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Niokobok, une alternative au transfert d’argent

vendredi 4 novembre 2016

Le site de e-commerce Niokobok chasse sur les terres des sociétés de transfert d’argent comme Western Union. Au lieu d’envoyer des fonds, cette start-up propose aux expatriés sénégalais de livrer à leurs familles des denrées alimentaires. Rencontre avec Laurent Liautaud, qui a fondé l’entreprise en 2012.

Loin, très loin devant les grandes institutions internationales, la diaspora africaine demeure le premier bailleur du continent noir. En 2015, l’équivalent de 35 milliards de dollars ont été transféré sous la forme d’envoi d’argents par les communautés africaines expatriées en direction de leurs proches restés dans les pays d’origine. Une manne précieuse, mais dont une partie de la valeur reste confisquée en amont du fait de commissions élevées, pouvant aisément dépasser le seuil des 10 %. Parfois 15 %. Un manque à gagner pour les familles réceptrices des fonds.

Fondée en 2012 à Dakar, la start-up sénégalaise Niokobok vise ce marché en proposant un modèle différent : sa boutique en ligne permet de commander des produits alimentaires en ligne, en les faisant livrer directement auprès de leurs familles au Sénégal. Ce qui a l’avantage de réduire à son maximum les prélèvements intermédiaires. Rencontre avec Laurent Liautaud, fondateur de Niokobok, qui nous expose sa vision.

Pourquoi avez-vous décidé de vivre et d’entreprendre dans le digital au Sénégal ?

J’ai 39 ans et je vis avec ma famille au Sénégal depuis 5 ans. A ma sortie d’HEC, j’ai travaillé pour Pernod Ricard à Cuba, Unilever au Mozambique puis pour des cabinets de conseil en stratégie, dont Bain. L’Afrique m’a toujours passionné pour sa richesse humaine, parce que tout y devient une aventure, mais aussi parce qu’ici, on a encore l’impression que tout est possible. Je rêvais depuis longtemps d’entreprendre sur le continent et notamment au Sénégal, dans le secteur de la distribution car c’est celui où j’avais trouvé qu’il y avait le plus d’inefficacités. Lorsque j’ai eu l’occasion de m’installer à Dakar avec mon épouse, j’ai cherché une niche dans ce secteur qui nous permette de proposer une solution nouvelle, en misant sur le potentiel de la diaspora sénégalaise.

Concrètement, comment ça marche ?

Niokobok propose aux Sénégalais de la diaspora de commander en ligne des produits, principalement des produits alimentaires, que nous livrons directement aux familles au Sénégal. Cela grâce au e-commerce, que nous considérons comme étant une alternative au transfert d’argent classique. Nos clients l’utilisent soit pour éviter les tracas liés à l’envoi d’argent liquide, soit pour faire des cadeaux. Nos clients émetteurs de commandes sont de toutes les catégories socio-économiques, mais ils ont tous en commun de consacrer des sommes importantes, de l’ordre de 200 à 300 euros par mois en moyenne, au soutien de leur famille au Sénégal. Ils cherchent donc les moyens les plus pratiques et les plus efficaces pour le faire. En général, une commande Niokobok permet de couvrir les dépenses alimentaires d’un foyer de dix personnes pendant un mois.

Ce fut si difficile de convaincre vos tout premiers clients ?

Extrêmement ! C’est apparemment une erreur classique mais nous avions totalement sous-estimé la difficulté à convaincre nos premiers utilisateurs. Nous avons réagi en développant au fur et à mesure une expertise en marketing digital, dont nous utilisons les outils classiques. Ponctuellement nous réalisons des opérations qui peuvent paraître plus originales car elles sont adaptées à notre marché, auquel nous nous efforçons de coller. Nous avons ainsi été les premiers à permettre à des clients de choisir un mouton en vidéo pour l’Aïd. En plus des fiches produits vidéo, nous avons diffusé des reportages présentant les fermes avec lesquelles nous travaillons dans la campagne de Dakar ou sur les conseils à suivre pour choisir un bon mouton. Plus récemment, nous avons fait circulé en France un fameux car rapide que l’on croise partout à Dakar, un véhicule de transport en commun bariolé sur base de vieux camions Saviem qui est une icône du Sénégal. Nos clients de la diaspora sénégalaise installés en France étaient très émus de revoir ce véhicule qui leur rappelle leur enfance et un pays dans lequel certains ne sont pas revenus depuis des décennies. De telles opérations mobilisent beaucoup de débrouillardise et d’énergie mais notre équipe a fini par s’habituer à les mettre en œuvre et c’est un moyen de renforcer notre notoriété de manière efficace.

Après toutes ces années, votre entreprise a-t-elle enfin trouvé son modèle économique ?

Par rapport à 2012, nous sommes vraiment passé de 0 à 1 ! Nous avons livré plus de 10.000 commandes à travers le Sénégal, avec une très forte accélération au cours des douze derniers mois. Nous réalisons maintenant un chiffre d’affaires annuel de 500.000 euros ! Notre modèle économique est classique, nous sommes un commerçant qui achète et revend. La difficulté est que les marges que nous réalisons, principalement sur de l’épicerie, sont faibles pour un e-commerçant. Mais cela a forcé notre équipe à développer un modèle extrêmement frugal, sur tous les éléments de la chaîne de valeur, du marketing à la livraison, et nous sommes maintenant extrêmement optimistes sur notre capacité à atteindre l’équilibre rapidement, alors que nous sommes seulement maintenant en train de lever nos premiers fonds, auprès d’investisseurs privés.

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?

En général, la principale difficulté que rencontrent les acteurs du e-commerce au Sénégal est le paiement : peu de clients étant bancarisés. Les e-commerçants contournent ce problème en prenant le risque du paiement à la livraison, mais le développement du paiement mobile devrait de toute façon régler le problème. Notre cas est un peu particulier car la plupart de nos clients sont en Europe, donc davantage habitués et équipés pour le e-commerce.

L’autre problème est celui de la livraison, dans un environnement sans adressage, mais il se surmonte assez facilement avec un téléphone. Le e-commerce ici n’en est qu’à ses balbutiements. Il y a bien sûr un potentiel important pour des modèles inspirés des succès occidentaux, y compris la vente de t-shirts ou de téléphones en ligne. Mais bien plus que le développement du e-commerce « classique », c’est le potentiel d’innovation d’un environnement ou internet apparaît à peu près en même temps que le commerce formel qui est fascinant. Dans nos bureaux, les mêmes personnes montent des vidéos en haute définition, tout en réglant le problème de l’acheminement d’un colis en brousse, pour lequel le dernier kilomètre se fait en charrette. Ce télescopage va donner inévitablement naissance à des modèles nouveaux, à fort ancrage local.

Est-il facile d’entreprendre au Sénégal ?

Le Sénégal, comme probablement la plupart des pays d’Afrique, propose une version extrême de l’entrepreneuriat, dans ses aspects négatifs comme dans ses aspects positifs. Tout peut devenir difficile, mais tout est possible ! Les opportunités sont immenses, beaucoup plus nombreuses qu’ailleurs, la population va doubler, beaucoup de secteurs sont jeunes et avec peu de barrières à l’entrée, la technologie fait de l’Afrique un marché d’avant-garde dans certains domaines comme le paiement mobile. Les difficultés sont à la mesure de ces opportunités : financer, former une équipe de haut niveau, trouver des fournisseurs ou des partenaires fiables est bien plus difficile que dans des économies plus matures. On trouve des solutions à ces problèmes, mais probablement avec plus de temps et d’énergie que sur d’autres marchés.

Samir Abdelkrim

(Source : Business Les Echos, 4 novembre 2016)

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