Le 22 avril 2015, le Président de la République a signé un décret portant mise en place d’un dispositif de supervision et de contrôle de l’activité des opérateurs de télécommunication. Il a pour objet de permettre à l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) de pouvoir disposer de données fiables sur les volumes de trafic échangés sur les réseaux des opérateurs au niveau local et international ainsi que sur les données relatives aux montants collectés par les opérateurs au titre des recharges prépayées. L’adoption de ce décret vient incontestablement combler un vide et il est même surprenant que l’Etat ne se soit pas doté plus tôt d’un tel instrument. En effet, compte tenu des sommes générées par le secteur de la téléphonie, il est difficilement compréhensible que les autorités se soient contentées, depuis la privatisation de l’opérateur historique et la libéralisation du marché des télécommunications, de s’en tenir aux informations fournies par les opérateurs sans disposer des moyens juridiques et techniques d’en vérifier la fiabilité pour ne pas dire la véracité. D’ailleurs, à chaque fois que des questions relatives à l’évolution à la hausse ou à la baisse des tarifs des télécommunications internationales sont posées les autorités ne sont jamais en mesure de donner rapidement une réponse crédible à l’opinion et il en est de même lorsqu’il s’agit de mesurer le volume des télécommunications. Ainsi, au début du mois d’avril 2015, lors du débat soulevé par la hausse supposée ou réelle des tarifs des télécommunications internationales de la Sonatel, le ministre des postes et des télécommunications s’est-il limité à dire qu’« aucune mesure d’ordre juridique, économique ou technique, relative à une augmentation des tarifs de communication » n’avait été prise, sans être en mesure de répondre à la véritable problématique qui était de savoir si les tarifs en question avaient effectivement augmentés ou pas ! De son côté, le Directeur général de l’ARTP déclarât qu’il avait « appris depuis un certain temps qu’il y a eu une hausse des tarifs » ce qui fait pour le moins désordre dans la bouche de celui qui est censé réguler le secteur ! En 2011-2012, l’application de la surtaxe sur les appels internationaux entrants avaient également été à l’origine d’une polémique entre l’Etat et la Sonatel concernant le volume sur lequel elle devait s’appliquer, l’opérateur historique considérant que l’estimation qui en avait été faite par l’ARTP était « erronée ». De même, qu’en est-il de l’importance et de la gestion des montants résultant des crédits téléphoniques non consommés avant leur date d’expiration ? Il était donc temps de mettre fin à cette situation dans laquelle l’Etat n’était pas en mesure de connaitre exactement la situation prévalant dans le secteur des télécommunications et devait sans remettre à la bonne foi des opérateurs qui aimaient à déclarer qu’en tant que sociétés cotées en bourse et régulièrement auditées par des cabinets internationaux, ils ne pouvaient pas se permettre de faire de fausses déclarations. Or, en la matière, les choses sont bien loin d’être aussi idylliques puisque de nombreuses études démontrent que les firmes multinationales n’hésitent pas à recourir à toute une série de tours de passe-passe, notamment dans les pays en voie de développement, afin d’échapper à l’impôt en sous-estimant voire en dissimulant leurs revenus réels. Une recherche réalisée pour le compte d’Oxfam a récemment révélé que les pratiques d’évasion fiscale auxquelles se livrent les multinationales font perdre 11 milliards de dollars chaque année à l’Afrique tandis que d’autres sources estiment que le préjudice subi équivaut annuellement à 30% du PIB de l’Afrique. L’application du principe bien connu selon lequel « La confiance n’exclut pas le contrôle » est donc particulièrement opportune et permet de relancer le débat sur le rôle de l’Etat dans le développement économique, politique, culturel et social. Si ce dernier n’a certes pas pour vocation d’être un acteur économique de premier plan, produisant notamment des biens et des services, il lui revient d’exercer sa fonction de régulateur social et d’état stratège. Or, pour ce faire, il doit disposer des outils d’analyse, de veille, de supervision et de contrôle lui permettant d’exercer pleinement sa mission, y compris et surtout dans le secteur des télécommunications, qui joue un rôle critique dans le développement économique et au-delà dans l’ensemble de la société. Dans le respect de la vie privée et du secret des affaires, il est donc légitime que l’Etat se donne les moyens d’être bien informé.
Alex Corenthin
Secrétaire aux relations internationales
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