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Taxes douanières sur les téléphones portables : la stratégie du Cameroun et ce à quoi doivent s’attendre les abonnés

mardi 13 octobre 2020

Dès le 15 octobre 2020, les abonnés camerounais désirant utiliser un téléphone portable neuf et nouvellement acheté seront appelés à payer une taxe douanière représentant 33,05% de la valeur du téléphone sorti de l’usine. Le paiement de cette taxe sera fait à partir du crédit de communication de l’abonné. Il est prévu deux possibilités de règlement de cette taxe. L’abonné peut choisir de payer la taxe intégralement ou encore par tranche. Soit 0,5% ponctionné quotidiennement sur votre crédit de communication jusqu’à l’épurement des 33% de la valeur de votre téléphone.

Les téléphones portables en mode roaming utilisés par les étrangers ou touristes, n’utilisant pas de carte SIM d’un opérateur télécoms camerounais, sont exemptés du paiement de cette taxe.

Cas pratique. Si vous achetez un téléphone Samsung non dédouané et que son prix de sorti usine est de 100 000 francs CFA, il vous faudra payer environ 33 000 francs CFA de taxe douanière à travers votre crédit de communication. En une tranche ou en plusieurs.

Les commerçants qui disposent des stocks de téléphones déjà dédouanés doivent se rapprocher de la Direction générale des douanes (Division de la Législation et du Contentieux), munies des documents justificatifs de paiement des droits et taxes, afin que leurs terminaux soient enregistrés et déclarés comme dédouanés. Cette démarche doit être faite avant le 15 novembre 2020, sous peine de forclusion.

Voilà le nouveau mécanisme de collecte de taxe douanière sur les téléphones portables qui entrera en vigueur dans deux jours et qui fait jaser de nombreux Camerounais, qui, pour la plupart et notamment sur la toile, désapprouvent cette méthode de collecte.

Les raisons du changement du mécanisme

D’après les explications de la douane camerounaise, entre 2001 et 2005, les recettes douanières sur les téléphones portables contribuaient à hauteur de 25 milliards de Francs Cfa environ par an. En 2017, après une évaluation du montant de ces mêmes recettes, l’Etat s’est rendu compte qu’il avait collecté seulement 500 millions de taxes douanières des téléphones portables. D’où l’option choisie de mettre en place un dispositif de collecte numérique des droits et taxes. Avec ce nouveau mécanisme, la DGD s’attend à de recettes annuelles sur les téléphones portables allant de 45 à 50 milliards de Francs Cfa.

Pour Louis Paul Motaze et Minette Libom Li Likeng, ce dispositif innovant de collecte d’impôts est un donc un « vecteur de sécurisation des recettes douanières, de civisme fiscal et de conformité volontaire des importateurs et des consommateurs ».

Ce que dit la loi des Finances 2019

Tout commence avec la loi des finances de 2019. Dans son article septième, il est précisé que « les téléphones portables ainsi que les tablettes électroniques ou numériques peuvent être importés en suspension des droits et taxes de douane, à charge pour leurs acquéreurs de procéder au paiement desdits droits via un prélèvement effectué notamment lors des émissions téléphoniques. Ces droits et taxes sont prélevés et reversés au plus tard le 15 de chaque mois au service des douanes compétent par toutes les sociétés de téléphonie. Ces sociétés sont tenues, en collaboration avec les services de I’Etat compétents ou leurs mandataires, de configurer leurs systèmes de manière à éviter toute connexion à leurs réseaux respectifs par les téléphones et tablettes non dédouanés ».

En 2019, la mesure ne sera pas appliquée. C’est le 13 mars 2020 que la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, et le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, signent une décision conjointe (N°000247/MINFI-DGD/MINPOSTEL- IGT) fixant les modalités de collecte numérique des droits et taxes de douane sur les téléphones, les tablettes, les terminaux numériques et les logiciels y afférents.

Cette décision conjointe apporte des précisions majeures.

Les droits et taxes ainsi suspendus à l’importation sont ultérieurement collectés par tous les opérateurs de téléphonie opérant légalement au Cameroun à travers « une plateforme sécurisée ».

L’article 7 de cette décision conjointe renseigne que « la Plateforme » est un dispositif institutionnel numérique interconnecté avec les serveurs et les systèmes de réseaux des opérateurs de téléphonie opérant légalement au Cameroun. Cette plateforme placée sous l’autorité du Ministère des Postes et Télécommunications qui en assure la maintenance directement ou par l’intermédiaire de son mandataire désigné, a plusieurs objectifs.

Elle permet l’identification numérique de tous les téléphones et tablettes se connectant sur un réseau de téléphonie local sur la base des références spécifiques à chaque appareil (marque, modèle, gamme, etc.) ; la détermination automatique du statut douanier des téléphones et des tablettes qui se connectent sur un réseau de téléphonie local ; le paramétrage des valeurs minimales fixées par l’administration des douanes en fonction de leurs marques et gammes ; la simulation des droits et taxes de douane attendus mensuellement en fonction des émissions téléphoniques faites à partir des téléphones et tablettes ayant fait l’objet de suspension des droits et taxes lors du franchissement du cordon douanier.

Les obligations des opérateurs mobiles

Cette décision conjointe MINFI-MINPOSTEL obligent les opérateurs de téléphonie opérant au Cameroun de configurer leurs systèmes d’information de manière à permettre une interconnexion et une synchronisation permanente avec « la Plateforme ». Mais surtout, et c’est mentionné en son article 14, ces opérateurs de téléphonie mobile « procèdent à la collecte des droits et taxes de douane suspendus lors du franchissement de la frontière à travers un prélèvement des montants dus sur le crédit de télécommunication du téléphone non dédouané dès sa connexion à leur réseau. A ce titre, ils sont tenus de configurer leur réseau de façon à offrir un droit d’option de paiement de l’intégralité des droits et taxes dus en une seule traite ou en plusieurs échéanciers. Dans ce dernier cas, le prélèvement se fait quotidiennement à hauteur de 0,5 % de la valeur imposable du téléphone concerné ou suivant les paliers de retenue fixés par des textes particuliers, jusqu’à épuisement du montant total des droits et taxes dus ». Ce prélèvement cesse automatiquement dès que la totalité des droits et taxes de douane dus est collectée.

Les droits et taxes de douane collectés chaque mois par les opérateurs mobiles doivent être reversés au Trésor public au plus tard le 15 du mois suivant, sous peine de paiement des intérêts de retard. En plus des intérêts de retard et les sanctions pénales applicables aux cas spécifiques de détournement, l’opérateur de téléphonie qui ne reverse pas les contributions, droits et taxes de douane collectés dans les délais encourt les sanctions de toutes natures prévues par la réglementation en vigueur, sans préjudice de la mise en œuvre des moyens de recouvrement forcé.

Ce reversement se fait contre délivrance d’une quittance sur la base d’une déclaration douanière modèle DR4 (reversement des droits et taxes de douane collectés à l’importation). Cette déclaration doit être déposée au Bureau des Douanes de domiciliation affectée par le Système d’Informations douanier, assortie d’un listing électronique récapitulatif des prélèvements effectués par téléphone. Une copie électronique de ce listing est adressée au Directeur Général des Douanes.

Téléphone déclaré dédouané

Les deux ministres relèvent qu’en plus de ce système spécial de taxation, la procédure habituelle de dédouanement des téléphones et tablettes importés pour la mise à la consommation directe assortie du paiement spontané des droits et taxes de douane demeure en vigueur. Dans ce cas, une attestation de dédouanement reprenant les identifiants IMEI des téléphones dédouanés est établie par le Bureau d’entrée desdits téléphones et « la Plateforme » est renseignée par l’administration ou son mandataire, le cas échéant, pour éviter une double imposition.

La décision précise que tout vendeur de téléphones et /ou de tablettes est, sous peine d’engager sa propre responsabilité, tenu d’informer l’acquéreur sur le statut « dédouané » ou « non dédouané » de ses appareils. La fourniture des informations fausses est punie par une amende égale à 50 % du montant de la transaction.

La plateforme et ARINTECH, le mandataire de l’ETAT

De gré à gré, le gouvernement a donc choisi de confier la réalisation de cette plateforme à la société Artificial Intelligent Technology Cameroon, en abrégé ARINTECH, dont le PDG est le Camerounais Paul Zambo. Celui-ci, au cours de l’émission Scènes de presse à la CRTV Télé ce 11 octobre 2020, raconte les circonstances qui ont conduit à son choix. Il explique donc qu’il y a quelques années, lors du lancement d’un programme d’encadrement des jeunes start-up du Cameroun par le ministère des Postes et Télécommunications dans le cadre du programme « Cameroun numérique 2020 », ils ont présenté leurs capacités et leurs projets, dont celui sur la collecte des taxes. « Et nous avons été retenus pour continuer à développer ce projet avec l’Etat », précise-t-il en indiquant qu’il n’y a pas eu un appel d’offres.

« C’est une innovation camerounaise, bien qu’ailleurs il y a la même sorte de collecte qui se passe. Par exemple au Liban et dans d’autres pays. Mais, nous avons créé ces logiciels avec les spécificités de chez nous. Nous les avons présentés à l’Etat et l’Etat a accepté que nous puissions continuer le projet. Nous avons été encadrés pendant pratiquement trois ans pour arriver au résultat que nous avons aujourd’hui », raconte-t-il.

C’est donc ARINTECH, mandataire de l’Etat qui gère la plateforme. La société d’après son promoteur a d’autres compétences, mais ne dispose pas encore de site web où l’on peut voir et apprendre davantage sur ses services.

Que gagnera ARINTECH dans ce deal ?

La décision conjointe N°000247/MINFI-DGD/MINPOSTEL- IGT du 13 mars 2020 fixant les modalités de collecte numérique des droits et taxes de douane sur les téléphones, les tablettes, les terminaux numériques et les logiciels y afférents précise que la collecte des droits et taxes de douane sur les téléphones portables se fait moyennant le paiement d’une contribution correspondant à 1,65 % de la valeur imposable du téléphone concerné. « Cette contribution destinée notamment à la rémunération des services d’accès, d’exploitation et de maintenance de la « Plateforme », est répartie aux parties prenantes de « la Plateforme » suivant une grille fixée par les textes particuliers », indique les deux ministres.

L’article 18 de cette décision stipule que la liquidation de la contribution du mandataire gérant la plateforme se fait à travers la déclaration en détail validée par les opérateurs de téléphonie. La quote-part de cette contribution revenant aux intervenants de la « Plateforme » est directement reversée dans leurs comptes bancaires respectifs à travers le mécanisme prévu à l’article deuxième alinéa 22 de la loi de finances pour l’exercice 2018.

Concrètement, combien lui sera reversée annuellement ? Digital Business Africa sollicite en vain depuis quelques jours des précisions de la part du PDG Paul Zambo au sujet de cette nouvelle disposition. Un protocole d’interview lui a été envoyé et reste encore sans réponses.

Toutefois, si l’on se fie à l’estimation qu’il a lui-même faite à la CRTV, le Cameroun pourrait gagner jusqu’à 45 milliards de francs CFA annuellement via ce mécanisme de collecte de taxes douanières sur les téléphones. La décision conjointe MINFI-MINPOSTEL fixant à 1,65 % de la valeur imposable du téléphone la rémunération des parties prenantes de « la Plateforme » pour les services d’accès, d’exploitation et de maintenance de cette « Plateforme », l’on peut estimer que ces parties prenantes pourraient s’en tirer annuellement avec 720 millions de francs Cfa si tous les importateurs décident de laisser exclusivement aux abonnés le soins de payer les taxes douanières.

Qui est Paul Zambo ?

S’il n’a pas répondu aux questions de Digital Business Africa sur son parcours professionnel, un tour sur sa page LinkedIn permet d’avoir une idée de celui qui aura accès à des millions de données personnelles des Camerounais. L’on apprend ainsi qu’il est depuis janvier 2014 CEO chez Fly Global UK Limited en Grande Bretagne. Mais aussi et surtout qu’il est par ailleurs, depuis juin 2006, le président du Mouvement pour le développement intégral de la république (Mdir), un parti politique camerounais.

Sur le blog de son parti politique, l’on peut encore lire son message du 29 novembre 2010 en ces termes : « Le peuple camerounais a besoin aujourd’hui, des hommes nouveaux et des moyens modernes pour prétendre à un avenir meilleur. Et ces hommes nouveaux c’est vous et moi qui, plus que jamais, avons la responsabilité historique de changer les choses. Ne dit-on pas que le pouvoir ne se donne pas il s’arrache ? Alors que faisons-nous pour l’arracher des mains de ceux qui pensent qu’ils sont nés pour le pouvoir et que le pouvoir c’est eux ? »

Invité à se présenter à la CRTV, il dira qu’il est un inventeur, ayant obtenu son premier brevet d’invention à l’âge de 21 ans. « J’ai été président de l’association nationale des inventeurs du Cameroun pendant 10 ans. J’ai été pêché au Cameroun par la BBC pour aller continuer mes inventions en Grande Bretagne. Donc, j’ai travaillé toute ma vie dans l’innovation technologique et technique », a-t-il indiqué.

Malgré ce dispositif réglementaire, de nombreuses questions sur son implémentation adéquate restent en suspens.

(Source : Digital Business Africa, 13 octobre 2020)

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