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"Une entreprise qui investit en Afrique ne peut pas se tromper", explique Marc Rennard d’Orange

mercredi 30 décembre 2015

Depuis près de 11 ans, Marc Rennard s’occupe de l’Afrique pour Orange. Alors qu’il s’apprête à troquer son poste actuel de directeur exécutif International Afrique, Moyen-Orient, Asie pour celui de directeur général adjoint du groupe en mars prochain, il partage avec l’Usine Digitale sa vision du continent. Une région en pleine croissance, même si très contrastée, dans laquelle les entreprises européennes peuvent prendre tous les paris, selon lui.

L’Usine digitale : Comment décririez-vous l’Afrique d’aujourd’hui à des entrepreneurs qui souhaiteraient s’y développer ?

Marc Rennard : Le continent, comme les pays du Moyen-Orient, a connu une évolution fantastique. Qu’il s’agisse de la démographie, du développement de l’infrastructure, de l’éducation et du progrès en général. En Europe, nous avons une vision de ces régions qui n’a plus rien à voir avec la réalité. Quelqu’un qui aurait fréquenté l’Afrique il y a 10 ans, il y a 5 ans, ne la reconnaitrait pas. Il y a des pays qui ont vu des transformations colossales en tout juste 6 mois. Bien entendu, l’Afrique reste très contrastée. Il reste des zones très traditionnelles, des villages sans eau, ni électricité, ni route goudronnée. Mais il y a aussi un vrai modernisme. Certains quartiers de Port-Louis (Ile Maurice), du Cap (Afrique du Sud), de Casablanca (Maroc), de Tunis (Tunisie) n’ont rien à envier aux centres d’affaires européens. Pauvreté et hyper-modernisme se côtoient.

Et dans ces dix dernières années, la classe moyenne s’est développée de façon significative. Celle qui se limite pas à choisir entre se nourrir, se vêtir et téléphoner, mais inclut, dans ses arbitrages, la possibilité de la culture, de l’éducation, des soins… En Afrique, entre 200 et 300 millions d’habitants relèveraient de la définition de classe moyenne.

L’Afrique connaît aussi une importante croissance démographique. N’est-ce pas un autre atout ?

Oui, à la fin de la 2e guerre mondiale, on comptait trois Européens pour un Africain. Dans 30 ans, ce sera l’inverse. Ça change la face du monde. Le Niger compte 18 millions d’habitants, il en aura une trentaine dans quelques années. Cela se traduit par des besoins sanitaires, en emplois, en infrastructures…

Est-ce que cela peut se traduire par des opportunités, y compris pour des entreprises françaises ?

Bien sûr. Au premier rang desquelles les sociétés de téléphonie mobile. Et nous sommes le seul opérateur français sur le continent. Je suis d’ailleurs aussi le président des chefs d’entreprises du Medef pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale. La croissance démographique conduit à l’ouverture de certains marchés.

Chez Orange, nous avons vécu une transformation considérable de la téléphonie mobile. Nous avons désormais 115 millions de clients. Nous y sommes arrivés en conquérant de nouveaux territoires et par le biais d’acquisitions. Et nous avons aussi 15 millions de clients de notre paiement mobile, Orange Money. Nous ne sommes plus seulement opérateur pour le téléphone, mais pour le développement de l’Internet mobile. Cela transforme la vie des gens. Ils ont accès à Facebook, à Google, mais aussi à un certain niveau de culture, aux informations sur les transports ou sur les élections. En Côte d’Ivoire, nous avons gérer avec Morpho tout le dispositif d’informations autour de l’élection du président de la République.

Selon vous, la vision européenne de l’Afrique est datée. Qu’est-ce qu’un entrepreneur européen doit savoir sur les pays dans lesquels il voudrait investir ?

Pour commencer, une entreprise qui investit en Afrique ne peut pas se tromper. Bien sûr, il y a encore des différences de gouvernance, de politique, des questions de corruption… Mais avec un bon business model qui tient la route, on ne on ne peut pas se tromper. La croissance démographique du continent autorise tous les paris. Il faut des infrastructures de téléphonie mobile, des routes, de la culture. Les besoins sont immenses.

Mais c’est l’exécution qui demeure difficile. Il faut des partenariats locaux. Il ne faut pas faire fi du fonctionnement des villages, des règles administratives, de la culture locale… Et pour cela, il faut des managers locaux comme nous avons choisi de le faire.

Les risques sont extrêmement faibles. On peut se tromper sur l’évaluation du taux de de croissance que l’on aura, mais pas sur le fait qu’on aura de la croissance. Chaque jour, il y aura toujours un peu plus de téléphone, de MMS, de mails, de photos envoyées que la veille.

Les entreprises chinoises sont aussi très friandes de cette croissance africaine. N’est-ce pas un des obstacles à un développement sur le continent ?

Les chinois sont plutôt dans le financement, dans l’infrastructure, mais peu dans l’exploitation. Ils sont concurrents mais plutôt sur un mode de coopétition que de compétition directe. Et en tant qu’Orange, je n’ai pas de concurrents chinois. Ils sont en concurrence principalement dans les infrastructures, mais par exemple on les retrouve peu dans la direction d’hôtels.

Est-ce qu’une des erreurs classiques serait de croire que l’Afrique est un seul grand pays ?

Bien sur ! L’Afrique, ce sont 54 pays. Et il y a plus de différences entre le Sénégal et Maurice, qu’entre la Grèce et l’Irlande ! Les distances sont immenses. Quand j’étais en Afrique du Sud durant l’épidémie d’Ebola, mes proches se sont inquiétés. J’étais pourtant plus loin de la maladie que si j’étais resté en France ! Parler de l’Afrique comme d’un tout est une erreur. Pour commencer, il y a les grandes plaques que sont l’Afrique de l’ouest, la zone Cemac (Communauté Économique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale), les pays arabes…

Il y a des logiques différentes de langue, de culture, de règles économiques… Les tailles des régions sont sans commune mesure. Dans un pays comme le Mali, on peut loger la France, l’Italie et l’Angleterre. Et il reste encore de la place !

Quid des entreprises locales ?

Pour commencer, chez Orange, nos 20 filiales sont africaines. Sur nos 21 000 salariés sur place, 20 930 sont africains ! Ils ont été formés à Londres, à Paris, en Australie… Le directeur général de notre filiale au Niger est sénégalais, polytechnicien, collègue de promotion du directeur de cabinet de Stéphane Richard. Les comités de direction n’ont rien à envier aux entreprises européennes.

Et qu’en est-il de la dynamique entrepreneuriale africaine autour du numérique, plus spécifiquement ?

Il y a une multitude d’entreprises du numérique, dans lesquelles nous investissons d’ailleurs. On les accompagne dans leur développement. C’est le cas d’Afrimarket qui fait du cash to good et que l’on accompagne pour une deuxième levée de fonds. Ou d’Afrostream, un équivalent de Netflix pour l’Afrique.

Le développement du mobile et du paiement mobile en particulier dope-t-il aussi le e-commerce ?

C’est un monde qui débute. Jumia, lancé par l’Allemand Rocket et dont les opérateurs africains MTN et Millicom sont actionnaires, en est un des acteurs. Ce dont on a la certitude, c’est que le mobile devient universel Afrique. Cela se prolonge avec l’internet mobile. Il est certain également que le paiement mobile va continuer d’avoir une très forte croissance. Elle est même exceptionnelle en Côte d’Ivoire et au Mali avec Orange Money, et au Kenya avec M-Pesa.

Cela devrait être le cas aussi avec le e-commerce, même si ça reste encore à prouver. Il reste en particulier de grosses difficultés d’infrastructure, de logistique… Il faut disposer des produits, mais aussi de points relais locaux. Le paiement mobile sera un levier, c’est sûr. Mais il ne faut pas négliger le rôle de la diaspora. Les "riches" chauffeurs de taxi parisiens peuvent envoyer des colis à leurs proches en Afrique. Les diasporas sénégalaises et maliennes, par exemple, sont très organisées.

Emmanuelle Delsol

(Source : L’Usine digitale, 30 décembre 2015)

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Téléphonie mobile

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(ARTP, 30 septembre 2023)

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