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Olivier Laouchez : « En Afrique, tout le monde n’a pas accès au streaming. 45% de la population n’a pas d’électricité et 70% n’a pas le haut débit »

jeudi 24 novembre 2022

Olivier Laouchez, cofondateur du groupe Trace était présent à Abidjan pour le Salon des Industries Musicales d’Afrique Francophone (SIMA). Il a accepté de confier à l’Agence Ecofin ses impressions de l’évènement et les projets de son groupe.

Agence Ecofin : En quoi était-ce important pour Trace TV d’être présent à cette première édition du SIMA ?

Olivier Laouchez : En tant que groupe média musical leader sur le continent nous devions être présents pour un évènement de cette importance, non seulement pour écouter, apprendre des autres, échanger, mais également partager notre expérience. On a également répondu aux questions sur notre façon de travailler et ce forum nous permet également d’accélérer notre communication, notre engagement avec le public, les artistes, les managers, les producteurs, les maisons de disque, les sociétés de protection de droits, tout l’écosystème. On devait également être présents sur les panels et aussi participer en tant que média partenaire.

AE : Et qu’est ce qui a retenu votre attention dans les discussions ?

OL : Ce qui a retenu mon attention, c’est qu’il y a peu d’artistes présents. Beaucoup ne se rendent pas compte qu’il faut davantage bosser. Bien évidemment, il faut du talent et de la créativité mais il y en a tellement sur le continent africain et les places sont chères. Je le disais lors du panel, il y a 100 000 titres qui sortent tous les jours. Comment faire pour exister dans un environnement pareil ? Eh bien, il faut bosser. Même si on a un tube qui va sortir, il faut se rappeler qu’il y a des tas de tubes qui sortent. Comment faire pour positionner le sien, l’amener à la bonne personne ? Les artistes doivent se dire que c’est un énorme boulot, ce n’est pas facile. Personne ne peut réussir du jour au lendemain parce qu’il a fait un super titre. Il faut qu’ils prennent un peu plus en main leur destin.

AE : Si je comprends bien, vous demandez aux artistes de faire plus d’efforts dans le réseautage ?

OL : Réseautage entre autres et être présents aux évènements comme le SIMA. Il ne faut pas qu’ils se mettent dans une bulle où ils se disent qu’ils sont des artistes, font des choses géniales et qu’immédiatement le monde entier va penser pareil. Vous êtes également un média, vous savez qu’il faut toujours se battre pour que les gens nous écoutent, nous regardent et nous lisent. C’est la même chose.

AE : Concernant vos chaînes de télévision, on est à une époque très digitale et le public peut accéder aux artistes et aux chansons par internet. Est-ce que dans un tel environnement, vos chaînes de télévision arrivent à garder leurs audiences ?

OL : D’abord, je ne suis pas d’accord avec le fait qu’on dise que tout le monde à accès au streaming. Je rappelle quand même qu’il y a 45% de la population africaine qui n’a pas d’électricité et 70% des gens qui n’ont pas internet haut débit. On est dans de grandes villes, ce n’est pas la majorité de la population africaine. Une des raisons du succès de Trace, c’est la performance dans les zones rurales à cause de la distribution par satellite. Alors, bien entendu on a un cœur de cible dans les zones urbaines et Trace a également fait des investissements pour accompagner cette marche vers le digital. On a 49 pages sur les réseaux sociaux, on a également lancé plusieurs plateformes digitales et on va continuer d’en lancer. On a lancé Trace Academia, Trace Radio, donc on est très présents sur le digital, aujourd’hui c’est la destination première de nos investissements. Il y a également l’application qu’on va lancer en avril prochain qui s’appelle Trace +. On va y regrouper toutes nos chaînes de télévision, tout le contenu de Trace Academia, plus de 100 radios FM et digitales et du contenu à la demande, notamment dans la musique qui est l’ADN de Trace, avec des Lives qui seront proposés quasiment toutes les semaines. L’idée est d’être une passerelle dans la production, l’origination des contenus en Afrique, dans les Caraïbes et les diasporas issues de ces régions. On s’est rendu compte qu’il y a 4 choses qui sont importantes pour les diasporas pour rester en contact avec leurs pays d’origines : ce sont la nourriture, l’information, la religion et le divertissement. C’est vrai que nous avons des chaînes de Gospel mais on veut être très présents sur le divertissement. On fera un peu d’information, on va amener avec le divertissement une des choses les plus importantes pour les diasporas.

On se rend aussi compte que le continent africain est le plus grand en termes de migration interne. L’idée avec notre présence digitale, est de donner à ces diasporas des contenus qui les intéressent et qu’elles ne trouvent pas forcément dans leurs pays de résidence. Aussi, il faut rappeler qu’on était déjà sur le streaming avec Trace Academia qui est déjà à 380 000 téléchargements en quelques semaines. Ça se présente un peu comme TikTok mais ce n’est que des métiers et vous pouvez acquérir des compétences en ligne avec nos modules. On a une quarantaine de partenaires qui y proposent gratuitement des stages et des formations en ligne avec des certifications. Par exemple Canal+ peut lancer un appel pour 1500 installateurs d’antennes en Afrique francophone et exiger qu’ils aient suivi cette formation.

AE : Alors malgré ce que vous avez dit sur la part d’utilisateurs du streaming en Afrique, vous investissez énormément sur le digital. Pour vous, c’est plus un investissement à long terme du coup ?

OL : C’est du moyen terme. Ce n’est pas immédiatement rentable parce que ça coûte cher et plus ça cartonne, plus c’est cher parce que ça demande de la bande passante. On peut faire le pari que le coût de la bande passante va baisser mais comme on aime bien faire des choses durables, on veut s’assurer que c’est quelque chose qui va générer des revenus très vite. Et donc, par exemple, on fait intervenir sur Trace Academia une quarantaine de grandes entreprises, fondations ou institutions qui nous permettent déjà de générer plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires. Tout l’argent est investi dans le contenu, la plateforme, tout l’écosystème. L’objectif c’est de créer des emplois pour les jeunes.

AE : Justement, le projet Trace Academia devait être lancé en 2020, qu’est ce qui l’a retardé ?

OL : D’abord, il y a bien évidemment la Covid-19, puis on a fait un mauvais choix avec une société pour créer la plateforme. Notamment sur ce qu’on appelle la LMS (Learning Management System) intégrée dans la plateforme. On a pris une option développée pour les PC mais l’équipe qui s’en occupe nous avait assuré qu’il n’y aurait aucun problème sur mobile mais en réalité, c’était une catastrophe. On a perdu quasiment un an, on a dû jeter le truc et tout recommencer à zéro. Donc on a appris, je crois que c’est Nelson Mandela qui le disait, « on n’échoue jamais, on gagne ou on apprend ». Donc on a beaucoup appris (Rires). On y est arrivé et on à déjà de très bons retours. On reste très humbles parce qu’on sait que ce n’est pas parfait et qu’on est toujours dans un processus, mais on remarque déjà un impact avec des gens qui nous ont dit que ça a changé leur vie.

AE : Vous ne proposez pas que des clips musicaux. Vous produisez depuis plusieurs mois des documentaires. Est-ce qu’ils obtiennent de bons chiffres d’audience ?

OL : Clairement, on ne les voit pas beaucoup à la télévision. C’est quelque chose sur lequel on doit beaucoup travailler parce que l’offre de documentaires n’y est pas assez visible. Mais je vais être sincère, je ne pense pas qu’un documentaire fasse autant d’audience qu’une playlist de clips vidéo à la télévision. Le documentaire est sur une thématique, soit vous êtes intéressés soit vous allez zapper. Sur les clips vidéo vous restez en vous disant que dans 2mn il y aura peut-être autre chose que vous allez apprécier. Par contre, ce qui est intéressant avec un documentaire, c’est que vous créez un usage plus long. Contrairement à un clip où le spectateur reste quelques minutes, le documentaire peut le garder au moins 26 minutes et après vous pouvez même l’exploiter à la demande.

AE : Vous avez évoqué Trace+ et je sais aussi que vous avez signé un accord pour être disponibles sur la TV connectée d’Orange. Vous avez évoqué 70% d’Africains qui n’ont pas encore accès au haut débit, mais est-ce que vous anticipez quand même une migration des audiences africaines vers le streaming ?

OL : Bien entendu. Nous, on a même une obligation d’anticipation de ce type de changements. Les plateformes digitales ont des temps de développement assez longs, entre 8 et 15 mois, donc on est obligé d’anticiper le sens de l’histoire de l’internet africain pour ne pas être en retard. Personne ne peut dire exactement s’il y aura de plus en plus d’accès pas cher à internet dans de bonnes conditions dans un an, trois ans ou cinq ans, mais c’est le sens de l’histoire. A partir de là, on est obligés, on doit anticiper et on a une chance extraordinaire parce qu’en plus de se préparer, on peut déjà travailler sur nos services avec la diaspora présente dans des pays où il n’y a pas de problèmes d’internet. Donc on a la chance d’avoir une filiale en France, une filiale en Angleterre, une filiale au Brésil, une filiale dans les Caraïbes, bientôt également aux Etats-Unis. Donc, tous ces pays, on y retrouve les diasporas. Même si on ne gagne pas tout de suite de l’argent en Afrique, à cause du haut débit, du coût de la data sur le continent et tout ça, de toutes les façons on a un modèle low-cost avec du contenu freemium et, quand c’est payant, à environ 2,99 euros par mois. Donc on peut profiter des deux mondes, en commençant par la diaspora.

AE : On va finir en vous demandant quels sont les prochains projets du groupe Trace ?

OL : Il y a le lancement de Trace + comme je l’ai dit plus tôt. On envisage également de lancer une chaîne sur la communauté maghrébine qui est un peu le chainon manquant de notre offre de contenu afro. On va également partir à la conquête des marchés américains et canadiens. On est également en négociations pour produire une grosse série TV de 280 épisodes pour le public sud-africain. Il y a beaucoup de choses intéressantes.

Propos recueillis par Servan Ahougnon

(Source : Agence Ecofin, 24 novembre 2022)

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Téléphonie mobile

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