Avec le basculement dans la télévision numérique, c’est une nouvelle réalité qui s’offre au paysage audiovisuel sénégalais. D’où toute l’urgence d’avoir un cadre juridique harmonieux et approprié capable d’accompagner et d’encadrer cette nouvelle réalité du monde de la communication et des technologies.
Pour Youssou Soumaré, directeur juridique du Bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda), il apparaît plus qu’une urgence d’arriver à un encadrement de haut niveau pour la réussite du passage au numérique. Selon lui, l’Etat, en tant que garant de la communication audiovisuelle qui est une liberté fondamentale conformément à la Constitution, se doit de définir clairement et de délimiter le périmètre des activités devant être assumées et mises en oeuvre par les acteurs de la chaîne de la communication audiovisuelle. « Parmi les actions relatives au passage vers le numérique, l’élaboration d’un cadre juridique trouve une place centrale. L’on peut regretter les lenteurs quant au processus de mise en place de dispositifs juridiques et qui concernent d’autres textes connexes relativement aux délais imminents vers le basculement », note-t-il.
A ses yeux, un cadre juridique exhaustif et efficace pour le passage au numérique nécessite une politique claire mise en place, avant d’aborder la question de la législation si des modifications législatives sont nécessaires. « Il faut tout simplement se garder de trop apprivoiser les textes étrangers car, même s’il ne s’agit pas de réinventer les règles du jeu, l’histoire nous a souvent habitués à ses soubresauts technologiques. La prise en compte du contexte, des politiques nationales, de notre devenir me paraît indispensable. C’est ce qui m’amène à penser que les choix à faire sont des choix de société et l’implication des parties prenantes est nécessaire d’autant plus que les questions sont transversales », avance M. Soumaré.
Travail d’inventaire
Ce faisant, poursuivit-il, les objectifs clés à définir doivent permettre de créer les conditions nécessaires au passage de la radiodiffusion dans le sens où elle englobe la télédiffusion format analogique au format numérique. Mais également d’arrêter progressivement la télédiffusion analogique dans la bande pertinente (et dans d’autres parties de la bande Uhf, le cas échéant), permettre le passage des services de télévision actuellement dans ces bandes à d’autres parties du spectre et faciliter l’attribution ultérieure de licences pour les autres services, une fois l’accès au dividende numérique autorisé.
« Bien qu’une grande partie de l’activité ci-dessus s’articule autour de l’utilisation du spectre, il importe également d’envisager l’avenir de la législation en matière de radiodiffusion publique lors du processus de transition pour s’assurer que cette transition permette à la radiodiffusion nationale qui a d’une certaine manière une mission d’intérêt général et de service public de continuer à fonctionner conformément aux exigences règlementaires existantes ou à venir », fait comprendre Youssou Soumaré, précisant qu’il est fort probable que la législation requise pour la mise en oeuvre des activités envisagées soit déjà en place. Sur ce point, il a suggéré de mener un travail d’inventaire pour de faire l’état des lieux afin d’harmoniser les dispositifs et éviter les doublons ou lever les contradictions de fond. « La politique devrait également porter sur les aspects institutionnels du passage au numérique et c’est un devoir pour le gouvernement et les autorités directement impliquées dans le pilotage de ce projet d’envergure d’aider à percevoir une opinion claire et limpide de l’organisation requise pour effectuer le passage au numérique afin de lever tout équivoque », souligne l’expert. Aussi, à l’en croire, au-delà de la mise en place d’une structure institutionnelle pour le passage au numérique, il faut une législation de base où chaque pays envisagera, selon ses réalités spécifiques, sa mise en place sous forme de législation supérieure. Toutefois, de son point de vue, il est important que les dispositifs institutionnels et de direction soient supervisés par les autorités gouvernementales afin de garantir la réalisation des objectifs de la politique.
Par ailleurs, de l’avis de Mamadou Baal, expert au Comité national de transition de l’analogique au numérique (Contan), avec un nouveau dispositif juridique, il y aura un nouveau cahier de charges que tous les éditeurs de télévision devront accepter et signer pour pouvoir continuer à faire leur métier. Pour M. Baal, la gestion de ce nouveau paysage audiovisuel est essentielle. Cela, eu égard surtout aux enjeux économiques, juridiques, sécuritaires, environnementaux, politiques que suscite cet ambitieux projet numérique du Sénégal.
Abdou Diaw et Ibrahima Ba
(Source : Le Soleil, 17 juin 2015)
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