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Internet, cassettes et DVD, chaines satellitaires : Quand les films X se banalisent...

jeudi 21 septembre 2006

Le X n’est plus la chasse gardée d’un public averti. De plus en plus de jeunes raffolent des films X. Leur engouement pour le X est favorisé par l’Internet, la mise sur le marché de cassettes et DVD pornographiques, sans compter les chaînes de télévision par satellite. Une profusion d’images dont ils se délectent car c’est une source d’“ enrichissement ” et de “ plénitude ” pour eux plutôt que de “ détresse morale ”.

Volets fermés, rideaux tirés, Poulo, nom d’emprunt de notre interlocuteur, introduit un Cd dans son ordinateur pour visionner un film X. La précaution avant tout visionnage. Vêtu d’une culotte bleue et d’un short blanc, il s’installe confortablement sur son lit. Le générique commence par un clip du chanteur américain 50 Cent. Les premières images commencent par un quidam en discussion en anglais avec une secrétaire. Une entrée en matière qui aiguise la curiosité du spectateur averti, mais qui peut choquer un puritain ou un profane.

Place ensuite aux scènes obscènes ou délirantes. C’est selon. Poulo raffole des films X. Une jouissance dont il se délecte particulièrement. Etudiant à la Faculté de Droit, le visionnage des films X est pour lui une “ source d’enrichissement ” et de “ plénitude ” plutôt que de “ détresse morale ” et de “ lubricité ”. “ Après avoir passé des heures à apprendre mes cours, je décompresse en regardant ces films ”, justifie-t-il. A l’en croire, il est loin d’être seul à regarder des films pareils. Il déclare qu’aussi bien les hommes que les femmes visionnent ces films. En témoigne l’ampleur du phénomène.

A l’Université Cheikh Anta Diop, le gravage de ces films est une activité qui rapporte, indique Poulo. Dans sa chambre, il dispose de deux ordinateurs pour graver, mais également pour faire ses recherches. “ Pour graver, ces films sont plus chers que les autres ”, révèle-t-il. Ces films jadis visionnés par un public averti est aujourd’hui à la portée de tous. Leurs téléchargements gratuits sur le Net en facilitent l’accès et démocratisent davantage le visionnage. On en trouve à gogo sur les tablettes des clubs vidéo, des vidéocassettes de ce genre.

O. Diouf, fonctionnaire, révèle que certains de ses voisins passent des heures et des heures dans les cybers rien que pour visionner ou télécharger les films X. Il déclare qu’ils disposent de logiciels pour pirater les films protégés. Ils ont une heure pour s’adonner à leur activité favorite entre 23 heures et minuit. Loin de les blâmer, il déclare que “ tout le monde visionne ces films ”.

En effet, une jeune femme qui a requis l’anonymat révèle qu’elle a une fois visionné des films X sur les conseils d’amies. Une autre, « Ibadou », avoue que la première fois qu’elle a vu les images de tels films, elle s’est mise à crier comme un bébé. “ Je ne pensais pas que des personnes pouvaient se livrer à de telles obscénités ”, explique-t-elle.

L’importance du public qui visionne de tels films explique aujourd’hui qu’un langage propre s’est développé autour du phénomène. “ Lamb Laobé ”, “ Diang Yi ”, “ Karaté peul ”, etc. Et l’étudiant de nous servir cette anecdote. “ Un jour, les filles sont venues louer un film X à mon copain, vendeur de films, en lui demandant s’il avait un film “ Lamb Laobé ”. Ne comprenant rien à ce langage, il leur dit non. Nous nous sommes marrés de lui parce qu’il était un ignare”.

Mais si la demande existe et l’offre de plus en plus nombreuse avec les cybers et l’Internet à portée de main, le débat se pose sur la tolérance d’un tel phénomène, surtout dans une société comme la nôtre.

Poulo pense que : “ pour déterminer si un acte est indécent, il faut tenir compte du contexte dans lequel il intervient, car un acte n’est jamais accompli dans le vide absolu”. Et si la société accepte que de telles vidéocassettes soient en circulation, louées à des adultes consentants, comment cela se pourrait-il que cette même société veuille en interdire le visionnage en privé, s’interroge le fonctionnaire, O. Diouf. De plus, “ visionner ces films, me permet de décompresser et de m’évader un moment pour oublier les problèmes quotidiens ”, confie-t-il. Selon lui, la moralité sexuelle est d’abord et avant tout le fruit d’une responsabilité que les personnes humaines assument envers elles-mêmes. Les individus se déterminent eux-mêmes, en choisissant, dans le cheminement de leur expérience propre, la voie et le mode d’expression qui s’accordent à leurs valeurs et à leur éthique.

Fort de cette vérité E. K. indique qu’il ne visionne pas de tels films parce que sa religion l’interdit. Il se garde toutefois de juger les autres en avançant qu’ils “ y trouvent peut-être du plaisir ”, même s’il se demande quelle est la nature de ce plaisir.

Au fait de la religion, Poulo, qui est Toucouleur, avance que son acte n’est source d’aucun préjudice social et il n’offense personne. “ A chaque fois, je me débrouille pour regarder seul les films ou en compagnie de mes amis ”. Le visionnage se fait toujours en intimité.

Il est convaincu que le visionnage de ces films va aller crescendo, puisque personne ne peut obliger les gens à les regarder “ au nom de la conformité morale ” et de la “ normalité comportementale ”. De plus, Internet a démocratisé ce qui était la chasse gardée d’un public averti.

Les Dvd et les cassettes fortement demandés

Hommes et femmes raffolent de films de pornographie à Dakar. Mais il faut être un initié pour comprendre comment ces cassettes sont cédées sur le marché. Les adeptes font recours à des jargons que seuls les initiés comprennent.

Sur les rayons de la cantine, sont entreposées des cassettes. Un poste téléviseur est placé à l’intérieur. À l’entrée, à gauche, il y a une cabine téléphonique où quelques clients se succèdent. Nous sommes dans le quartier populaire de Grand-Dakar. À quelques encablures du marché, sur la voie menant à la Rue 10. Depuis 1999, Hamidou Diop a installé ses quartiers dans ce coin. Il est très connu du milieu. En attestent les nombreux salamalecs avec les clients qui viennent pour louer des cassettes ou téléphoner. Des bruits assourdissants viennent du marché. Ils sont mêlés à ceux des jeunes qui jouent au “ Baby foot ” à quelques mètres de la boutique. Ce qui rend la communication un peu difficile.

Comme bon nombre de vendeurs de Dvd à qui nous avons rendu visite, Hamidou Diop est réticent au début. “ Cette méfiance est liée au fait que certains pensent que vous faites partie de ceux qui luttent contre la piraterie ”, nous souffle un jeune. La cassette de l’acteur Jean-Claude Van Dam à la main, notre interlocuteur jette son regard sur les autres Dvd qui sont dans les rayons.

“ Je loue souvent des films X (pornographie) avec des amis. Mais nous les visionnons à des heures tardives de la soirée ”, nous explique-t-il. Avant d’ajouter sur un ton ironique : “ ça nous permet de nous soulager un peu, mais aussi de banaliser davantage le sexe ”.

Une femme âgée environ de la trentaine se pointe au moment ou nous finissons notre conversation. À ce moment, le maître des lieux est sorti de la boutique pour quelques minutes. Le travail est assuré par un autre, Idy Diallo.

La dame scrute les différents compartiments et rebrousse chemin. “ Elle ne me connaît pas. Elle éprouve une gêne à me demander si j’ai une cassette de pornographie ”, fait remarquer Idy Diallo. Quand un autre est là, les gens qui louent des cassettes de pornographie, surtout les femmes et les hommes âgés de plus de 30 ans, préfèrent ne pas demander. Ce qui n’est pas le cas pour les jeunes ”, poursuit-t-il.

Les jargons pour désigner ces films de pornographie sont nombreux. Il s’agit entre autres de : “ Ndeup ” (pratique traditionnelle léboue). Certains usent du cousinage à plaisanterie pour les nommer. Ainsi les Sérères disent “ Lamb Toucouleur ” (lutte Toucouleur). Les Hall Pulaar ripostent en parlant de “ Lamb Sérère ”. D’autres encore font recours au nom de ce défunt musicien sénégalais. “ Dès qu’ils désignent ces noms, nous comprenons subitement ce à quoi ils font allusion ”, explique Hamidou Diop, qui ajoute que les jeunes n’éprouvent aucun complexe pour louer ces cassettes.

À en croire notre interlocuteur, les films pornographiques sont vendus à gogo. Hommes et femmes en raffolent et en demandent toujours, surtout les week-ends. “ Ils profitent souvent du repos dominical pour suivre ces films ”, nous souffle un jeune venu chercher des films pour enfants. Certains viennent des autres quartiers. “ Il y a des gens qui préfèrent aller prendre ces cassettes dans des quartiers où ils ne sont pas connus ”, fait savoir Idy Diallo.

C’est pourquoi, ces cassettes sont cédées à un prix plus élevé. “ Nous les louons à 500 Fcfa. Contrairement aux Dvd qui traitent de guerre ou de mafia, qui sont louées à 300 Fcfa ”, confie Hamidou Diop.

Autre décor, le marché de Niary Tally. La voie qui traverse ce lieu de transactions et reliant Ben Tally et Niary Tally ne s’est pas encore départi des eaux de pluie de ces derniers jours. Les véhicules se fraient difficilement le passage. “ Je ne vends pas de cassettes qui traitent de la pornographie ”, nous lance Abdoulaye Diarra, en discussion avec quelqu’un devant sa cantine située au bord de la route. Mais notre interlocuteur reconnaît que ces cassettes sont fortement demandées. “ Je ne les vends pas par pudeur. Et du fait que je suis un musulman ”, justifie M. Diawara quand on lui a fait remarquer l’absence de films X sur les rayons.

M. Diawara souligne que des gens d’un âge assez avancé lui en font la demande. “ Quand ils viennent, ils demandent les types de cassettes que je loue. Dès qu’ils s’aperçoivent que les films X n’en font pas partie, ils sortent tranquillement. Et je lis une certaine déception sur leur visage ” ”, confie-t-il.

Abdoulaye Diawara note que cette gêne à demander directement les cassettes ne concerne pas les jeunes. “ Quand ils se pointent, ils demandent directement. Je réponds par la négative et ils repartent désolés ou se rabattent sur les films d’actions ou les dramatiques ”, explique-t-il. Une information battue en brèche par Modou Seck, un jeune rencontré dans les parages et adepte des vidéos clubs. “ Certains te font croire qu’ils ne louent pas les films X, mais en réalité, ils les cèdent à des clients spécifiques. Comme c’est illicite, ils n’ont pas confiance et ils te prennent pour un flic. Ils ne disent pas la vérité ”.

Ces deux jeunes Guinéens officiant au cœur du Ben Tally adoptent la même méthode que Abdoulaye Diawara. “ Nous ne détenons pas ces cassettes ”, nous balancent-ils, malgré notre stratégie consistant à orienter les échanges sur la vente des Dvd d’une manière générale. Sont-ils de bonne foi ? Seuls les férus de films X peuvent répondre à cette question. Et ce ne sont pas ces derniers qui manquent...

Mamadou Guèye et Babacar Dione

(Source : Le Soleil, 21 septembre 2006)

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