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Contes et mécomptes... du CONTAN ! Passage du Sénégal de l’analogique au numérique

dimanche 2 février 2014

Si le schéma proposé par l’équipe Amadou Top est retenu, cela reviendrait à déshabiller Jean (les opérateurs téléphoniques) pour habiller Paul (le partenaire asiatique embusqué)…

La semaine dernière, nous parlions des petites turpitudes et grosses magouilles du CONTAN qui, non content de piloter le processus de transition de notre pays de l’analogique vers le numérique, veut en profiter pour créer un opérateur de télécommunications ! Evidemment, c’est présenté sous forme de plateforme d’infrastructures mais nul n’est dupe. Et tandis que dans presque tous les pays du monde la transition s’arrêtera le 17 juin 2015 à 1 heure du matin, eh bien, au Sénégal, une société de patrimoine au capital de laquelle l’Etat détiendra 35 % des actions prendra gaiement le relais jusqu’à la fin du monde. Sauf dissolution anticipée, bien sûr !

Encore une fois, alors que partout ailleurs un comité, généralement sous la tutelle du ministère de la Communication ou des TIC, pilote ce processus qui se limite à mettre en place la TNT (Télévision numérique terrestre), au Sénégal, où on se croit toujours plus malin que tout le monde, on a choisi de faire compliqué alors qu’on aurait pu faire plus simple. Par décret, le président de la République a installé un Contan (Comité national de pilotage de la transition de l’Analogique vers le Numérique). Lequel, après avoir beaucoup réfléchi, a proposé, en plus de la TNT, de mettre en place un opérateur d’infrastructures, d’installer de la fibre optique et même de gérer la 4G que l’on peut définir en gros comme étant le mobile de 4ème génération.

En plus de cela, ce Contan, décidément boulimique, va reprendre la gestion du spectre des fréquences (radios, télés, hertziennes, radioélectriques, aériennes…) à l’Autorité de régulation des Télécommunications et des Postes (Artp) dont les activités sont pourtant régies par une loi nationale et des lois communautaires. Le Contan, créé par décret, qui reprend des attributions données par la loi, on aura tout vu. Naturellement, tout cela demande beaucoup d’argent, de l’ordre de 200 milliards de francs cfa. Un marché fabuleux qui attire plein d’investisseurs, principalement asiatiques. Lesquels, tels les Rois mages d’antan, accourent les bras chargés de mallettes et arrosent à tout-va. Une chose est sûre : l’appel d’offres ou, plutôt, à candidatures lancé par le Contan est à ce point rempli d’incongruités que nombreux sont les investisseurs qui sont convaincus que les dés sont pipés et que l’opérateur sud-coréen « Korean Télécommunications » a déjà remporté la mise.

Car comment comprendre que, pour une chose aussi importante que le choix d’un opérateur d’infrastructures, on n’offre qu’un délai de moins de 15 jours aux candidats pour faire leurs offres ? Or, sauf à bâcler celles-là, ou alors à les faire à l’aveuglette, il existe des délais quasiment incompressibles en la matière. Les spécialistes des télécommunications vous le diront : pour poser 300 à 350 kilomètres de fibre optique, par exemple, rien que le « survey », c’est-à-dire le processus de repérage qui comporte notamment des relevés topographiques, demande à lui seul trois à quatre semaines. Or, le CONTAN veut faire installer 3000 kilomètres de fibre optique d’ici au 17 juin 2015 ! Ce qui veut dire que, rien que pour ce « survey », cela demande au minimum 30 semaines, autrement dit à peu près sept mois.

Sauf à avoir bénéficié d’un délit d’initié et à s’être préparé longtemps à l’avance, donc, aucun opérateur ne peut réaliser la prouesse de préparer une offre sur l’installation de 3000 kilomètres de fibre optique en… 15 jours ! Mais même à supposer que les miracles existent encore et que des nuées de djinns travaillent sans discontinuer, nuit et jour, à l’élaboration de ces offres, il restera encore une autre paire de manches, consistant cette fois-ci en la pose de cette même fibre sur des sols sablonneux, argileux, sur des roches, en traversant des cours d’eau ou à flanc de mini-montagnes etc.

Selon les ingénieurs de la Sonatel, il faut 11 mois pour installer 300 à 350 kilomètres de fibre optique. Pour en installer 3000, il faut donc compter, logiquement, 110 mois, c’est-à-dire pas loin de dix ans ! Or, encore une fois, l’échéance pour le basculement au numérique, fixée par l’UIT (Union internationale des Télécommunications) pour les pays du monde entier, est le 17 juin 2015, soit dans 18 mois à peine. Cherchez l’erreur… Le plus absurde, surtout, c’est qu’on veut pousser l’Etat à s’endetter encore — alors que sa dette est déjà suffisamment lourde ! — pour construire des infrastructures comme la fibre optique… dont il dispose déjà ou qu’il peut faire réaliser sans débourser le moindre franc.

Pour cette fibre optique, justement, rien que la Sonatel a déjà installé 3500 kilomètres qui maillent tout le territoire national à travers des boucles imbriquées ressemblant à des anneaux. Le dernier « bastion », comme disent les techniciens, c’est l’axe Tambacounda – Kédougou qui est en cours de réalisation puisque le marché est déjà attribué. Mieux, à partir de Kidira, deux voies partent vers le Mali. Et de ce dernier pays, où la Sonatel est présente à travers Orange Mali, il y a continuation vers le Pays des hommes intègres. Ce qui fait que de Dakar au Burkina Faso et d’Abidjan à Dakar, tout est couvert par la fibre optique. A partir de Dakar, ces faisceaux sont raccordés aux câbles sous-marins Atlantis 2, SAT 3 et ACE (Africa Coast to Europa). Autrement dit, quand le Nepad parlait de réaliser des « autoroutes de l’information », c’était déjà chose faite dans notre pays !

Quant à la numérisation des télécommunications, elle a été réalisée au Sénégal depuis Mathusalem, plus précisément depuis 1996, le dernier « bastion » couvert étant celui de Mbacké. En plus des 3500 kilomètres du réseau de fibre optique de la Sonatel, l’Etat dispose aussi du réseau de l’ADIE (Agence de Développement de l’Informatique de l’Etat) qui fait 1500 kilomètres. Ce réseau de qualité médiocre a été réalisé par les Chinois et il doit servir aux communications administratives en remplacement du bon vieux Rac. Ses centraux sont installés au Technopôle et sont opérés par des techniciens chinois. Ce qui explique sans doute que ce réseau soit peu utilisé par l’administration. Pour d’évidentes raisons de sécurité…

Au bout de cinq ans d’exploitation, il devait devenir la propriété pleine et entière du Sénégal qui ne sait pas vraiment quoi en faire, ce réseau étant fait en armature métallique ce qui présente le fâcheux inconvénient d’attirer la foudre. Il se dit que l’ancien régime avait, à un moment donné, cherché à le fourguer à la Sonatel qui n’en aurait pas voulu. Toujours est-il que même en dehors de ces 1500 kilomètres de l’ADIE, le Sénégal, à travers la Sonatel, dispose de 3500 kilomètres de fibre optique qui couvrent, grosso modo, tout le Sénégal utile. Or, l’Etat dispose quand même jusqu’à présent de 29 % du capital de la Sonatel.

Et l’on voudrait qu’il laisse tout cela de côté pour s’endetter à coups de milliards de francs — à des taux concessionnels, certes, mais enfin, s’endetter quand même — pour réaliser des milliers de kilomètres de fibre optique. Car un kilomètre de fibre optique posé coûte 497.000 francs HT. Un prix qui n’inclut pas le coût des équipements, lequel dépend de la capacité et du nombre de sites traversés. Une proposition d’autant plus incongrue que si cette installation de milliers de kilomètres supplémentaires de fibre optique était d’une absolue nécessité, il suffirait de demander aux opérateurs de télécommunications de le faire. Lesquels disposent de suffisamment d’argent pour réaliser ce genre d’infrastructures.

Sauf s’il y a, bien sûr, des milliards de francs de commissions à toucher en cas de signature d’une convention de prêt entre l’Etat et une compagnie asiatique… Une convention qui inclurait aussi bien la TNT, la fourniture de boîtiers, la fibre optique et la 4G. Dans tous les cas, on ne voit vraiment pas ce que l’Etat pourrait gagner dans cette opération.

4G, un jackpot potentiel pour l’Etat… transféré au partenaire stratégique !

Ce n’est pas tout puisque, en plus de la fibre optique, le Contan s’arroge aussi le droit de gérer la LTE (Long Term Evolution) ou 4G, un débit Internet extrêmement puissant et ultrarapide pouvant aller allant jusqu’à 100 mégabits. Autrement dit, dix fois la puissance de l’Adsl ou de la 3G. Et ce à travers la plateforme à créer. D’après le schéma proposé, c’est le Contan, puis la société de patrimoine qui la remplacera après juin 2015, qui gérerait en exclusivité la 4G et vendrait des capacités aux opérateurs de téléphonie mobile mais aussi à des opérateurs d’infrastructures. Sur ce point, il faut dire que, dans la plupart des pays, le passage au numérique a eu pour effet de libérer des fréquences dans la 2G.

Ces fréquences (qui permettent d’avoir jusqu’à 184 kilobits sur Internet) ont été affectées aux opérateurs de télécoms qui les utilisent pour la 4G. Dans notre pays, la Sonatel exploite à titre expérimental — et gratuitement — cette LTE depuis octobre dernier après avoir obtenu, au même titre que les deux autres opérateurs que sont Tigo et Expresso, une autorisation d’une durée d’un an accordée par l’Artp. En principe, fin décembre prochain, l’Etat devrait lancer un appel d’offres pour attribuer les fréquences libérées. Les opérateurs se bousculant pour obtenir les fréquences les plus basses, l’Etat aurait donc eu beau jeu de faire monter les enchères. Et d’engranger beaucoup d’argent ! Au lieu de quoi, on lui propose en lieu et place, une société aux contours nébuleux.

Plutôt que de gagner du cash, on va le pousser à s’endetter à coup de milliards ! Et même si c’est l’opérateur choisi par le gouvernement à travers le Contan qui finance tout, il n’en reste pas moins que ce sera une dette que le contribuable sénégalais payera d’une façon ou d’une autre. Il s’y ajoute que, comme le confie un spécialiste du secteur, « le BOT (Build, operate and transfer) est une erreur dans les télécommunications dans la mesure où les opérateurs ont l’argent nécessaire pour investir et réaliser les infrastructures nécessaires ». Et si l’Etat doit vraiment emprunter, ce doit être pour réaliser autre chose pas pour investir dans les télécoms !

Pour parler de la 4G, toujours, le réseau expérimental de la Sonatel couvre une zone allant de Dakar à la Petite Côte. Auparavant, l’opérateur historique avait dû ferrailler pour obtenir sa licence 3 G. En effet, il avait déjà monté son pilote 3G depuis 2008, lors du sommet de l’OCI. Par la suite, le déploiement de ce réseau avait été bloqué du fait de l’arrivée d’Expresso et n’a pu être réalisé qu’en mars 2011. Or, l’opérateur historique aurait dû commercialiser la 3G depuis 2009 ! Malgré ce retard, la société dirigée par M. Alioune Ndiaye est devenue leader en quelques mois seulement !

A noter que pour la 2G, le territoire national est couvert à 98 %, les seules zones qui ne sont pas arrosées étant la forêt de Niokolo Koba et le Ferlo qui sont des déserts démographiques. Pour ce qui est de la 3G, qui permet d’avoir de 2 à 7 voire 21 mégabits de débit Internet, toute la zone allant de Dakar à la Petite Côte (capitale touristique du Sénégal), sans compter toutes les capitales régionales et départementales et la plupart des centres urbains secondaires sont couverts. Le processus se poursuit pour toucher jusqu’aux petites villes. Il reste juste que soit donné le top départ de la grande compétition pour la 4G… où manifestement le Contan a déjà favorisé un concurrent ! Un faux départ ? On verra bien !

Mamadou Oumar Ndiaye

(Source : Le Témoin, 2 février 2014)

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