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Le processus de la recolonisation économique du Sénégal enclenché : L’exemple de la Sonatel

mercredi 29 avril 2009

La colonisation qui n’a, jamais, été une œuvre civilisatrice, comme l’avaient prétendu ses théoriciens les plus zélés, avait en réalité comme principal objectif l’exploitation des richesses du sol et du sous-sol africain au profit des colonialistes. Elle avait été précédée, comme tout le monde le sait, par la traite triangulaire d’esclaves, au cours de laquelle des millions d’africains furent déportés en Amérique et dans d’autres parties du monde. La maison des esclaves de l’île mythique de Gorée, au large de Dakar, en est le vivant et triste symbole.

D’aucuns peuvent se poser la question de savoir si vraiment la colonisation économique a cessé en un moment donné de l’histoire du Sénégal ? On peut dire oui, dans une certaine mesure, si l’on considère la reprise par l’Etat de certains secteurs stratégiques de l’économie comme l’eau, l’énergie, les télécommunications, les oléagineux (huile), les phosphates et même le ciment. Elle eut lieu dans les deux premières décennies de l’indépendance intervenue en 1960. Cette reprise négociée avec la France puissance colonisatrice a été facilitée par le fait que les sociétés en question étaient devenues obsolètes, pour la plupart, à cause de la vétusté de leurs installations.

La France n’était pas disposée à engager, pour un pays devenu, politiquement indépendant, de lourds investissements pour la modernisation de ses entreprises nationales. Il y a eu aussi la lutte des patriotes sénégalais dispersés dans les organisations politiques de gauche (PAI, PRA-Sénégal, BMS) et dans les syndicats, exigeant le contrôle de ces instruments de souveraineté au profit des populations. A la suite de ce repli stratégique de la France, le Sénégal s’est beaucoup endetté avec de lourdes devises dans les années 70 et 80 pour procéder à d’importants investissements, en particulier dans les télécommunications et l’eau.

Mais dès que le travail de rénovation a été très bien accompli à coup de centaines de milliards de FCFA et que ces différents secteurs étaient devenus performants et rentables, les français qui contrôlaient toujours l’essentiel de l’industrie et le gros commerce, sont revenus après la dévaluation du franc CFA avec la complicité de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour exiger des Etats africains un désengagement dans les secteurs marchands, avant de pouvoir bénéficier de son soutien financier. Dans certains pays comme le Sénégal, il a existé des plans de stabilisation et d’ajustement structurel qui ont appauvri plutôt que développé.

Ainsi, en accord avec le gouvernement socialiste de l’ancien président de la République, Abdou Diouf, les secteurs les plus rentables tels que les télécommunications et l’eau ont été, dans un premier temps, privatisés, le Sénégal ne gardant qu’une minorité des actions. Si les Sénégalais savent, aujourd’hui, le pourcentage des actions détenues par l’Etat dans la Société nationale des télécommunications du Sénégal (Sonatel), il n’en est pas de même en ce qui concerne la Socièté Des Eaux (SDE), un secteur tout aussi stratégique pour le pays. D’ailleurs de façon générale les sénégalais ignorent le pourcentage détenu par l’Etat et les privés dans le capital des sociétés dont ils actionnaires.

La Sonatel qui fait l’actualité, en ce moment, a été privatisée en 1997 et introduite en bourse l’année suivante après l’excellent travail fourni par ses agents, toutes catégories confondues. C’est le lieu de rendre ici un hommage mérité aux ingénieurs et techniciens sénégalais, aujourd’hui à la retraite et dont la compétence et le patriotisme n’ont jamais fait défaut, pour rendre ce secteur stratégique performant. Le flambeau qu’ils ont transmis à la jeune génération, Cheikh Tidiane Mbaye et ses collaborateurs, est dignement tenu, jusqu’ici.

Malheureusement, c’est le fruit de ce beau bijou de famille que les contribuables sénégalais ont peiné à financer pour le rendre performant et intéressant financièrement que la France, avec la complicité de certains antinationaux au niveau de l’appareil d’Etat, cherche à contrôler entièrement afin de pouvoir renflouer la maison-mère déficitaire, toutes ces années passées. Ils pourraient aussi disposer de toutes les informations relatives à la situation politique, économique et sociale du Sénégal et des autres pays connectés au réseau de la Sonatel.

Tous les regards sont, actuellement, orientés vers les 52% alors qu’il y a 26% dits « flottants » dont une bonne partie est détenue par des entreprises françaises (exemples : banques et assurances). On ne doit pas oublier aussi que les actions appartenant à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) avaient été vendues, dans des conditions décriées en son temps, à un investisseur que les retraités propriétaires ne connaissent même pas. L’argent obtenu aurait été utilisé à acheter des terrains dans l’enceinte de l’aéroport Léopold Sédard Senghor. On peut donc avancer, sans risque d’être démenti, que si l’opération dénoncée par les sénégalais se réalise, les français détiendront plus de 60% des actions de cette société.

C’est pourquoi les sénégalais doivent être bien informés sur l’apport de la SONATEL à l’économie de leur pays mais aussi sa contribution dans celle des pays frères qui nous entourent, en particulier le Mali. Déjà dans un article publié en avril 2006 dans l’hebdomadaire Le Devoir nous soulignions que : « la SONATEL, cotée en bourse, est l’entreprise sénégalaise la plus performante, la mieux gérée et la plus liquide de toutes celles qui existent au Sénégal. Sa contribution à l’économie était en 2005 : 95,9 milliards de Fcfa, soit 12% des recettes fiscales de l’Etat ; 53 milliards soit 6,6% des exportations ; 0,58% point sur une croissance du Pib estimée à 6,4% ».

Malgré la crise économique qui n’épargne aucun secteur, sa contribution devient plus importante en 2008 : 12,4% des recettes fiscales de l’Etat du Sénégal hors effets induits sur d’autres activités ou secteurs, 7,7% des exportations du Sénégal et 10,6% des investissements privés au Sénégal sans oublier son apport dans le domaine de la culture, de la santé et de l’éducation par le biais de la Fondation Sonatel Sénégal et Mali ; près de 150 emplois directs créés en 2008 et des milliers d’emplois visibles dans tous les coins de rue via le réseau de distribution indirect au Sénégal ; 174 milliards de Fcfa de chiffres d’achats auprès des fournisseurs locaux ; pour l’Etat malien : 44 milliards d’impôts, droits et taxes ; 10% des exportations pour nous limiter à ces chiffres .

Quant au partenaire français dit stratégique, voici ce que Ibrahima Konté, représentant du personnel au Conseil d’administration a déclaré dans une interview au journal Walfadjri : « Ils ont investi 80 milliards de FCFA et rien qu’avec les dividendes, ils n’ont pas gagné moins de 170 à 180 milliards. Donc 2 fois et demie de bénéfice. Cette année avec 4,2 millions d’actions, cela va lui faire 67 milliards. » Que se passera t-il le jour où France-Télécom une entreprise nationale française, -situation rarissime dans le système financier- sera le seul maître à bord dans une autre entreprise nationale stratégique. Dans une entreprise privée l’actionnaire majoritaire impose sa politique, et ne tient compte, principalement, que de ses intérêts. Faire croire qu’on peut l’en empêcher, c’est chercher à tromper délibérément le peuple sénégalais.

Comment peut-on comparer aussi l’Etat entité morale et permanente, à des travailleurs actionnaires qui sont appelés à vieillir, à quitter tôt ou tard leur entreprise, comme l’a fait monsieur le ministre d’Etat, ministre de l’Economie et des Finances dans le populaire , pour justifier la vente des actions détenues par l’Etat. Abdoulaye Diop est le ministre des Finances le plus dépensier que la République du Sénégal ait connu depuis son indépendance. Il se comporte en véritable agent comptable, - comme nous l’avons dit dans un précèdent article-, qui se contente de recouvrer les recettes de l’Etat et de les mettre à la disposition de la présidence de la république qui répartit à sa guise. C’est ce qui explique d’ailleurs sa longévité dans le gouvernement et à la tête de ce ministère-clé.

Monsieur Diop, toujours dans le journal Le populaire se demande pourquoi garder au niveau de la SONATEL des actions qu’on peut vendre, pour continuer à financer le développement économique et social de ce pays. Nous répliquons en lui demandant pourquoi financer des infrastructures et des institutions qui n’ont pas un impact dans l’économie ? Sénat et monument de la Renaissance africaine qui ne servent qu’à satisfaire une clientèle politique et un égo développé. Ce serait hypothéquer l’avenir de son pays, monsieur le ministred’Etat, que de vendre 9,8% d’actions qui peuvent vous rapporter chaque année 10 à 15 milliards pour financer des dizaines d’infrastructures sanitaires, scolaires et sportives. La réalité est que cet argent servira, tout le monde le sait, à entretenir un train de vie dispendieux dont on ne peut plus se passer.

L’Etat travaille dans la clandestinité au lieu de « procéder par une Offre Publique de d’Achat (OPA) pour inviter les sénégalais, comme en 1997, à s’investir davantage dans la SONATEL et aussi diversifier l’actionnariat » comme l’a, si bien, expliqué le spécialiste financier Gabriel Fall PDG, CGF Bourse dans Walfadjri . C’est en effet monsieur le ministre qui déclare encore dans Le Populaire qu’il avait saisi le président de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) pour en parler avec lui depuis longtemps. En dehors d’un cercle restreint au niveau de l’appareil d’Etat et France-Télécom, personne d’autre n’était au courant de cette démarche, ni les autres actionnaires et moins encore le peuple sénégalais.

Il y a véritablement un déficit de patriotisme dans ce pays. Les différents gouvernements qui se sont succédé ont eu chacun leur part de responsabilité dans le bradage de l’économie de ce pays. Rien ne justifiait, avant l’alternance politique de 2000, la deuxième vente d’actions (9%) intervenue en 1999 après l’introduction de la SONATEL en bourse en 1998. Les finances publiques étaient assez solides pour ne pas effectuer cette deuxième vente, contrairement à la situation catastrophique actuelle, créée par des dépassements budgétaires et un train de vie de l’Etat qui ne tient pas compte des possibilités économiques du Sénégal.

Le patriotisme économique que certains responsables n’aiment pas qu’on évoque, est une réalité surtout dans la crise actuelle que traverse le monde. Quand le groupe Italien d’électricité ENEL a voulu acquérir SUEZ, le gouvernement français a réagi en annonçant la fusion de Gaz de France et SUEZ pour créer un leader mondial afin de conjurer la menace d’une Offre Publique d’Achat (OPA) hostile de l’Italien sur l’entreprise française d’énergie et d’environnement. Le Premier Ministre français d’alors, Dominique Villepin avait, justifié la fusion par le souci de la sécurité des approvisionnements de la France (Le Monde du 28 Février et 7 Mars 2006). Quand on compare ces deux attitudes de la France, on ne peut que constater, au-delà de la défense d’intérêts économiques, un mépris culturel à l’égard « d’africains qui ne seraient pas entrés dans l’histoire » comme le disait le président Nicolas Sarkozy lors de sa visite officielle au Sénégal, le 26 juillet 2008. Le gouvernement aurait dû, aujourd’hui, chercher à augmenter notablement sa part du capital dans la Sonatel au lieu de la diminuer.

Monsieur Mamadou Oumar Ndiaye Directeur de publication du Témoin dans son commentaire hebdomadaire intitulé : Chante toujours, cigale ! écrit : « Au train où vont les choses, au rythme où les fleurons de l’économie nationale sont bradés, que nous restera t-il dans quelques décennies, voire quelques années ? Que se passera t-il lorsque nous n’aurons plus rien à vendre et qu’il faudra rembourser une dette himalayenne que les autorités actuelles auront léguée à nos enfants ? »

Devant la levée de boucliers liée à la cession des actions de l’Etat, beaucoup de contributions sont apparues dans la presse défendant des positions diverses. A la contribution d’un docteur en économie industrielle déclarant que : « les Sénégalais doivent se rappeler et reconnaître que France-Télécom est à l’origine de la bonne situation actuelle du groupe Sonatel », nous opposerons celle de monsieur Gabriel Fall qui maîtrise le sujet en parlant de faits vérifiables : « Pour comprendre ce qui se passe aujourd’hui, il faut remonter en 1997 au moment de la privatisation de la Sonatel.

Contrairement à beaucoup d’opérateurs téléphoniques, la Sonatel était déjà avant sa privatisation une société florissante grâce à une politique d’investissements hardis et une gestion scrupuleuse de la part de l’équipe de cheikh Tidiane Mbaye. De là, le sentiment que la qualité existait déjà dans l’entreprise avant l’arrivée de France-Télécom et qu’il s’agit bien d’une « success story » sénégalaise . » Nous ajoutons que les investissements effectués depuis la privatisation sont des capitaux propres à l’entreprise, le niveau d’endettement dans les banques étant faible. Ces capitaux propres se chiffraient déjà en 2000 à 186 milliards de FCFA (avant affectation de résultat). En 1999 et 2000 la croissance a été respectivement de 14% et 22%. Le chiffre d’affaires avait aussi augmenté de près de 18% en moyenne annuelle sur les 5 dernières années.

Que faut-il faire maintenant devant cette volonté du gouvernement de vendre le patrimoine national pour satisfaire des intérêts matériels d’une minorité ? Se mobiliser aux côtés des sonatéliens et autres travailleurs pour empêcher qu’on brade encore le peu qui nous reste. Il y va de l’avenir du peuple sénégalais et surtout de sa jeunesse, aujourd’hui dans le désarroi.

Abdoul Aziz Diagne
Membre des Assises nationales du Sénégal et de Benno Siggil Senegaal
Ouakam Dakar
Aadiagne262000@yahoo.fr

(Source : Sud Quotidien, 29 avril 2009)

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