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« MainOne n’appartient pas au Gouvernement nigérian »

mercredi 6 novembre 2019

Impératif de désenclavement numérique, arrière-pensée d’influence sur la souveraineté des données, appétence des GAFA… Un mois après l’atterrissement du câble sous-marin de MainOne en Côte d’Ivoire, Kazeem Oladepo, directeur exécutif régional Afrique de l’Ouest, explique les défis auxquels est confronté le fournisseur de services de connectivité et sa stratégie pour se rendre incontournable dans la région.

CIO Mag : Le déploiement de backbones terrestres en fibre optique – afin de compléter les câble-sous-marins – constitue un atout maître pour desservir les autres pays de la région, notamment ceux de l’hinterland. Que prévoit MainOne dans ce sens, après l’atterrissement du câble sous-marin à Grand-Bassam ?

Kazeem Oladepo : Obtenir un réseau de fibre optique de qualité depuis les pays côtiers jusqu’aux pays de l’hinterland est un défi majeur et constitue un obstacle pour faire croître le taux de pénétration de l’Internet en Afrique de son niveau actuel de 40% à un niveau de développement plus inclusif. Pour connecter les pays enclavés, les réseaux de fibre optique doivent traverser des villes, des cantons, des forêts, des zones peuplées et non peuplées, et des frontières avant d’atteindre un pays enclavé. Compte tenu de la masse continentale de l’Afrique, cette contrainte de distance vient alourdir les projets d’extension des réseaux de câble sous-marin dans les pays de l’hinterland aussi bien en termes de délai et de coûts. Cependant, des pays comme le Rwanda et le Burkina Faso ont réussi à contourner ces problèmes en travaillant avec des réseaux de backbones nationaux.

Aujourd’hui, MainOne délivre des services de connectivité à partir de notre câble sous-marin dans plusieurs pays enclavés à travers des partenariats avec d’autres opérateurs d’infrastructures terrestres avec qui nous avons construit et entretenons d’excellentes relations depuis les dix dernières années. Ainsi, des pays comme le Burkina Faso et le Niger ont été connectés par MainOne grâce aux réseaux de backbones nationaux des opérateurs partenaires au Ghana, au Bénin et au Togo qui amènent le trafic jusqu’aux frontières avec ces pays enclavés où nos partenaires commerciaux viennent récupérer le service.

Nous avons développé un partenariat similaire avec CAMTEL au Cameroun qui nous permet de délivrer du service de connectivité Wholesale au Tchad. De façon stratégique, MainOne fait la promotion du partage des infrastructures télécoms car c’est essentiel et c’est un point critique pour maximiser le retour sur investissements des infrastructures existantes, pour étendre rapidement les services existants et réduire ainsi les coûts pour délivrer le service final aux consommateurs en évitant de dupliquer les investissements. Ce qui accélère le développement de l’économie numérique de façon inclusive à travers toute la région.

Comme au Nigéria, MainOne va-t-il compléter son réseau de fibre optique par un système satellitaire afin de fournir des services internet aux populations ivoiriennes dans les zones reculées ?

Pour le moment, MainOne se concentre sur le déploiement de réseaux de fibre optique qui permettent de fournir des solutions de connectivité plus robuste et plus rapide aux opérateurs locaux et internationaux, aux FAI [Fournisseurs d’accès internet, Ndlr], aux entreprises et aussi bien au secteur public, y compris des agences gouvernentales à travers l’Afrique de l’Ouest. Là où c’est commercialement rentable et techniquement plus rapide, nous délivrons des solutions de connectivité avec des réseaux de boucle locale radio utilisant des fréquences bien sécurisées en plus de nos réseaux en fibre optique pour adresser certains besoins spécifiques de nos clients.

Bien que MainOne ne possède pas et n’opère pas directement de réseaux VSAT en ce moment, nous travaillons en partenariat avec certains opérateurs VSAT afin d’améliorer les options de connectivité dans les zones reculées en Afrique de l’Ouest, là où les réseaux de fibre optique ou radio montrent leur limite. MainOne travaille également avec des opérateurs VSAT pour fournir des solutions de back-up aux clients qui recherchent des solutions redondantes sur des technologies différentes.

Généralement, nous tissons des relations commerciales avec certains gros opérateurs satellitaires dans la région et nous fournissons actuellement des services d’hébergement à certaines des principales stations terriennes de Hubs VSAT en Afrique de l’Ouest. Nous leur offrons nos infrastructures et nos services de monitoring dans notre datacenter certifié Tier III Uptime à Lagos et dans notre station d’atterrissement au Ghana.

Devant les coûts et les enjeux des câbles sous-marins, tous les opérateurs y compris les GAFA sont intéressés par cette infrastructure et par la côte occidentale de l’Afrique. Dans ce contexte, quelle est la stratégie de MainOne pour se rendre indispensable dans la région ?

Il y a déjà cinq (5) câbles sous-marins dans cette région de l’Afrique et plusieurs câbles vont encore suivre si les opérateurs mondiaux (OTT) concrétisent leurs projets de câbles sous-marins en Afrique. Parmi les systèmes sous-marins existants, il existe collectivement une capacité de plusieurs Térabits disponibles avec des niveaux de présence variables dans la région. En tant que pionnier sur ce marché, MainOne s’est démarqué dès le départ en tant que le seul système de câble sous-marin à accès libre, ouvert à tous les opérateurs et axé sur la connectivité et les services à valeur ajoutée. Notre système n’est pas détenu ou sponsorisé par un MNO (Mobile Network Operator) ou un opérateur voix et data sur le marché grand-public.

Nous nous concentrons plutôt sur les services de connectivité aux entreprises en offrant une qualité de connexion fiable dans toute la région et en répondant de façon proactive et efficace aux demandes de grande capacité de bande passante tout en évitant les contraintes liées au système de consortium et autres formalités administratives des autres câbles sous-marins.

Notre système est maintenant doté de la fonctionnalité de partage du spectre permettant ainsi à plusieurs opérateurs de partager le spectre optique sur nos paires de fibres sous-marines d’une capacité maximale de 10 térabits. Nous continuons également de développer des solutions au-delà de la simple connectivité, en fournissant des services de datacenter selon les normes internationales pour répondre aux attentes de nos clients qui souhaitent réduire les coûts élevés de la gestion de l’infrastructure informatique en interne en partageant nos ressources de classe mondiale pour ainsi se concentrer sur leurs métiers de base.

Vous n’êtes pas sans l’ignorer, la suspicion est mère de la cybersécurité. Pour nombre d’observateurs, l’internationalisation du réseau de MainOne, d’origine nigériane, revêt certes un impératif de développement numérique mais également des visées stratégiques : contrôler potentiellement des flux d’informations et exercer une influence incontournable dans la région. Que leur répondez-vous ?

Bien que nos plus grosses filiales opérationnelles se trouvent au Nigéria, MainOne est une société de droits mauriciens et ses principaux actionnaires sont à la fois des organisations nigérianes et panafricaines telles que la Société Financière Africaine (AFC) et le Fonds panafricain d’infrastructures (PAIDF) basé en Afrique du Sud. Les autres actionnaires sont First Bank du Nigéria, Main Street Technologies (les fondateurs du projet créé par notre PDG) et Skye Bank (à présent Polaris Bank), qui sont toutes des organisations institutionnelles.

Il faut aussi noter que le projet de câble sous-marin de MainOne a été financé par la Banque africaine de développement (BAD) et la DEG [Banque Allemande de Développement, Ndlr] en tant qu’initiative panafricaine et non pas en tant que société nigériane. À l’évidence, la conception du système a consisté à relier aux unités de branchement du câble, l’île de Tenerife, le Maroc, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigéria, et pour l’instant seules les stations du Maroc et de Ténérife ne sont pas encore construites. Le système de MainOne s’étend aussi au Cameroun et est aussi connecté à la Guinée équatoriale par le biais du câble sous-marin NCSCS [Nigerian-Cameroon Submarine Cable System, Ndlr], qui atterrit à la station d’atterrissement de MainOne au Nigéria.

Le câble sous-marin NCSCS appartient en partie à MainOne et à CAMTEL (Cameroon Télécommunications). Par ailleurs, notre Conseil d’Administration est entièrement responsable des engagements pris envers nos actionnaires en vertu des règles de gouvernance d’entreprise très strictes. En tant que fournisseur de services de datacenter certifié PCI-DSS et ISO27001, nous sommes conscients des enjeux de la sécurité des données de nos clients et mettons un point d’honneur dans la mise en œuvre des meilleures pratiques internationales pour garantir que les informations de nos clients sont efficacement protégées et impénétrables.

Nos principaux clients qui sont les multinationales ne seraient pas rassurés en souscrivant à nos services sans nos dispositions strictes de protection des données. Il est vrai que MainOne n’appartient pas au Gouvernement nigérian et nos activités à l’extérieur du Nigéria sont régies par les règles de bonnes pratiques surveillées par les Conseils d’Administration nationaux et nos opérations respectent les lois en vigueur dans chaque pays dans lesquels nous opérons.

Votre système est-il autant sécurisé ?

Nous sommes conscients que la cybersécurité est devenue une source de préoccupation majeure pour les utilisateurs de services numériques, y compris les gouvernements et les agences gouvernementales, les entreprises et les particuliers. Cela concerne aussi bien la sécurité des données publiques et privées dans des domaines publics ou privés ainsi que la fonctionnalité des applications et processus numériques sécurisés contre les manipulations malveillantes.

Compte tenu du rôle que MainOne joue dans la fourniture de connectivité et l’accès aux environnements en ligne, aux services et contenus digitaux, nous déployons des efforts et des ressources considérables pour garantir la mise en place de mesures d’atténuation adéquates contre les menaces de cybersécurité dans notre réseau et nos installations.

MainOne dispose d’un service dédié au système de gestion de la sécurité de l’information, doté d’un personnel bien formé et hautement qualifié, qui assure la surveillance quotidienne de notre réseau et de la gestion de nos opérations réseaux en général.

Conformément à nos exigences en matière de certification, nos activités sont également auditées chaque année par des experts certifiés dans le monde entier aux fins de la conformité. Pour compléter notre capacité interne et celle de nos auditeurs externes, nous travaillons également en partenariat avec des experts mondiaux de services de sécurité des réseaux et des systèmes, qui offrent des services de sécurité tels que la protection contre les attaques DDoS et d’autres solutions de sécurité gérées (Managed services) pour les clients sur nos réseaux et sur nos sites. Globalement, la menace de la cybersécurité reste un problème mondial que notre entreprise continuera de traiter de manière proactive pour protéger ses clients grâce à nos processus et compétences internes et avec le soutien de nos partenaires techniques internationaux qui possèdent des atouts dans ce domaine et sont en mesure de renforcer nos efforts pour fournir des services réseaux hautement sécurisés dans la région.

Vu la capacité importante annoncée sur votre câble sous-marin, qui est de 10Tbps, quel rôle pouvez-vous jouer dans le développement de services de contenus qui ont besoin du haut débit tels que la diffusion des vidéos HD en streaming et la télévision numérique en Afrique de l’Ouest ?

Selon les tendances générales à travers le monde, la demande de contenu en ligne OTT (Over-The-Top) est en plein boom en Afrique avec l’amélioration de l’accès au haut débit, stimulée par la prolifération des réseaux 4G mobile, la disponibilité croissante de contenu local et davantage de réseau fibre optique jusqu’à domicile (FTTH). Ces services sont encore au stade embryonnaire en Afrique en termes de pénétration. Cependant, les attentes sont énormes et les consommateurs deviennent de plus en plus exigeants en termes de service de connectivité de bonne qualité en Afrique pour les services de streaming vidéo HD, de télévision numérique et les plateformes de vidéo à la demande sur les médias sociaux. MainOne joue un rôle clé en tant que pionnier de la vague de révolution numérique en cours en Afrique de l’Ouest en déployant le premier réseau de câble sous-marin privé dans cette partie de l’Afrique ouvrant ainsi l’accès à tous au contenu mondial.

Au fil des ans, nous avons étendu nos réseaux terrestres pour la fourniture de services jusqu’aux sites clients et MainOne fournit actuellement des solutions FTTT (Fiber To The Tower) aux opérateurs mobiles et aux fournisseurs d’Accès Internet (FAI) afin de leur délivrer de grande capacité de bande passante entre leurs réseaux. Nous sommes également allés plus loin pour résoudre certains problèmes de qualité inhérents à la fourniture de contenus de grande capacité en Afrique de l’Ouest, en collaborant avec les principaux fournisseurs mondiaux de services OTT et de réseaux de distribution de contenus (CDN), qui hébergent désormais leurs contenus dans nos datacenters neutres au Nigéria, au Ghana et en Côte d’Ivoire, où ils se connectent directement au plus grand écosystème de fournisseurs de services et de contenus Internet de la région. Cela contribue à réduire les temps de latence et les coûts de transmission de la bande passante pour les opérateurs et les consommateurs, permettant ainsi de fournir aux utilisateurs d’Afrique de l’Ouest un contenu de haute qualité à des tarifs abordables.

Propos recueillis par Anselme Akéko

(Source : CIO Mag, 6 novembre 2019)

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INTERNET EN CHIFFRES

- Bande passante internationale : 172 Gbps
- 4 FAI (Orange, Arc Télécom, Waw Télécom et Africa Access)
- 19 266 179 abonnés Internet

  • 18 595 500 abonnés 2G+3G+4G (96,58%)
    • 2G : 12,95%
    • 3G : 24,60%
    • 4G : 62,45%
  • 334 642 abonnés ADSL/Fibre (1,71%)
  • 334 875 clés et box Internet (1,71%)
  • 1162 abonnés aux 4 FAI
  • Internet fixe : 1,74%
  • Internet mobile : 98,26%

- Liaisons louées : 3971

- Taux de pénétration des services Internet : 106,84%

(ARTP, 30 septembre 2023)

- Débit moyen de connexion mobile : 23, 10 Mbps
- Débit moyen de connexion fixe : 21, 77 Mbps

(Ookla, 31 janvier 2023)


- 9 749 527 utilisateurs
- Taux de pénétration : 56,70%
(Internet World Stats 31 décembre 2021)


- + de 10 000 noms de domaine actifs en .sn
(NIC Sénégal, décembre 2023)

TÉLÉPHONIE EN CHIFFRES


Téléphonie fixe

- 3 opérateurs : Sonatel, Expresso et Saga Africa Holdings Limited
- 382 721 abonnés
- 336 817 résidentiels (88,01%)
- 45 904 professionnels (11,99%)
- Taux de pénétration : 1,67%

(ARTP, 30 septembre 2023)

Téléphonie mobile

- 3 opérateurs (Orange, Free et Expresso)
- 21 889 688 abonnés
- Taux de pénétration : 123,34%

(ARTP, 30 septembre 2023)

FACEBOOK

3 050 000 utilisateurs

Taux de pénétration : 17,4%

- Facebook : 2 600 000

- Facebook Messenger : 675 200

- Instagram : 931 500

- LinkedIn : 930 000

- Twitter : 300 000

(Datareportal, Janvier 2023)

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