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Ndongo Diaw, DG de l’ARTP : « Réconcilier la structure avec le public et ses partenaires »

lundi 19 avril 2010

Le directeur de l’Agence de régulation des télécommunications et de la Poste (Artp), Ndongo Diaw, qui est économiste, financier et auditeur, s’est entretenu avec nos reporters des différents aspects de l’activité de régulation des télécoms au Sénégal, mais aussi des nouvelles orientations de l’agence avec l’installation du nouveau Conseil d’administration. M. Diaw, qui a travaillé à Nextel et occupé plusieurs fonctions de direction à la Rts, dont celles de directeur administratif et financier, du contrôle de gestion et aussi des ressources humaines, estime qu’indépendamment de l’aspect régulation, il y a une activité d’ingénierie qui conduit à une activité commerciale, consistant à vendre des fréquences, et qui rapporte beaucoup d’argent à l’agence.

Vous venez, il y a juste quelques mois, d’être nommé à la tête de l’Artp. Peut-on avoir une idée sur les nouvelles orientations que voudriez imprimer à cette institution de régulation ?

Comme je vous l’ai dit tantôt, je suis économiste financier et auditeur. Et j’ai adopté dans ce cadre, la démarche d’auditeur. C’est-à-dire la politique de connaissance générale de la situation, la saisie des systèmes et des procédures, l’évaluation préliminaire de la situation, l’identification des forces et des faiblesses sur le plan interne et externe et la définition d’un programme de travail pour résoudre effectivement les problèmes urgents. La première étape va consister à mettre l’accent sur l’assainissement et aussi le recentrage des ressources qui sont économisées grâce à des actions d’assainissement, en nouant des partenariats gagnant-gagnant et en engageant une vaste campagne de communication pour réconcilier l’Artp au public et à ses partenaires stratégiques, notamment les radiotélévisions qui sont liées à l’Artp par des redevances qu’elles nous doivent, mais sur lesquelles elles ont des difficultés de règlement. Nous sommes allés vers eux pour leur tendre la main pour discuter et pour échanger.

Selon vous, la Sonatel, Tigo (Sentel) et Expresso, qui sont vos partenaires, respectent-ils les règles de la concurrence ?

C’est une très bonne question qui touche du doigt nos responsabilités de régulation. Alors, partenaires, dans ce sens, cela veut dire le secteur régulé qui comprends ces trois opérateurs dans la téléphonie et, pour ce qui est de la Poste, nous avons la Société nationale de la Poste, DhL et d’autres structures qui se lancent dans la distribution du courrier et dans les services postaux. La régulation est assurée, en se fondant sur trois principes : le principe d’une bonne régulation technique, le principe d’une bonne régulation économique et le principe d’une bonne régulation juridique. Voilà les aspects fondamentaux qui sont comparés par rapport à des normes. Puisqu’il y a des écarts par rapport à ces normes, en ce moment-là, il y a des corrections à faire, afin que le secteur marche de façon normale. Voilà la régulation, c’est un principe très simple. Sur le plan économique, et c’est extrêmement important, nous voulons favoriser la compétitivité, c’est-à-dire une parfaite concurrence. Même si dans la théorie économique, la concurrence pure et parfaite est très difficile, on tente vraiment de nous rapprocher des cinq principes de concurrence pure et parfaite, définis par l’analyse néoclassique. Il faut donc qu’il y ait une libre entrée et une libre sortie, le principe de l’atomicité ; il faut qu’il y ait le principe de transparence ou de parfaite circulation de l’information : le principe de l’unicité du prix ; et enfin, il ne faut pas que le produit soit différencié. Le produit doit donc être homogène. Donc notre volonté, c’est vraiment qu’il y ait de plus en plus d’acteurs dans le système et qu’il y ait libre entrée et libre sortie. Libre entrée si l’acteur remplit les conditions pour avoir la licence et libre sortie s’il sent que cela ne fait plus effectivement son affaire sur le plan de l’équilibre financier. Ensuite, il y a la régulation technique qui insiste sur les interconnexions entre opérateurs. Maintenant, indépendamment de cet aspect, il y a la face cachée de l’iceberg. Il y a donc une activité d’ingénierie qui conduit à une activité commerciale, c’est-à-dire à des produits qui nous rapportent effectivement beaucoup d’argent.

Comment l’Artp joue-t-elle son rôle de régulateur dans un contexte marqué par la dispersion des textes juridiques (ceux de l’Uemoa et de la Cedeao) qui doivent régir l’activité de régulation ?

Les équipes du ministère de la Communication et nos juristes ont travaillé ensemble pendant des mois pour la transposition des textes de l’Uemoa au niveau national. Ce n’est pas un travail très facile, parce qu’il faut tenir en compte aussi de la réalité du pays, tout en respectant les grands principes. Un document a été déposé, on attend donc un feedback par rapport à cela pour savoir si ce document-là est parfait et s’il prête à la transposition.

Vous avez tout à l’heure dit que vous avez démarré vos activités d’audit à l’interne. Selon vous, est-ce que l’Artp a présentement toutes les ressources humaines qu’il faut pour bien faire son travail ?

Non, l’Artp n’a pas sur le plan administratif les ressources humaines de qualité pour mener à bien son travail. Au niveau technique, il n’y a rien à signaler, nous avons de bons ingénieurs, peut-être les meilleurs de la place. Mais au niveau administratif, souvent il y a un décalage entre le poste occupé et le niveau de connaissance de la personne désignée. On peut même dire, en parlant de certains, qu’il y a un problème d’inadaptation, liée à un manque de formation. Nos faiblesses majeures, c’est au niveau de la gestion financière et de la gestion des ressources humaines principalement. Je suis donc en train de contrôler cela pour qu’on puisse avoir une meilleure visibilité et qu’on définisse les objectifs pour trouver une solution à cette situation actuelle qui pose beaucoup de problèmes par rapport aux objectifs fixés.

Est-ce que votre institution a suffisamment les moyens financiers pour pouvoir mettre en œuvre sa politique de régulation ?

L’Artp est une entreprise généralement liquide qui génère des excédents budgétaires. Ce n’est pas pour rien que la loi 2001-15 du 27 décembre 2001 stipule que les excédents budgétaires de l’Artp sont répartis ainsi de suite : un tiers pour le financement du service universel, un tiers pour le financement d’études et recherches, un tiers pour assurer la promotion des technologies de l’information et de la communication. Donc nous n’avons pas besoin de faire la politique de nos moyens car nous avons les moyens de notre politique.

On se rend compte qu’au niveau des trois opérateurs de télécommunication présents au Sénégal, il y a une promotion quasi continue de certains produits tels que les cartes de crédits prépayés. A votre avis, cela ne rend-il pas difficile votre rôle de régulateur ?

Vous savez, dans une économie concurrentielle, le point extrême, c’est le laisser faire. Le laisser faire qu’il ne faut pas confondre avec le laisser aller qui conduit à la régulation. Mais le laisser faire, c’est la libre circulation des choses, le libre échange, la liberté de définir ses stratégies, ses actions. La stratégie étant définie ici comme une action globale délibérée, intégrée qui consiste à doter l’entreprise de moyens techniques, logistiques, financiers pour lui permettre d’atteindre ses objectifs en dépit des contraintes trouvées dans l’environnement ? Ceci étant, chaque opérateur a sa stratégie de prix et de communication. Le marketing, pour attirer les gens, c’est ce qu’on appelle les quatre P. L’entreprise peut faire la politique de ses produits, et cela peut influer effectivement sur le prix, le deuxième P, la politique de prix. Mais aussi, il faudra des actions cognitives et conatives pour faire connaître le produit et le positionner sur le marché si bien qu’il y a un troisième P que l’on appelle promotion qui rejoint le domaine de la communication. Et enfin, la quatrième P, qui est très important, c’est la place, donc la position. Alors, nous, nous veillons à ce qu’il n’y ait pas entente. C’est cela le revers de la médaille, l’entente entre les opérateurs qui constituent une situation oligopolistique, c’est-à-dire qu’il y a peu de vendeurs simplement, mais plusieurs acheteurs. Donc voilà un peu la situation qui est très complexe.

Partant de cela, est-ce qu’on peut faire de la régulation au Sénégal de la même manière qu’on le fait en France ?

Non, il faut adapter la régulation par rapport au contexte du moment. Mais seulement, il faut avoir les grands principes. Peut-être qu’une entreprise peut être placée dans une situation de concurrence pure et parfaite ; Vous pouvez avoir une situation de monopôle, vous avez la situation de monopsone, c’est lorsque vous avez un seul acheteur. Le plus souvent, c’est la situation de l’Etat à l’armement. Le seul acheteur de l’armement, c’est l’Etat. Vous avez aussi une situation de monopôle bilatérale, c’est quant vous avez un acheteur et un vendeur. Vous avez également la situation d’oligopole, si vous avez quelques grands vendeurs. Ici, on peut dire que la situation est oligopolistique, alors qu’on veut que la situation soit concurrentielle. La régulation, qui peut être valable quelque soit le pays, c’est alors de créer les conditions dans lesquelles, on peut avoir davantage d’opérateurs, c’est-à-dire davantage de licences à octroyer, tout en franchissant les barrières exigées par les nouveaux entrants.

Au Sénégal, chaque opérateur a son tarif aussi bien dans le domaine de la téléphonie mobile que dans Internet. Comment allez-vous procéder, dans ce cas, pour réguler et faire de telle sorte que les règles de la concurrence soient respectées ?

Vous savez, la régulation aussi, c’est des outils. Il faut avoir des outils. On n’a pas toujours les moyens pour contrôler, par exemple, le trafic international entrant. Ce qu’on appelle, les terminaisons d’appel, mais nous allons vers cela. Il faut que nous investissions en matériel pour avoir notre propre « gateway » qui va pouvoir mesurer les appels entrant, les appels sortant de telle sorte que si la Sonatel nous dit qu’au Sénégal, il y a eu 100 millions de minutes d’appels internationaux entrant, venant de Kigali ou bien de France, nous puissions concomitamment dire que c’est vrai ou que c’est faux et contrôler le trafic. Maintenant, le prix doit refléter le coût et la marge. Mais pour cela, l’instrument qu’il faudra et qui est dans notre domaine de prédilection par rapport à la loi, c’est de veiller à ce qu’il y ait une comptabilité analytique fiable au niveau de chaque opérateur. Il y a souvent des sessions de l’Union internationale des télécommunications (Uit) auxquelles participent nos agents pour avoir une meilleure connaissance du calcul des coûts afin d’assurer le rôle de la régulation économique. Mais, indépendamment de cela, nous sommes imprégnés dans cette dynamique, c’est-à-dire la comptabilité analytique par les activités. C’est ce qu’on appelle ABC « activities best costing », Ainsi, des méthodes, qui sont un peu dépassées, telles que les techniques des sections homogènes et des coûts complets, sont remplacées par la mesure du coût d’une activité précise. Par exemple, l’activité de fabriquer une puce, combien cela et à combien, on revend cette puce au client final pour qu’il ne laisse pas une marge exagérée ?

Entendez-vous relancer votre politique de sponsorisation de certaines manifestations, dont celles sportives ?

Le sponsoring, c’est en fait dans la cadre de la nouvelle politique. C’est-à-dire que nous voulons des partenariats gagnant-gagnant. Avant, c’était aussi des subventions qui étaient données aux promoteurs de lutte sans contrepartie. Alors moi, j’ai dit que je veux bien continuer la nouvelle politique, mais à condition qu’il y ait une contrepartie : la visibilité. Et j’étais prêt donc à mettre le paquet différencié en fonction des types de contrats que les promoteurs nous soumettaient. Dans ce cadre-là, en tant qu’ancien expert et ancien directeur de marketing, j’ai donc dit qu’il faut qu’on fasse connaître notre activité à travers un téléfilm, un publireportage en quelque sorte. On l’a conçu et on l’a fait et on eu une réaction positive parce que beaucoup de gens nous ont dit que nous ne savions pas que faisiez cela. Une façon aussi de nous réconcilier avec les autres chaînes de télévision, en les invitant à faire passer notre film. L’objectif, c’est donc d’utiliser ces espaces pour faire de la publicité. Parce que ces espaces sont de grandes audiences. C’est la Can, c’est la Coupe du monde et c’est effectivement la lutte, notre sport favori.

A l’heure actuelle, combien de demandes de licences de chaînes de radiodiffusion et de télévision avez-vous reçues ?

Je ne peux pas vous donner un chiffre exact, mais j’ai une quinzaine de demandes qui attendent. La dimension est double ; elle est politique et technique. Elle est politique, parce que sur le plan des procédures, il faut s’adresser au ministère de la Communication qui nous transmet la demande et nous, au niveau technique, nous identifions une fréquence attribuable et nous formulons une lettre pour l’adresser au ministère de tutelle pour lui notifier qu’on a trouvé ou pas une fréquence sur une bande donnée. Nous sommes maintenant dans l’attente du demandeur pour enclencher le processus. Ce dernier, informé par le ministère de la Communication, écrit pour dire qu’il veut prendre cette fréquence. Ce n’est qu’à ce moment que nous procédons à la facturation.

Au niveau de l’Artp, que fait-on pour protéger les consommateurs ?

On assume clairement et efficacement nos responsabilités juridiques, économiques et techniques. Le consommateur est d’office protégé par rapport à la qualité du service, par rapport au prix du service et par rapport à une réclamation devant les tribunaux. Moi j’aurais souhaité que les 3 milliards qu’on avait infligés à la Sonatel comme amende, soient divisés par le nombre de consommateurs de tous les opérateurs de la place. La leçon que l’on peut tirer de cette pénalité, c’est que cet opérateur ferait désormais attention pour un service de qualité pour les consommateurs.

Quelle importance accordez-vous au nouveau Conseil qui vient d’être mis en place ?

Depuis un an, l’Artp a fonctionné sans Conseil d’administration. C’est une situation difficile qui expose le directeur général, surtout s’il s’agit d’un directeur général qui assume ses responsabilités. Normalement si je devais respecter strictement la loi, je n’aurais pas dû payer depuis le 1er janvier ni acheté quoi que ce soit parce que je fonctionne sur des dépenses publiques non autorisées à la place du Conseil. Alors, il fallait faire un choix. Est-ce qu’il fallait fermer la porte de l’Artp et dire aux gens de rester chez eux, en attendant que le Conseil soit mis en place ou bien il faudrait foncer. Moi, j’ai choisi la solution de foncer pour assurer la pérennité de l’entreprise et régulariser la situation. Je viens du système américain qui pousse les gens à prendre des risques.

Donc le Conseil va nous permettre de façon efficace de faire passer les dossiers stratégiques tels que l’acquisition d’un siège, d’autres projets d’investissements et d’autres options stratégiques qui consistent à faire les frais d’une collaboration avec la presse privée, les quotidiens relativement au niveau des technologies de l’information et la communication. Et si vous voyez les profils de ces membres du Conseil d’Administration, ils reflètent un peu les exigences économiques, juridiques et techniques. Il faut donc qu’il y ait des gens qui puissent apporter quelque chose de nouveau.

Ne pensez vous pas nécessaire, dans ce cas, de revoir le mode de rémunération des membres du Conseil ?

Ils n’ont jamais été rémunérés. C’est cela le problème, c’est un vide juridique aussi qu’il va falloir combler. C’est mon deuxième combat. C’est-à-dire arrêter un système de rémunération du Conseil pour éviter de les faire travailler sans une motivation. Et cela se fera bien sûr avec l’accord des hautes autorités par un décret présidentiel.

Propos recueillis par Mamadou Sy et Babacar Dramé

(Source : Le Soleil, 19 avril 2010)

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