ai volé ! Ne me faites pas perdre de temps, j’ai volé votre portable".

 Cette enseignante a enfin obtenu son portable, moyennant une petite " contribution " et grâce à un de ses cousins, connu pour ne pas être très propre. En lui faisant les démonstrations d’usage, son cousin de voleur lui fait découvrir le numéro du portable volé. Après avoir éteint l’appareil, il compose le numéro sur un autre téléphone, histoire de continuer la démonstration. Quelle ne fut la surprise de l’enseignante d’entendre, sur la boîte vocale, le timbre de...son Secrétaire général (un célèbre enseignant doublé d’un syndicaliste) l’invitant à laisser un message.

"Ah non, s’écrie la cousine, je ne peux pas faire ça à mon secrétaire général. Je vais te donner un numéro, tu vas l’appeler et lui dire que tu as ramassé son portable, tu lui donnes rendez-vous quelque part et tu le lui remets. Surtout, +bu ma ci feen + (qu’il ne sache pas que je suis mêlée à cette histoire)’’. Ainsi, le grand syndicaliste enseignant récupéra son portable, sans savoir qu’une de ses fidèles militantes venait de lui rendre service.

 Ayant "oublié" son précieux portable dans un taxi, ce monsieur appelle son propre numéro. Le taximan lui confirme qu’il avait l’appareil, tout en ajoutant : "et maintenant, après ? " Je voudrais que vous me le rendiez, s’il vous plaît, c’est un outil précieux pour moi. " J’ai besoin de réfléchir, rappelez plus tard, on verra ". Quand il rappela plus tard, le taximan lui explique que franchement il ne peut pas lui rendre l’appareil. Le bonhomme insiste et le taximan de lui intimer : "Raccrochez, laissez-moi tranquille Gorgui, je vous respecte, sinon, si vous continuez je serai obligé de vous insulter, hein !".

 Sans trop y croire cette Dame appelle le numéro de son portable qui venait de disparaître. A l’autre bout du fil, un Monsieur à l’accent fort poli lui répond : " Je sais que pour vous les dames, la puce est précieuse, vous avez beaucoup de numéros utiles dedans. Alors donnez-moi, si vous en avez, une boîte postale où je pourrais vous envoyer votre puce ". La dame s’exécute et le gentil voleur d’un ton doucereux de lâcher : " Sans problème, je vous l’envoie. Je prendrais en charge le prix du timbre ! ".

 Quand les Dames ou les Demoiselles perdent leurs portables, c’est souvent les Messieurs qui en souffrent le plus. Alors qu’elle s’inquiétait à peine d’avoir perdu son portable, chipée à la veille de la Tabaski, cette demoiselle se fit raconter la même histoire par une dizaine de ses "amis". Chacun d’eux avait appelé et, surpris d’entendre une voix masculine, avait demandé - "mais c’est le numéro de Safiétou, Non ?" Réponse invariable : "non c’est pas le numéro de Safiétou, c’est mon numéro ! ". Ce n’est pas le 550 XX XX ? " "Oui, c’est bien le 550 XX XX ".

 " Mais c’est le numéro de Safiétou... " - " Non, ce n’est pas le numéro de Safiétou, c’est mon numéro... ". Et puis, la question qu’on se pose souvent, c’est comment ils font pour piquer les portables, malgré toutes les précautions qu’on prend.

Ce prof de Maths dans un lycée dakarois a posé la question avec insistance, après qu’une de ses connaissances, connu pour être du Milieu, lui rendait son portable qu’il croyait avoir bien gardé et que l’ami avait pris pour démontrer sa négligence et lui apprendre à bien garder ses affaires.

"Mais, explique-moi comment tu fais ", demande avec insistance le Prof de Maths. • "Oh, ne me fatigue pas, c’est pas possible ; c’est comme si moi, qui t’ai laissé à l’école quand on faisait le CM2, je te demandais comment tu fais pour résoudre les problèmes devant tes élèves de Terminale ! ".

(Source : APS 12 février 2004)