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Le paiement mobile, un modèle d’innovation clé pour l’Afrique ?

dimanche 14 avril 2013

Le secteur bancaire et celui des télécommunications partagent de nombreux points communs. Les entreprises de ces secteurs exercent un métier d’opérateur : de marché financier ou de réseaux de télécommunication. Ils sont amenés à gérer des flux dématérialisés et à valoriser des transactions, entre particuliers ou entre entreprises. Dans les deux cas, l’« usine » qui produit le service de base est un imposant système d’information et de communication compte tenu des besoins d’interconnexions normalisées et sécurisées assurant l’interopérabilité des réseaux des opérateurs.

Les paiements mobiles ont créé une zone de convergence entre les deux secteurs. Un paiement mobile peut être réalisé à distance ou à proximité (technologie sans contact). Il requiert, au cours de la transaction, l’utilisation d’un équipement mobile (téléphone, smartphone, etc.) connecté ou non au réseau d’un opérateur. Or, le paiement est l’acte bancaire le plus courant, l’un des plus rémunérateurs et aussi l’un des plus fidélisant. Le groupe Total l’a bien compris et a décidé de commercialiser sa propre carte de paiement couplée à un programme de fidélité. Un nouveau mode de paiement, concurrent de l’argent liquide, du chèque ou de la carte bancaire, pourrait perturber le jeu actuel des acteurs, en particulier si le consommateur européen est favorable à ce changement et prêt à adopter les nouveaux usages. A titre illustratif, une étude conduite en France et réalisée par l’association Payez Mobile (regroupant les opérateurs et les banques françaises) révèle que 90% des utilisateurs du paiement sans contact via un téléphone mobile trouvent ce moyen « pratique, rapide et simple à utiliser ».

Plusieurs modèles de relation, non exclusifs, entre banques et télécoms sont observés sur les marchés locaux et semblent être favorables au développement des paiements mobiles :

  • modèle de complémentarité : les banques et les opérateurs proposent chacun un mode de paiement mobile mais adressent des cibles différentes ;
  • modèle de substitution : si les banques ont peu de latitude localement, les opérateurs télécoms peuvent proposer seuls une solution de paiement mobile, et vice-versa ;
  • modèle de concurrence : une relation de compétitivité s’installe entre les deux catégories d’acteurs en s’adressant aux mêmes segments clients avec des solutions concurrentes ;
  • modèle de coopération : les banques et les opérateurs télécoms sont amenés à réaliser des partenariats tout en gardant leurs rôles initiaux sur la chaîne de valeur du paiement mobile ;
  • modèle de fusion : les acteurs peuvent fusionner, ou sinon acquérir la possibilité d’être à part entière un opérateur ou une banque respectivement.

Ces différents modèles illustrent la diversité des relations pouvant exister entre les secteurs télécom et bancaire. Comment choisir son modèle pour un acteur local ? Comment tirer parti des retours d’expérience observés de par le monde ? Quel serait alors le modèle optimal au regard du contexte local ?

Le modèle de complémentarité

Un premier retour d’expérience sur le « modèle de complémentarité » est celui que l’on retrouve surtout en Europe, notamment avec le système des SMS surtaxés, des modèles Gallery, hérité du modèle audiotel. Le « paiement » par l’opérateur présente de nombreux avantages dont la fluidité et la simplicité des transactions pour le client final (inutile de renseigner un numéro de carte bancaire au moment de l’achat sur son mobile). Les opérateurs ont eu l’intelligence de se coordonner pour standardiser les offres, simplifier l’expérience client et maximiser les canaux de distribution : ces offres « multi-opérateurs » bénéficient d’une distribution simultanée par les opérateurs historiques français ainsi que les opérateurs virtuels. Cet écosystème est un signe de maturité qui trouve peu d’équivalent dans d’autres secteurs. Il s’intègre aussi dans un environnement spécifique où les actions bancaires sont codifiées et où le périmètre du GIE Carte Bancaire est un élément à prendre en compte.

Les modèles de substitution et de concurrence

Si en Europe les « modèles de substitution » ou de « concurrence » sont rares, en Afrique, la situation est différente. En général, les acteurs du marché des télécoms se substituent, voire concurrencent le secteur bancaire, en particulier dans le cas où des solutions « orientées mobile » sont développées (l’opérateur contrôle toute la chaîne de valeur : de la création et de la gestion du compte au paiement). Ce « modèle de substitution » est expliqué par la faible densité du réseau bancaire et par une régulation du paiement mobile plus souple. En Afrique, 60% des 400 000 villages africains sont couverts par le réseau télécom, alors que les agences bancaires ne sont souvent présentes que dans les grandes villes.

La régulation des services de paiement mobile en Afrique est certes moins contraignante que dans les pays occidentaux. Néanmoins, le régulateur peut imposer des limites dans certains pays concernant les montants transférés, l’octroi d’une licence électronique de la banque centrale, ou encore en termes de compatibilité entre les solutions proposées par les différents acteurs du marché. La téléphonie mobile est devenue ainsi un moyen d’initiation et d’exécution de transactions financières en ligne, étant donné l’explosion du nombre d’abonnés au mobile dans la majorité des pays africains. Cette solution « orientée mobile » cible essentiellement une population non bancarisée importante en Afrique (le taux de bancarisation en moyenne est de 11% en Afrique subsaharienne et en Afrique du Sud). L’ouverture d’un compte bancaire est réservée à une population privilégiée bénéficiant d’une adresse résidentielle fixe et d’un revenu mensuel régulier. Il a été envisagé d’élargir le périmètre de ces services de paiement mobile aux entreprises, concurrençant ainsi les offres des banques : échanges de flux financiers, paiement de taxes et impôts, etc. Le succès est en Afrique sans précédent dans le monde. L’exemple le plus souvent cité est M-Pesa au Kenya (Safaricom). La seconde version de cette solution, en 2008, est devenue un succès de référence, et aujourd’hui le tiers des échanges financiers se fait par téléphone mobile.

Parmi les premiers opérateurs à lancer ces offres de paiement mobile, Orange, qui a déployé la solution « Orange Money ». Les souscripteurs au système peuvent déposer ou retirer de l’argent auprès d’agents Orange. Le transfert d’argent de personne à personne se fait simplement par SMS. Aussi, le paiement mobile permet de payer le salaire journalier des travailleurs, la course des taxis, le transfert d’argent aux proches en cas d’urgence, etc.

Ce type de paiements mobiles est avantageux pour les clients et les opérateurs. Il permet en effet de réduire les coûts des transactions internationales ou domestiques de personne à personne (0,50 $ avec le paiement mobile contre plus de 30 $ avec les moyens précédemment développés), d’initier aux services bancaires basiques (gestion d’un compte bancaire, accès aux microcrédits, etc.) et de créer ainsi de nouvelles habitudes commerciales (l’achat de biens, la recharge du compte de minutes mobile à distance, le transfert domestique et international de minutes de téléphonie, etc.). De plus, en réduisant l’utilisation du cash, les risques de vols sont limités. Les bénéfices du paiement mobile pour les opérateurs sont tout aussi importants dans le cas de ces offres « orientées mobile ». En effet, en plus de générer des revenus supplémentaires aux opérateurs hôtes du service, ce produit fidélise les clients actuels et cible de nouveaux prospects. Ces solutions renforcent également l’image « sociale » de l’opérateur. Les services bancaires ainsi démocratisés permettent aux souscripteurs du service de paiement mobile d’accéder aux microcrédits, de développer leurs projets et de contribuer par conséquent à la croissance économique.

Le modèle de coopération

Certains « modèles de coopération » existent également sur le continent africain. Les opérateurs télécoms peuvent mettre en place des partenariats avec les acteurs du secteur bancaire. Tel est le cas des pays où le taux de bancarisation est relativement élevé et la réglementation bancaire moins contraignante.

En effet, les offres « orientées banque » (où la banque se charge de la création et de la gestion du compte et l’opérateur télécom du transport des données et de la distribution de l’offre) proposent aux souscripteurs la consultation des comptes, le transfert local d’argent d’un compte bancaire à un autre via le mobile, le paiement de factures, etc. Tous ces services nécessitent l’ouverture d’un compte bancaire auprès de la banque partenaire. La solution « MTN Money services » est la première offre développée par MTN Banking. Cette solution « orientée banque » est née du partenariat de MTN avec une division de la Standard Bank en Afrique du Sud.

Le modèle de fusion

En Asie, la situation diffère encore de celle de l’Europe ou de l’Afrique. Le modèle japonais se base sur un modèle de « fusion » entre le secteur financier et le secteur télécom. Depuis 2004, l’opérateur télécom NTT DoCoMo propose des services de paiement sans contact sur mobile qui transforment les téléphones portables en porte-monnaie électroniques. Pour ce faire, la compagnie a racheté une banque pour la création des comptes bancaires et la gestion des problématiques de crédit. Ainsi, dans ce modèle, cet acteur télécom contrôle toute la chaîne de valeur : depuis l’acquisition client jusqu’aux crédits. Ce leader sur le marché des télécoms a été, par la suite, très vite suivi par ses concurrents, qui ont utilisé la même appellation commerciale pour favoriser l’adoption de l’usage de ces services. Ce porte-monnaie électronique est utilisé pour le paiement des journaux, des boissons, des cigarettes, des repas dans la restauration rapide, etc. Les transactions financières sont particulièrement pratiques : sans code, le paiement s’effectue lorsque le mobile est posé devant un terminal de paiement relié à une caisse. Le prélèvement de ces montants payés est effectué soit directement sur le compte bancaire, soit sur le compte virtuel qui sera par la suite débité du compte bancaire à la fin du mois. D’un point de vue consommateur, ce système permet la simplification des transactions en ligne puisque le débit se fait directement à partir de la puce sans entrer un numéro de compte ou un code. Des millions de commerçants se sont équipés de ces terminaux de paiement qui représentent de nombreux avantages : réduction des coûts de maintenance, gain de temps, gestion de la petite monnaie, etc. NTT DoCoMo et Casio sont même allés plus loin en créant une société qui propose aux petits commerçants l’équipement de réception de paiement sans contact à 6000 euros avec un abonnement mensuel de 50 euros et une commission relative à chaque transaction de quelques pour-cent. Ces offres de paiement mobile ont permis d’augmenter fortement le taux de fidélisation des clients puisque l’opérateur endosse à la fois le rôle d’acteur télécom et de banque.

Le moyen de paiement de demain

Pour l’Afrique, le champ des possibles du paiement ne cesse de s’agrandir. En termes de technologies, des solutions telle celle de Tagattitude, basée sur la technologie NSTD, proposent depuis 2011 des alternatives au modèle des opérateurs. En termes d’usages, le rôle des flux migratoires ou des diasporas est clé dans le développement du transfert d’argent international. Le paiement par mobile a aussi du sens dans la modernisation des Etats (paiement des impôts) et le développement des offres de m-assurances.

La tendance serait de penser que les modèles dépendent de l’environnement réglementaire et concurrentiel. Le challenge pour les opérateurs télécoms réside dans la création d’un écosystème stable : un savant équilibre doit être trouvé entre les offres commerciales, la simplicité d’usage, le besoin client et le réseau de partenaires (dont les banques, les fabricants de terminaux mobiles et les commerçants). Enfin, si aujourd’hui, le paiement mobile apparaît comme une question de spécialiste, demain le paiement par mobile concernera tout un chacun, de Paris à Bornéo en passant par Brazzaville !

Contribution parue dans le magazine Réseau Télécom No 60

(Source : Agence Ecofin, 14 avril 2013)

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BearingPoint est un cabinet de conseil indépendant dont le cœur de métier est le Business Consulting. Il s’appuie sur la double compétence de ses consultants en management et en technologie. L’équipe de la direction Emerging Markets de BearingPoint apporte son assistance aux directions internationales et business développement des grandes entreprises européennes, à leurs filiales, aux entreprises des pays émergents ainsi qu’aux gouvernements. Pour de plus amples informations : www.bearingpoint.fr

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